Par Le National
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Ezer Weizman, le héros qui trébuche sur un vulgaire scandale financier.

JERUSALEM, 28 mai (AFP) - Habitué des dérapages contrôlés durant une longue carrière publique riche en zigzags, le président israélien Ezer Weizman, un ancien héros militaire longtemps très populaire auprès de ses compatriotes, aura finalement trébuché sur un vulgaire scandale financier.

Son porte-parole, Arieh Shumer, a officiellement annoncé dimanche que le chef de l'Etat, affaibli depuis le début de l'année par une affaire de corruption et de fraude fiscale, quitterait ses fonctions le 10 juillet.

M. Weizman, 76 ans, sera le premier chef d'Etat israélien à démissionner en cours de mandat.

Le procureur général de l'Etat juif, Eliyakim Rubinstein, avait pourtant décidé mercredi, "en raison d'un manque de preuves suffisantes", de ne pas engager de poursuites judiciaires contre lui.

Mais il avait aussi souligné l'existence d'un sérieux problème "moral" dans le comportement de M. Weizman, qui avait aussi reçu entre 1989 et 1993 des versements mensuels ayant atteint près d'un demi-million de dollars de la part d'un homme d'affaires français sans déclarer ces sommes aux services fiscaux.

Cette affaire, que la majorité des Israéliens juge choquante et contraire à l'éthique, aura ainsi mis un point final pathétique au parcours public jusqu'alors brillant de M. Weizman.

"Il incarnait la quintessence de l'Israélien: à la fois rude, irascible, impatient, intolérant, chaleureux, sensible à la peine d'autrui, acharné et intransigeant sur les principes. C'est une fin tragique pour un homme à qui on pardonnait pratiquement tout", écrivait récemment à son propos le quotidien Yédiot Aharonot.

Ancien commandant en chef flamboyant de l'armée de l'Air israélienne (1958-66), puis chef d'état-major adjoint des forces armées (1966-69), il se lance ensuite dans la politique, comme tant d'autres militaires israéliens, et devient ministre de la Défense (1977-80) dans le cabinet de droite de Menahem Begin.

Il fait alors figure de "faucon". Mais il devient une "colombe" après la visite historique du président égyptien Anouar el-Sadate à Jérusalem en 1977, avant d'opter finalement pour le centre.

Après une première élection à la présidence en mai 1993, il avait obtenu haut la main de la Knesset, en mars 1998, un second mandat présidentiel de cinq ans.

Depuis qu'il exerce la fonction de chef de l'Etat, il a transformé cette charge surtout représentative et honorifique en une véritable tribune.

Car pour lui, il n'est pas question d'inaugurer les chrysanthèmes. Sans craindre la droite israélienne, qui lui reproche ses sympathies travaillistes, il avait ainsi récemment averti ses compatriotes qu'il démissionnerait si un accord de paix avec la Syrie était désavoué lors d'un référendum.

Haut en couleurs, c'est un habitué des incartades: ministre des Sciences d'un cabinet d'union nationale, il rencontre secrètement à Genève en 1989 un responsable de l'OLP, bravant une loi qui interdisait alors tout contact avec la centrale palestinienne.

Ce profil de militant pacifiste lui avait valu l'an dernier de figurer en bonne place sur la liste des candidats pressentis pour le Prix Nobel de la Paix.

Se frottant volontiers aux petites gens, visitant systématiquement avec son épouse Reuma les blessés ou les familles endeuillées par des attentats, M. Weizman, le trait acéré, a le goût des formules à l'emporte-pièce.

Volontiers graveleux et machiste, il a toujours multiplié les jugements tranchés, s'attirant à la fois l'ire des femmes, des homosexuels et des religieux.

Né à Tel Aviv, il appartient à la vieille aristocratie des "sabras" ashkénazes, les juifs d'origine occidentale nés en Israël.

Neveu du premier président israélien Chaïm Weizman, il a longtemps cultivé son image d'as de la Royal Air Force britannique en bichonnant un Spitfire de la Seconde guerre mondiale près de sa somptueuse villa de Césarée, sur le littoral nord d'Israël.

C'est pour toutes ces raisons que ses compatriotes ont du mal à lui pardonner d'avoir accepté cette grosse poignée de dollars.