Par Le National
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Le vin ne peut pas encore être considéré comme un médicament

BORDEAUX (France), 20 avr (AFP) - Le vin contient une molécule ayant des vertus anti-oxydantes et anti-inflammatoires, mais rien ne permet encore d'affirmer qu'il puisse agir comme un médicament, ont estimé cette semaine à Bordeaux (sud-ouest) des scientifiques participant à un colloque sur le vin et la santé.

Organisé par l'Université de médecine et la Faculté d'oenologie de Bordeaux, ce colloque intitulé "Sang et vin" a réuni 200 médecins et chercheurs venus rendre compte des dernières avancées de la recherche sur les propriétés du vin et ses vertus thérapeutiques.

Un épidémiologiste à l'Institut national de santé et de la recherche médicale (INSERM), le professeur Serge Renaud, a présenté une étude à grande échelle menée depuis 1978 sur les risques de la consommation de vin et de bière dans une population de 34.000 hommes d'âge moyen pour expliquer le "paradoxe français".

Le point de départ a été la découverte dans les années 1970 d'une différence entre le taux de mortalité cardio-vasculaire peu élevé en France par rapport à celui des Etats-Unis, malgré des facteurs de risque importants (tabac, hypertension, cholestérol...), qui pouvait s'expliquer par la forte consommation de vin.

Cette étude a démontré que "la consommation régulière et modérée de vin diminuait de 30 % les risques cardio-vasculaires", selon M. Renaud.

Un professeur du Laboratoire de pharmacognosie de l'Université de Bordeaux, Joseph Vercauteren, a souligné l'existence dans le vin de petites quantités de polyphénols, dont le resvératrol, "une molécule qui présente des actions anti-oxydantes et anti-inflammatoires".

"Si les cellules se constituent un stock de polyphénols, elles pourront mieux lutter contre la neurodégénérescence, le cancer ou le vieillissement. Mais pour l'instant nous n'avons pas de preuve, que des indications. Autrement, le vin serait considéré comme un médicament", a-t-il expliqué.

Cependant, les qualités potentielles des polyphénols, que l'on trouve dans beaucoup d'autres végétaux, poussent beaucoup de laboratoires à mener des recherches sur ces molécules. Ainsi, un professeur du laboratoire de parasitologie de l'Université de Bordeaux, Philippe Vincendeau, a démontré que "les polyphénols avaient un effet direct sur les parasites responsables de la trypanosomiase africaine", aussi appelée maladie du sommeil.

Un autre professeur bordelais, Djavad Mossalayi, du laboratoire de greffe de moelle, a découvert "l'effet inhibiteur des polyphénols sur la prolifération des cellules leucémiques".

Plus nuancé, le professeur Ludovic Drouet, qui étudie les effets du vin sur l'athérothrombose, a conclu que la consommation de vin ne pouvait avoir qu'un effet préventif. Le professeur Francis Raul de Strasbourg (est) a relevé que le resvératrol était "un candidat intéressant en tant qu'agent chimiopréventif, mais qu'il n'avait pas d'effet curatif". "Ce n'est pas un agent thérapeutique", a-t-il conclu.

La communication d'un biochimiste, le docteur Marvin Edeas, sur les effets des polyphénols du vin sur l'expression du VIH (virus du SIDA) a été la plus controversée. Evoquant l'effet anti-oxydant des polyphénols, il a souligné qu'il est "intéressant de les associer à la trithérapie pour améliorer la qualité de vie des patients". Il a estimé que comme anti-oxydant, "un verre de vin vaut deux tasses de thé ou vingt de jus de pomme".

Le Pr Vercauteren a nuancé ce propos en rappelant qu'on en était encore au stade de la recherche fondamentale sur les polyphénols. "A ce jour il faut rester prudent, le vin n'est pas un médicament", a-t-il conclu.