Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Approche psychiatrique et prise en charge psychologique du SIDA.

en collaboration avec RGL-Maginfo

Parallèlement à l'évolution des connaissances cliniques concernant le sida, l'observation des troubles neuro-psychiatriques s'est enrichie.
Les premiers travaux décrivaient des manifestations d'étiologie inconnue. La découverte du neurotropisme du VIH a permis de dégager
deux grands groupes de syndromes : ils peuvent être liés à une atteinte organique ou, au contraire, sont dits "réactionnels". Cette distinction comporte une part d'arbitraire théorique; l'altération des fonctions supérieures consécutives à une atteinte organique pouvant tout à fait s'accompagner de manifestations dépressives réactionnelles et l'étiologie en est rarement déterminée avec certitude.

Beaucoup d'inconnues demeurent : la grande majorité des recherches portent sur des populations particulières, en l'occurrence les homosexuels nord-américains ou européens. On connaît moins bien l'épidémiologie ou la clinique des autres groupes atteints, qu'il s'agisse des Africains ou des toxicomanes, pour lesquels les publications sont beaucoup moins nombreuses. Les études menées jusqu'à présent en Afrique, par exemple, semblent donner des résultats sensiblement différents de ceux que l'on observe ailleurs : on rapporte entre autres une moindre occurrence des troubles neuropsychiatriques.
De plus, le développement récent de la recherche en psychiatrie ou en neuropsychologie dans le domaine du sida, ainsi que l'évolution propre à cette maladie, n'ont pas encore permis de dégager des perspectives concernant le pronostic des troubles décrits.

La place des intervenants, qu'ils soient psychiatres ou psychologues, s'est affirmée, de plus en plus utile au cours du temps. Dans les services de médecine recevant des patients infectés par le VIH, les demandes qui sont adressées à cette catégorie de soignants sont très diverses. La plupart du temps, la qualité de la relation médecin/malade aide le patient à faire face à ses difficultés psychologiques. Il arrive cependant que la persistance ou l'exacerbation des symptômes impose un recours aux spécialistes. Par ailleurs, ménager un lieu et un temps de parole pour que soient évoquées les difficultés des équipes soignantes fait partie des tâches des psychologues. D'une façon plus générale, l'irruption du sida a modifié le travail des médecins exerçant dans des structures psychiatriques spécialisées. L'ignorance du statut sérologique des patients accueillis en urgence impose une particulière vigilance devant tout trouble psychiatrique atypique. L'enjeu de certains troubles psychiatriques liés au VIH doit être connu.

Enfin, la contamination par le VIH a d'importantes conséquences sociales et bouleverse la vie des patients. L'atteinte d'une population majoritairement jeune et active pose des problèmes à la fois individuels - l'avenir des patients leur apparaît lourdement grevé - et collectifs en termes de coûts ou d'organisation des systèmes de soins.

Actuellement, on distingue donc chez les patients infectés par le VIH, des troubles psychiatriques consécutifs à une atteinte organique des manifestations réactionnelles dont l'origine est plus vraisemblable psychogène. Ces dernières sont en pratique les plus fréquemment rencontrées, même si leur étude n'est pas au premier plan.

Troubles psychiatriques réactionnels
ou fonctionnels

La découverte du sida au début des années 80 s'est accompagnée pour les patients d'une forte charge d'angoisse devant cette maladie d'évolution incertaine. Très rapidement, son très mauvais pronostic a été connu, et des troubles psychiques réactionnels spécifiques ont été décrits. Les voies de contamination ayant, sauf pour la transfusion, rapport avec le mode de jouissance du patient, la stigmatisation sociale et parfois le sentiment de culpabilité des sujets contaminés, sont autant de données qui contribuent à différencier cette infection d'autres maladies potentiellement létales. Aujourd'hui, les effets du VIH sont mieux connus, mais les perspectives thérapeutiques restent limitées.

Psychopathologie

Si l'on rapporte dans la littérature anglo-saxonne peu de cas d'épisodes dépressif majeurs et peu d'attaques de panique, tous les auteurs soulignent l'importance des états dépressifs et anxieux, et ce, quel que soit le stade de la maladie.

La pratique, anglo-saxonne plus que française, du "counseling" dès le moment du test et de ses résultats semble atténuer le traumatisme que peut constituer l'annonce d'une séropositivité.

Pratiqué en groupe ou en séances individuelles, le counseling est une technique de prise en charge globale (affective, psychologique, matérielle ...), qui doit permettre au patient de développer des stratégies d'adaptation à sa maladie.

Le stade ARC, avec son cortège d'incertitudes, est décrit comme une période particulièrement anxiogène. Enfin, le stade de sida place le sujet dans un contexte d'atteinte corporelle et de difficultés sociales particulièrement pénibles.

Certains ont tenté de définir des réactions se déroulant selon trois phases : la crise initiale serait une alternance de déni et d'angoisse, accompagnant l'annonce de la séropositivité. Cette crise serait suivie d'un état transitionnel de détresse et de confusion marqué par un retour sur le passé s'accompagnant de repli ou au contraire d'une demande de soutien psychologique. Enfin, l'acceptation de son état constituerait pour le patient la troisième phase de cette évolution. Si cette description clinique nous semble un peu schématique, elle a le mérite de mettre en relief l'effet de rupture entraîné par cette maladie dans la vie du patient.

Face à la survenue de cette maladie, dont il connaît généralement le mauvais pronostic, le patient met en oeuvre ses défenses psychiques habituelles. Mais ces mécanismes défensifs sont parfois dépassés : surviennent alors des symptômes variés : dépression, angoisse, plus exceptionnellement délire ou réaction maniaque.

Les défenses psychiques les plus fréquemment mises en jeu vont de la dénégation, ou du déni (un patient mourant nous expose ses problèmes de vacances ...), à l'isolation affective, la projection, ou encore la sublimation.

Ainsi le sujet tente-t-il de faire face aux différentes atteintes qu'il subit. Même lorsque le corps n'est pas encore "marqué" cliniquement, en l'absence de symptômes repérables (ce qu'un patient formule par l'expression "être malade sans être malade"), il peut exister une réelle atteinte narcissique : l'avenir est amputé, les investissements affectifs ou professionnels deviennent difficiles et le sujet a le sentiment douloureux de ne plus être maître de son destin. Ceci peut s'accompagner alors d'une perte des idéaux, d'une restriction anticipée des réalisations.

Au stade de sida, le corps est atteint dans son intégrité : "les marques du sarcome de Kaposi nous désignent aux yeux du monde" expliquent certains patients; les atteintes neurologiques, voire la défaillance de fonctions motrices ou de contrôle des sphincters marquent une étape très mal vécue.

Il s'agit là de véritables deuils, concernant une fonction ou un organe, ou de façon plus subjective, celui d'une certaine image de soi. Il est fréquent que les patients rapportent une baisse ou une disparition de leur libido, assumée paradoxalement sans beaucoup de souffrance. Le renoncement à séduire, la rupture de tels liens aux autres s'accompagnent d'une perte de l'amour de soi, qui peut, elle, être vécue douloureusement.

Le renoncement à la paternité ou à la maternité "biologique", la difficulté de s'investir dans une fonction parentale qui va de pair avec une nécessaire projection dans l'avenir, devenue si hasardeuse dans ce contexte, sont autant d'éléments au fort pouvoir dépressiogène. Et si la plupart des patients vivent dans l'idée, commune à tous, de leur immortalité, le décès de leurs amis est à l'origine de deuils successifs dont l'accumulation peut entraîner l'apparition de véritables états dépressifs. Parfois, au contraire, la proximité d'une mort attendue donne un poids singulier aux événements de la vie, et certains patients tentent alors de réaliser "tous leurs désirs", s'évertuant ainsi à dénier la maladie ou à compenser la précarité de leur avenir.

Dépression

La symptomatologie dépressive rencontrée dans ce cadre est classique, elle associe inhibition, ralentissement psychomoteur, tristesse, anorexie ou boulimie, troubles du sommeil et atteinte des fonctions cognitives. Il peut être difficile d'en faire le diagnostic, lorsque prédominent les plaintes somatiques, qui coïncident en partie avec les effets de la maladie même. L'émergence de troubles cognitifs et d'un ralentissement psychique peut déboucher sur une évolution démentielle, confondue dans un premier temps avec un syndrome dépressif.

Angoisse

L'angoisse peut provenir de l'incertitude quant au déroulement de la maladie, phases de stabilisation ou d'aggravation alternant, sans que le patient possède la moindre maîtrise de cette évolution. Mais la survenue d'angoisse et surtout son intensité sont aussi fonction de la personnalité du sujet.

On retrouve les manifestations subjectives classiques : impression de danger imminent, agitation interne, pouvant entraîner des troubles du comportement, et s'accompagner d'une expression somatique comprenant tachycardie, sueurs, troubles digestifs.

Manifestations psychotiques

Une décompensation sur un mode psychotique est plus rarement rencontrée : on décrit dans le cadre de l'atteinte par le VIH, quelques cas de psychoses chroniques, essentiellement schizophréniques. L'émergence de psychoses maniaco-dépressives a été rapportée, la manie étant plus fréquente que la mélancolie.

D'une manière générale, il est difficile d'affirmer la nature psychogène ou organique de tels troubles :

  • l'existence d'antécédents psychiatriques personnels,
  • le rôle du sida comme événement déclenchant,
  • l'élimination d'une cause organique,
  • l'évolution favorable des symptômes psychiatriques à long terme sous traitement psychotrope,

sont autant d'éléments en faveur d'une origine psychogène. De plus, on ne dispose actuellement d'aucune donnée épidémiologique précise sur la prévalence de ces troubles. L'existence d'une pathologie antérieure à l'atteinte virale, de prise de toxiques, de drogues ou d'un alcoolisme associé rend leur évaluation étiologique hasardeuse.

L'augmentation du nombre de toxicomanes contaminés est notable mais on connaît mal la prévalence des troubles neuro-psychiatriques dans cette population.

Par ailleurs, il est très difficile d'apprécier l'importance du suicide. Un groupe anglo-saxon rapporte une forte augmentation de la fréquence des suicides chez des patients atteints de sida par rapport à la population générale, ce qui ne semble pas vérifié en France. En pratique clinique, les tentatives d'autolyse surviennent chez des patients de structures psychiques diverses, et semblent avoir en commun leur gravité. Elles ne s'intègrent pas obligatoirment à un choix face à une dégradation physique redoutée.

Troubles psychiatriques d'étiologie organique

On peut différencier les troubles psychiatriques d'origine organique selon l'étiologie, directement virale (VIH) ou secondaire à des infections cérébrales dues à d'autres agents, ou selon suivant le stade de l'atteinte, séropositivité, ARC ou sida.

Les effets du virus lui-même peuvent être à l'origine de troubles cognitifs d'apparition tardive, évoluant éventuellement vers un état démentiel. Certaines infections opportunistes ou maladies tumorales provoquent une atteinte des fonctions intellectuelles et de l'état psychique du patient. Bien que la présence concomitante ou l'apparition rapide de signes somatiques associés (symptomatologie infectieuse ou neurologique en particulier) permettent généralement l'établissement d'un diagnostic, il importe actuellement de connaître ces étiologies.

L'importance de ces données rend nécessaire la diffusion d'une information de qualité, particulièrement en milieu psychiatrique spécialisé ou le statut sérologique des patients arrivant en urgence est rarement connu. Rappelons que les auteurs anglo-saxons s'accordent pour considérer que 40% des patients présentent des atteintes du SNC au stade de sida, et que pour 10% de ces malades, ces manifestations sont inaugurales. Si la pénétration du virus dans le système nerveux central est précoce, son expression clinique est généralement tardive, allant probablement de pair avec une baisse de l'immunité.

Nous évoquerons donc brièvement la symptomatologie psychiatrique rencontrée dans ce contexte d'organicité.

Troubles cognitifs

Au décours de la primo-infection, de nombreux patients se plaignent de troubles de l'attention, de la concentration et de la mémoire, immédiate en particulier.

Des tests psychométriques peuvent les mettre en évidence, les quantifier, en préciser l'étiologie, en suivre l'évolution. en particulier, certaines batteries de tests permettent une discrimination entre les troubles des fonctions supérieures d'origine organique et les autres, dus à un état dépressif plus ou moins latent.

Certaines publications avaient évoqué en 1987 la possibilité d'atteintes précoces des fonctions supérieures. Actuellement, il se dégage un consensus quant à l'absence de troubles des fonctions cognitives au stade de la séropositivité asymptomatique. Des études prospectives récentes dans ce domaine montrent une stabilité des performances sur un an. La situation serait différente aux stades ARC et surtout sida. Cependant, il n'existe pas pour l'instant de concordance entre les auteurs quant aux pourcentages de patients atteints, ni de certitude quant à l'origine de cette atteinte clinique : symptôme consécutif à l'apparition d'une maladie opportuniste, atteinte directe par le virus ou intrication des deux étiologies.

Actuellement, un syndrome (HIV-1 associated/motor complex) comprenant différents trouubles attribués à l'atteinte du SNC par le virus est décrit : on y trouve associés à des troubles des fonctions supérieures, des troubles moteurs et du comportement. La particularité de ce syndrome serait de ne pas évoluer systématiquement vers une démence.

Syndromes démentiels

Démence de l'encéphalopathie à VIH (Aids Dementia Complex)

Les troubles que nous venons de décrire peuvent constituer les prémices d'une encéphalopathie liée au VIH. Ils s'aggravent alors en un temps variable, jusqu'à présenter un tableau de démence sous-corticale, qui place le patient dans le groupe 4B de la classification CDC (stade sida).

Les débuts en sont souvent insidieux. Progressivement s'installe un tableau clinique comprenant un ralentissement psychomoteur, des difficultés de concentration, une désorientation temporo-spatiale, des troubles de la mémoire et du jugement; cette altération des fonctions supérieures ira en s'aggravant.
Les troubles du comportement sont à type d'irritabilité, d'agitation ou, au contraire, d'apathie et de repli qui prédominent sur la fin. Enfin, les troubles moteurs, concernant d'abord la motricité fine, deviennent bientôt prédominants, touchant les membres inférieurs et le contrôle sphinctérien. L'évolution d'un tel tableau nn'est pas d'un seul tenant : il existe des rémissions, au cours desquelles il n'est pas rare que le patient ait conscience même partiellement, de ses troubles, lesquels s'accompagnent alors d'une symptomatologie dépressive surajoutée.

Autres syndromes démentiels

On retrouve un tableau démentiel dans d'autres circonstances que l'atteinte directe sur le VIH : l'atteinte cérébrale par le CMV est à l'origine d'une telle symptomatologie, et le LEMP, surtout, comprend un syndrome démentiel d'installation progressive, associé à des signes focaux (aphasie, apraxie, cécité corticale ...).

Si ces syndromes démentiels ne sont pas curables, rappelons la nécessité d'un traitement visant à atténuer les troubles du comportement (faibles doses de neuroleptiques), visant à régulariser le sommeil et à maintenir les repères du patient par une prise en charge institutionnelle.

La confusion

C'est un tableau clinique fréquemment rencontré, particulièrement au stade de sida, associant des troubles de la mémoire et de l'attention, une désorientation temporo-spatiale, un éventuel onirisme, et le plus souvent des troubles du comportement.

Cette symptomatologie est consécutive à une atteinte du SNC par une affection opportuniste ou tumorale (toxoplasmose, lymphome ...). Les causes peuvent en être des troubles métaboliques, les effets secondaires des traitemens psychotropes (tricycliques en particulier) ou autres (isoniazide ...), une hypoxie dans un contexte de pneumocystose, une septicémie, une hyperthermie ...
Par définition, la confusion est curable et transitoire. Il est donc fondamental d'en faire le diagnostic étiologique.

Manifestations psychotiques

Quelques cas de troubles psychiatriques sévères ont été rapportés aux stades ARC et sida. Certains auteurs écartent une possible origine psychogène de ces épisodes délirants aigus en faisant remarquer l'ignorance des patients de leur statut sérologique à ce moment précis. L'insuffisance des données actuelles ne permet pas de conclure.

- à propos de la bouffée délirante aiguë et les syndromes délirants ou affectifs organiques : la littérature rapporte des cas de manifestations psychotiques survenant au décours de la maladie. Certains tableaux évoquent ce que l'on nomme en France "bouffée délirante aiguë", avec un syndrome délirant accompagné éventuellement d'hallucinations, fluctuant, pouvant être associé à des troubles du comportement et parfois de l'attention.
De véritables états psychotiques peuvent s'installer, sans troubles de la conscience associés, sur un mode paranoïaque, schizophrénique ou maniaque. La coexistence d'un syndrome psychotique (délire ou troubles majeurs de l'humeur) et d'une maladie somatique fait classer ces manifestations dans le cadre des "syndromes cérébraux organiques" et plus précisément des "syndromes délirants (ou affectifs) organiques" selon le DSMIII-R, sans que l'on puisse le plus souvent en certifier l'étiologie. L'administration de neuroleptiques à doses filées, en choisissant les substances à faibles effets extrapyramidaux, permet généralement l'amélioration de l'état psychique du patient.

Quelle que soit la prescription chimiothérapique, rappelons la nécessité d'une adaptation de la posologie à l'état somatique du patient. La présence d'infections intercurrentes et les associations thérapeutiques rendent parfois les traitements psychotropes difficiles à instaurer ou à maintenir.

- Les psychosyndromes organiques comprennent des changements de la personnalité du sujet, une labilité émotionnelle, une apathie voire une indifférence, d'éventuelles idées délirantes. Les fonctions supérieures sont préservées, ce qui les différencie de la démence dont ils peuvent être cependant un des signes précurseurs. Il n'y a pas d'altération de la conscience, au contraire de la confusion. Une étiologie organique doit être recherchée, en particulier une affection tumorale (lymphome, sarcomes immunoblastiques ...).

Prise en charge

La diversité des troubles rencontrés et l'existence d'atteintes organiques impose des approches thérapeutiques variées, qui ne peuvent négliger les conséquences sociales de la maladie et leurs interactions avec l'état psychique du patient.

Chimiothérapie

Essentiellement symptomatique, la chimiothérpaie des troubles psychiatriques connaît quelques particularités dans le choix des molécules et l'ajustement des posologies. au stade de sida, l'altération de l'état général, la survenue possible d'une atteinte du SNC imposent une prudence particulière, et un suivi régulier de toute administration de psychotropes.

Les anxiolytiques seront prescrits devant les manifestations d'anxiété diffuse, les états d'agitation anxieuse. Les benzodiazépines restent très utilisées, car elles associent une action myorelaxante à une réelle efficacité sur les manifestations somatiques de l'angoisse. Actuellement, on préconise l'emploi de molécules à demi-vie courte, tels le lorazepam (Temesta) ou l'alprazolam (Xanax). Le bromazepam (Lexomil) est également bien toléré).

Les antidépresseurs constituent le traitement actuel des attaques de panique. On les utilise également devant tout état dépressif, intense ou persistant. Les tricycliques peuvent être prescrits en l'absence de leurs contre-indications habituelles, mais on emploie actuellement beaucoup les quadricycliques, la maproptiline (Ludiomil) en particulier, ou encore des composés alpha-bloquants telle la miansérine (Athymil) pour leur bonne tolérance et leurs propriétés anxiolytiques. L'emploi d'antidépresseurs doit toujours faire redouter une inversion de l'humeur, un raptus anxieux, à l'origine de possibles tentatives de suicide.

D'une façon générale, on préférera les composés à faible action anticholinergique, afin d'éviter l'aggravation de possibles troubles de la mémoire, ou même l'apparition d'une confusion.

L'usage des neuroleptiques est préconisé devant toute manifestation psychotique.
Les butyrophénones tel l'halopéridol (Haldol) semblent bien tolérées (10 à 15 mg/j).
Les effets secondaires, en particulier extrapyramidaux, sont parfois importants, et imposent alors l'adjonction de correcteur, voire l'arrêt du traitement. L'emploi de la thioridazine (Melleril) a parfois été présenté comme une alternative satisfaisante, en particulier dans les troubles mineurs du comportement.

Enfin, l'administration d'une chimiothérapie, par le suivi régulier qu'elle impose, permet parfois la proposition concomitante d'une prise en charge psychothérapique.

Psychothérapie

L'annonce de l'infection par le VIH a d'importantes répercussions sur la vie des patients.
Pour beaucoup, il existe un moment dépressif - certains évoquent une véritable sidération - pendant lequel s'effectue des remaniements psychiques qui leur permettent d'intégrer cette nouvelle donnée de leur vie. Une aide extérieure, notamment associative, peut alors être nécessaire, dans une perspective de soutien psychothérapique, voire chimiothérapique.

Cette demande d'intervention psychologique ou psychiatrique peut resurgir tout au long de la maladie, essentiellement lors de moment de rupture : survenue de modifications de l'état de santé, passage au stade ARC, chronicisation des symptômes, irruption d'une affection opportuniste, hospitalisation soudaine ...

Parfois, la modification d'un bilan biologique, le décès d'un proche atteint par le virus, sont perçues comme des annonces menaçantes d'une dégradation physique prochaine et la présence trop intense de la mort ne permet plus au sujet de poursuivre son existence antérieure comme si de rien n'était.

Il arrive que les patients soient amenés à tenter de donner un sens à ce qui leur arrive, à intégrer cette atteinte dans la continuité de leur existence. Ils peuvent alors s'engager dans une véritable psychothérapie et, dans quelques cas, entreprendre une psychanalyse.

Prise en charge institutionnelle

La relation qu'entreprennent les patients avec leur médecin comporte le plus souvent une dimension de soutien psychologique. Il est celui qui "sait", qui fournit l'information, les traitements, qui rassure mais aussi lorsque la situation physique se dégrade, celui qui prescrit les examens complémentaires douloureux et les traitements plus ou moins efficaces, souvent très contraignants.

Par ailleurs, les équipes soignantes rencontrent des difficultés à prendre en charge une population souvent jeune, la plupart du temps bien informée, conservant des exigences en termes de qualité de vie, avec qui les phénomènes d'identification sont particulièrement faciles. Les interventions de psychiatres et de psychologues sont souvent requises dans ces circonstances pour tenter de rétablir une distance psychique salutaire.

Si dans certains milieux sociaux, l'atteinte par le VIH ou la maladie sida ne provoque pas de rejet de la part de l'entourage, il arrive encore aujourd'hui que les patients soient victimes d'une véritable stigmatisation de leur état. Mais de façon générale, l'entourage familial, affectif, est le plus souvent très éprouvé. Dans un premier temps, la survenue de l'infection chez un membre de la famille et sa signification quant à ses modes de jouissance peut mettre en lumière les failles d'un équilibre qui reposait souvent sur le non-dit; dans un second temps, le déroulement de la maladie, et plus précisèment l'entrée dans la chronicité, plus visible avec l'amélioration des traitements, l'aggravation éventuelle de l'état de santé tendent à épuiser les proches du patient.

Les milieux associatifs tentent de pallier une solidarité familiale ou amicale défaillante, et leur rôle est important dans les domaines de l'aide sociale, ou éventuellement juridique, apportée aux patients.

Mesures médico-légales

La prise en charge des troubles psychiatriques dans le cadre de l'infection par le VIH, comporte, outre les dimensions psychothérapiques et chimiothérapiques que nous venons d'évoquer, d'éventuelles mesures médico-légales.

L'hospitalisation dans le cas de troubles psychotiques aigus, maniaques en particulier, peut nécessiter le recours à des mesures légales (Hospitalisation à la Demande d'un Tiers, loi du 27/06/90) permettant les soins en secteur psychiatrique.

Sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle dans le cas d'une symptomatologie démentielle sont des mesures de protection des biens qui doivent être mises en place dès que nécessaire par le médecin traitant.

F. LINARD & D. SILVESTRE