Par Le National
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Maigrir sans effort avec les Ucp...

Transformer l'énergie en chaleur plutôt que la stocker, voilà peut-être un remède à l'obésité. Une équipe de chercheurs américains a réussi à créer des souris transgéniques capables de résister à la prise de poids, malgré un régime alimentaire particulièrement riche. Quel est leur secret ? Elles expriment une protéine découplante dans leurs muscles.

Appelées Ucp (pour uncoupling protein), ces molécules ont la particularité de modifier les transferts d'électrons et de protons à travers la paroi des mitochondries, les centrales énergétiques des cellules. Résultat : l'oxydation des nutriments, qui conduit normalement au stockage de l'énergie sous forme d'ATP (adénosine triphosphate), génère de la chaleur. "Les Ucp découplent la respiration, précise Daniel Ricquier (CNRS-Meudon), découvreur du premier gène Ucp en 1976. En fait, elles débrayent le système qui lie l'oxydation des substrats et la synthèse de l'ATP." Les protéines découplantes sont localisées dans de nombreux tissus mais Ucp1, utilisée par les chercheurs américains, ne se trouve que dans les adipocytes bruns, une réserve de lipides employée essentiellement pour la production de chaleur. Les muscles, eux, en sont dépourvus et ne peuvent compter que sur Ucp3, beaucoup moins active que la première.

Des souris qui ne grossissent pas En imposant la production d'Ucp1 aux cellules des muscles squelettiques à un niveau équivalent à 1 % de celui du tissu adipeux brun, les biologistes de l'université Washington, à Saint-Louis, sont parvenus à enrayer la prise de poids chez des souris nourries avec trop de graisses. En fait, la consommation d'oxygène de leurs cellules musculaires se révèle 98 % supérieure à celle de leurs homologues normales. Et les animaux transgéniques apparaissent plus petits, possèdent moins de tissu adipeux brun mais résistent quand même très bien au froid. En revanche, trop d'Ucp dans leurs muscles les rend peu endurantes. Un problème que rencontrent Daniel Ricquier et son collaborateur Frédéric Bouillaud avec leur propre lignée animale. "Mais nos souris ont des taux d'expression d'Ucp1 beaucoup plus importants et présentent un phénotype distinct de celui observé par léquipe américaine."

Non contentes de limiter l'obésité, les protéines découplantes parviennent également à régler les problèmes connexes, comme l'hyperglycémie, l'hyperlipidémie et la résistance à l'insuline ; résistance qui provoque très souvent du diabète. Selon les auteurs, la plus grande sensibilité à l'insuline observée chez les souris transgéniques seraient due à l'augmentation du transport du glucose dans les cellules musculaires.

La thérapie génique, une utopie Alors, bientôt un traitement aux Ucp pour vaincre l'obésité ? Evidemment, la modification du patrimoine génétique de l'homme reste une possibilité, bien que très hypothétique. Selon Daniel Ricquier, "les protocoles de thérapie génique apparaissent encore trop complexes. Et il serait peut-être préférable de les réserver à des pathologies plus dramatiques." Car pour le moment, toutes les études n'ont été effectuées que sur l'obésité issue du régime alimentaire ; obésité pour laquelle il peut y avoir d'autres traitements. Rien ne permet d'affirmer que les Ucp pourront soigner l'obésité d'origine génétique.

La pharmacologie demeure la seule voix envisageable à l'heure actuelle. Les molécules qui découplent la respiration existent mais se révèlent très toxiques. En revanche, des substances capables d'induire l'expression des gènes Ucp dans les muscles pourraient offrir de belles perspectives. "Si obtenir une expression du gène Ucp1, qui existe dans les muscles mais reste silencieux, semble à première vue difficile, augmenter celle d'Ucp3 paraît plus abordable", estime Daniel Ricquier. En attendant ce brûleur de graisse miracle, une seule solution : l'exercice physique.

(Info Science)