Par Le National
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La traque informatique, vedette des enquêtes criminelles

LONDRES (Reuters) - Les attaques du 11 septembre sur New York et Washington ont mis en évidence, s'il en était besoin, l'importance prise par la traque informatique dans les enquêtes criminelles.

Les agents du FBI ont ainsi confisqué deux ordinateurs d'une bibliothèque municipale de Delray Beach, en Floride, qui avaient été utilisés par des suspects des attentats.

Une analyse des disques durs a permis, en analysant les empreintes électroniques laissées par les pirates de l'air présumés, de remonter une filière de complicités mondiales, avec des ramifications en Allemagne, en Arabie saoudite et en Afghanistan.

L'Attorney general américain (ministre de la Justice) John Ashcroft avait déclaré à une commission parlementaire en septembre que les suspects avaient téléchargé "des informations en assez grand nombre" sur le traitement des champs à l'insecticide. Cette découverte avait conduit le gouvernement américain à clouer au sol temporairement tous les avions d'épandage.

L'informatique, et plus particulièrement internet, sont devenus des outils essentiels pour les enquêteurs. La garde cvile espagnole utilise ainsi son site officiel pour mettre en garde la population contre les nouvelles menaces criminelles et pour réunir des renseignements. Les gouvernements japonais et sud-coréen ont commencé a travailler en partenariat avec le secteur privé pour venir à bout du piratage informatique.

Mais dans le même temps, la pénétration mondiale d'internet a permis le développement d'un nouveau type de délits sans frontières, reconnaissent les gouvernements.

"Ce qui sera intéressant à observer sera la prochaine génération," a déclaré un enquêteur d'un centre londonien d'information sur la criminalité (National Crime Information Center).

Selon lui, l'intérêt des enquêteurs pour ces délits liés à internet sera nettement renforcé quand les auteurs risqueront des peines de prison, ce qui permettra aussi de mieux cerner le phénomène.

Il n'y a pour le moment pas de statistiques fiables sur les crimes informatiques car de nombreux incidents ne sont pas rapportés, ajoutent les gouvernements.


Traité européen contre la cyber-criminalité


Le travail des policiers consiste de plus en plus en un va-et-vient entre le travail de terrain traditionnel et les forums de discussion internet, afin de suivre à la trace les criminels qui utilisent le réseau mondial pour planifier tous les types de délits, de la fraude à la carte bancaire au meurtre, expliquent des enquêteurs.

L'année dernière, le futur secrétaire général d'Interpol, Ronald Noble, avait déclaré que la criminalité utilisant les hautes technologies était "une des nouvelles menaces pour la sécurité."

Une de ses premières décisions à la tête d'Interpol a été de tripler la taille de la division de lutte contre le cybercrime et d'accroître son budget, a déclaré Michael Holstein, des services d'information d'Interpol.

Michael Holstein a précisé qu'une des principales fonctions de la division était d'établir pour les 179 états membres de l'organisation une procédure standardisée pour la collecte de preuves informatiques, des peuves que les magistrats reçoivent souvent avec réticence.

Les gouvernements tentent d'accroître leurs pouvoirs en matière de surveillance en ligne. John Ashcroft, par exemple, a demandé à une commission parlementaire d'élargir ses prérogatives en matière d'écoutes téléphoniques et de surveillance d'internet afin de l'aider dans "la guerre contre le terrorisme."

Le Congrès américain a bien adopté une loi accroissant les pouvoirs de Washington en matière de sécurité, mais la requête d'Ashcroft a été rejetée, en partie sous la pression des groupes de défense des libertés civiles, inquiets du renforcement des pouvoirs policiers.

Le Conseil de l'Europe a approuvé en septembre la convention sur le cybercrime, un traité qui met en place les principes d'une future législation conduisant à un renforcement du partage d'informations entre les pays pour lutter contre le développement de la cybercriminalité.

Le traité n'a pas force de loi et devrait, pour être contraignant, être adopté par 43 pays européens et cinq autres pays, dont les Etats-Unis, le Canada et le Japon.

Il couvre des domaines criminels aussi divers que la fraude sur internet, la pédophilie et les infractions sur les réseaux informatiques. Il met aussi en place des procédures mondiales pour les enquêtes sur les ordinateurs, l'interception des e-mails et l'extradition des suspects.

Cela pourrait prendre des années avant que la plupart des pays transforment les recommandations du Conseil de l'Europe en lois. Mais des observateurs soulignent que les effets sont déjà visibles et que, depuis le 11 septembre, les enquêteurs partagent leurs informations plus régulièrement.