Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Santé: Le Cancer des testicules ne résiste plus aux nouveaux médicaments!

en collaboration avec RGL-Maginfo

Le cancer du testicule a largement profité, ces dernières années, de l'amélioration de différentes techniques :

- radiologiques et biologiques, permettant de mieux évaluer initialement l'extension de la maladie;

- chirurgicales, par la mise au point de techniques de curage limité dont les séquelles sont minimes;

- médicales, par la mise au point de régimes de polychimiothérapie d'une grande efficacité qui ont transformé le pronostic des cancers non séminomateux ou des séminomes avancés.

I - Epidémiologie

Il représente 1% des cancers de l'homme. C'est la première cause de mortalité par cancer entre 20 et 35 ans.

L'âge

75% des cancers du testicule sont observés entre 20 et 50 ans. Il s'agit surtout de carcinomes embryonnaires avant 30 ans, et de séminomes après 40 ans.

Facteurs de variation

La cryptorchidie augmente considérablement le risque de cancer du testicule par rapport à la population normale (de 10 à 35 fois), mais elle augmente également le risque du cancer contro-latéral (au niveau du testicule en place). Le risque semble pouvoir être largement minimisé par l'abaissement du testicule quand il est pratiqué avant l'âge de 6 ans. Dans 1% des cas, après un premier cancer du testicule, survient un cancer contro-latéral avec parfois un intervalle libre de plusieurs années. Les cas familiaux sont exceptionnels.

II - Anatomo-pathologie

1. Les tumeurs germinales

Elles constituent la grande majorité des tumeurs de l'adulte (95%).

- Le séminome (40%) dont on distingue trois types :

  • le séminome typique;
  • le séminome spermatocytaire;
  • le séminome anaplasique (plus souvent métastasé).

- Les tumeurs non séminomateuses (55%), parmi lesquelles on distingue :

  • le carcinome embryonnaire;
  • le tératome mature ou immature;
  • le choriocarcinome, très rarement pur.

En fait, en dehors du séminome, ces formes histologiques sont rarement isolées. Elles se présentent le plus souvent sous l'aspect de tumeuurs mistes. La térato-carcinome est l'association d'un tératome et d'un carcinome embryonnaire.

2. Les tumeurs non germinales

Sont beaucoup plus rares chez l'adulte. Nous ne ferons que citer les tumeurs à cellules de Leydig et de Sertoli qui se développent à partir du stroma.

3. Les tumeurs de l'enfant

Les tumeurs germinales que nous venons de citer n'existent pas chez l'enfant. Celui-ci présente des tératomes et surtout des tumeurs vitelines (Yolk Salk Tumors). Les tumeurs non germinales y sont plus fréquentes que chez l'adulte.

III - Extension

1. Lymphatique initialement

- aux ganglions lombo-aortiques homolatéraux d'abord;

- puis aux ganglions iliaques homolatéraux;

- en pratique, l'envahissement iliaque contro-latéral est toujours tardif;

- les ganglions inguinaux peuvent être atteints en cas d'envahissement de l'albuginée ou en cas de chirurgie antérieure ayant interrompu les voies lymphatiques normales (orchidopexie, herniorraphie, orchidectomie par voie transscrotale).

2. Viscérale

En général, plus tardive :

- essentiellement pulmonaire, à rechercher systématiquement au début et dans le cadre de la surveillance;

- les autres atteintes viscérales sont surtout hépatique et cérébrale, dans le cadre d'une maladie toujours largement disséminée. Elles sont de mauvais pronostic.

3. L'envahissement

Des enveloppes du testicule est rare, en cas de tumeur longtemps négligée.

IV - Classification

Différentes classifications sont actuellement admises. Citons la classification de Boden modifiée :

- Stade I : tumeur confinée au testicule.
- Stade IIa : tumeur métastasée au niveau du rétropéritoine (atteinte microscopique découverte chirurgicalement).
- Stade IIb : tumeur avec métastases macroscopiques de moins de 5 cm dans le rétropéritoine.
- Stade IIc : métastases de plus de 5 cm au niveau rétropéritonéal.
- Stade III : métastases au-delà du rétropéritoine.

V - Diagnostic

1. Signes fonctionnels

  • Le plus souvent, sensation de pesanteur ou découverte d'un gros testicule par le patient lui-même.
  • Parfois, des métastases ganglionnaires volumineuses et compressives ou des métastases pulmonaires sont révélatrices.
  • Rarement, découverte d'examen systématique (service militaire).

2. Signes cliniques

Tumeur indolore, ferme ou dure, séparée de l'épididyme par un sillon, isolée. L'examen recherche également une gynécomastie.

3. La certitude

Elle repose sur l'histologie obtenue sur la pièce d'orchidectomie : celle-ci doit être effectuée après dosage des traceurs tumoraux : l'alpha-foetoprotéine (alpha-FP) et l'hormone bêta-chorionique-gonadotrope (bêta-HCG).

4. Les examens

En préopératoire :

  • radio pulmonaire;
  • alpha-FP
  • bêta-HCG.

En post-opératoire :

  • alpha-FP, positive dans les carcinomes embryonnaires n'est jamais élevée au cours des séminomes;
  • bêta-HCG, sécrétée par les choriocarcinomes; elle peut être élevée dans 10% des séminomes (absente dans les séminomes purs);
  • l'étude immuno-histochimique (en immunoperoxydase, avec un anti-corps anti-bêta-HCG) peut être utile :
    • lorsque aucun dosage des traceurs tumoraux n'a été fait en préopératoire et lorsque ces dosages sont négatifs après l'orchidectomie;
    • lorsqu'il est difficile de mettre en évidence une différenciation histologique sur la pièce d'orchidectomie et que les traceurs sont négatifs;
    • en cas de séminome, surtout avec élévation de la bêta-HCG;
  • LDH (en sachant qu'elles sont peu spécifiques);
  • l'ACE est de peu d'intérêt;
  • en général la lymphographie n'étant pratiquée que si la scanographie est normale.

VI - Pronostic

Les cancers du testicule ont acquis actuellement un bon pronostic, avec des taux élevés de guérison. Continuent à poser problème :

  • soit les tumeurs non séminomateuses avancées avec de volumineuses métastases,
  • soit celles s'accompagnant :

    - de taux élevés de traceurs tumoraux (alpha-FP, bêta-HCG, LDH);
    - de masses ganglionnaires abdominales et/ou métastases pulmonaires volumineuses et nombreuses;
    - de métastases hépatiques ou cérébrales.

VII - Principes thérapeutiques

1. L'orchidectomie

Elle est toujours le premier temps thérapeutique. Elle doit être faite par abord inguinal, avec ligature première haute du cordon, après dosage des traceurs tumoraux (alpha-FP, bêta-HCG).

2. Les séminomes

C'est la plus radiosensible, mais aussi la plus chimiosensible des tumeurs du testicule. La radiothérapie est le traitement classique : elle délivre 30 Gy en trois semaines sur les zones atteintes, 20 Gy à titre " prophylactique ". L'évolution actuelle est de traiter de plus en plus par chimiothérapie les formes avancées, plutôt que par irradiation étendue.

3. Les tumeurs non séminomateuses

Elles sont moins radiosensibles et la chimiothérapie en est maintenant le traitement exclusif. Le protocole le plus classique associe vinblastine, bléomycine et cisplatinum (PVB). Le VP 16, la doxorubicine, l'actinomycine D, entre autres, sont également actives. Les tendances actuelles sont de limiter de plus en plus la durée de la chimiothérapie d'induction. Quant à la chimiothérapie d'entretien, elle n'a actuellement aucune indication démontrée.

La chirurgie ganglionnaire garde un intérêt : sachant la rareté de l'envahissement susrénal isolé et le caractère exceptionnel de l'envahissement controlétéral, les grands curages sont abandonnés au profit d'une lymphadénectomie limitée unilatérale (ne donnant jamais d'anéjaculation).

Le curage est donc indiqué :

- à titre de stadification dans le stade I;

- à titre de vérification dans les formes les plus avancées, après chimiothérapie, lorsqu'il persiste des masses résiduelles qui souvent ne contiennent que de la fibrose ou de la nécrose, parfois des lésions de tératome mature. La persistance de lésions malignes est, à l'inverse, de mauvais pronostic.

Les formes très évoluées continuent de garder un mauvais pronostic; des traitements plus lourds sont actuellement à l'étude.

VIII - Surveillance

1. Dans les deux premières années

Elle s'attache surtout à dépister une rechute, elle comporte :

- examen clinique;
- radio pulmonaire;
- dosage des traceurs tumoraux (FP, HCG, LDH);
- échographie abdominale éventuellement.

2. Elle porte également maintenant

Sur l'observation des séquelles du traitement :

- trouble de la libido, impuissance, anéjaculation.
- stérilité (étude du spermogramme). Dans ce sens, il faut signaler les possibilités actuelles de pratiquer une étude du spermogramme en préopératoire. Celui-ci est, dans plus de 50% des cas, anormal; une congélation en banque est en pratique rarement possible.

Malgré les progrès considérables réalisés dans le traitement des cancers du testicule, certains problèmes persistent (traitement des tumeurs non séminomateuses à mauvais pronostic); d'autres sont apparus (traitement des formes intermédiaires, place du curage, durée de la chimiothérapie, séquelles du traitement).

J.M. Vannetzel