Par Le National
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Elizabeth Taylor, rencontre avec une survivante hollywoodienne

LOS ANGELES (AP) - "J'ai été déclarée morte, je ne respirais plus, j'ai parcouru le tunnel, avec la lumière blanche, et tout le reste. J'ai failli mourir plusieurs fois. J'apprécie donc énormément de me réveiller vivante chaque matin".

Elle est la survivante numéro un d'Hollywood. Elizabeth Taylor a résisté à tout, le veuvage, les divorces, les scandales, les suicides. Aujourd'hui, c'est son histoire médicale qui défraie la chronique: deux attaques de pneumonie virale qui ont failli l'emporter, dont une qui lui a valu une trachéotomie; l'ostéoporose, et des fractures multiples du dos, cinq en six ans; deux opérations à la hanche, une autre pour rééquilibrer ses jambes; une tumeur au cerveau; de la tachychardie.

Aujourd'hui icône de la lutte anti-sida, celle qui est l'un des derniers monstres sacrés d'Hollywood et n'accorde que très rarement des interviews, a reçu un journaliste de l'Associated Press chez elle, dans le luxueux quartier de Bel-Air, à Los Angeles.

De l'extérieur, la maison n'a rien de spécial. Mais l'intérieur est un rêve de collectionneur: Van Gogh, Renoir, Matisse, Pissarro, Rouault, Vlaminck, Cassatt, Hals... Celle dont le père était marchand d'art à Beverly Hills a commencé tôt à accumuler ces trésors.

Elle sourit quand on évoque son anoblissement par la reine d'Angleterre, mais elle en est fière. A 70 ans, drapant ses formes alourdies d'un caftan de velours sombre, la chevelure blonde impeccable, la diva aux fabuleux yeux violets a gardé beaucoup de son impressionnante beauté.

"On a dit des dizaines de fois que j'avais fait des liftings. Eh bien, c'est faux!", lance la plus belle femme du monde. "J'ai été ravie quand on m'a rasé la tête pour mon opération au cerveau, comme ça j'ai pu dire: 'regardez, pas de cicatrices'!"

Elle s'enfonce dans un moelleux canapé, on lui amène un grand verre d'eau. Elle dit ne plus avoir touché une goutte d'alcool depuis 12 ans, et son passage par la clinique Betty Ford, après 35 ans d'alcool et de drogue.

Liz Taylor est sans doute la star vivante la plus célèbre du XXème siècle. Sa filmographie, ses deux Oscars et ses ennuis de santé y sont certes pour quelque chose. Mais pas autant que sa vie amoureuse mouvementée: huit mariages et sept divorces en 46 ans, quatre enfants, dix petits-enfants, un arrière-petit-fils.

La première fois, en 1950, Liz avait 18 ans, et l'élu s'appelait Nick Hilton, héritier des hôtels du même nom. Deux ans plus tard, elle épousait l'acteur britannique Michael Wilding, qui lui donnait deux fils. Divorce en 1957, pour les beaux yeux du flamboyant producteur Mike Todd. L'année suivante, il se tuait dans un accident d'avion, et la jeune veuve se consolait avec un ami du défunt, le chanteur Eddie Fisher, qui plaqua sa femme Debbie Reynolds pour épouser Liz en 1959.

Celle-ci lui fait le même coup peu après, ayant fondu pour son ténébreux partenaire de "Cléopatre", Richard Burton. La saga Taylor-Burton commence, pour le scandale et pour le pire: mariage en 1964, divorce en 1974, remariage en 1975, redivorce en 1976.

En 1975, Miss Taylor, toute sa vie fervente démocrate, s'enticha du sénateur républicain de Virginie John W. Warner, une union apolitique de quatre ans. Mais le plus curieux de ses maris aura été le numéro huit: Larry Fortensky (1991-1995), de 20 ans son cadet, ouvrier rencontré en cure de désintoxication.

Si elle compte convoler à nouveau, elle n'en pipe en tous cas mot. Lors de son dernier divorce, elle soulignait: "je ne pars pas pour le couvent. Je dis que j'en ai fini avec le mariage, mais pas avec moi-même. Cela ne serait pas réaliste".

Après les tempêtes amoureuses, c'est avec ses hospitalisations à répétition que Miss Taylor alimente la chronique. L'épisode le plus effrayant de sa carrière médicale date de 1997: "tout d'un coup, je me suis mise à raconter n'importe quoi, jurant comme un marin au long cours". Diagnostic: tumeur au cerveau, de la taille d'une balle de golf. On l'opère le lendemain. La tumeur était bénigne.

Fille d'Américains expatriés en Angleterre jusqu'en 1939, Liz devint enfant-star à l'âge de 12 ans ("Lassie", bien sûr), sous contrat avec la MGM. "Je détestais ça. J'ai une nature tellement indépendante.. Je détestais faire des films dont je savais qu'ils étaient nuls. J'ai haï 'Butterfield 8' (1960), mais je suis reconnaissante d'avoir eu l'Oscar".

Il y aura aussi des chefs d'oeuvre, "Reflets dans un oeil d'or", "La Chatte sur un toit brûlant", "Géant", "Soudain l'été dernier"... Pour sa seconde statuette, elle se déchire devant la caméra avec Burton, dans "Qui a peur de Virginia Woolf?" (1966).

Son dernier travail d'actrice remonte à 2001, un téléfilm avec Debbie Reynolds, Shirley MacLaine et Joan Collins, "These Old Broads" (ces vieilles gonzesses...) Quant on lui demande si elle a envie de jouer encore, Liz Taylor se lance dans une savoureuse interprétation d'une vieille actrice anglaise: "très, très cher ami, ils disent que j'ai l'air trop jeune pour jouer 70 ans".

Plus sérieuse: "Je m'occupe du sida et de parfums, c'est ma vie. Le sida, c'est ça mon travail à plein temps". C'est en 1984 que Liz Taylor a commencé à militer avec AIDS Project Los Angeles, puis a créé l'année suivante la Fondation américaine pour la recherche sur le sida (AMFAR), plus de 100 millions de dollars collectés. En 1991, naissance d'une nouvelle fondation, qui porte son nom, pour l'aide aux malades.

Pourquoi cet engagement? Elle ne parle pas de la mort de son ami Rock Hudson, emporté par le virus. "La furie s'est emparée de moi, m'a laissée tremblante de rage. Je me suis dit: 'tout le monde en ville chuchote à propos du sida, il y a une telle stigmatisation de cette maladie'... Personne ne faisait rien. Et j'ai pensé: 'qu'est-ce que j'ai fait, moi?'". Aujourd'hui, elle affirme: "je m'y consacrerai jusqu'à mon dernier jour".

Forte nature, Liz est aussi femme d'affaires, avec le parfum, depuis 1986: elle lance "Passion", puis "White Diamonds". Et elle a également deux livres sur le feu: une réédition d'un texte écrit à 13 ans, consacré à un écureuil apprivoisé. Et un autre sur ses célébrissimes bijoux, parmi lesquels le plus gros diamant du monde, cadeau de Burton...

Quant à écrire une autobiographie, l'heure n'est pas venue. "Plus tard. Il y a trop de tragédie dans ma vie. Je ne veux pas m'assoir et y penser. Je veux juste profiter au maximum de chaque jour de ma vie". AP

Le privilége de réplique