Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Le SIDA passe à l'attaque! On a découvert qu'il était présent aussi dans les globules blancs inactifs rendant tout vaccin inutile! Les essais cliniques, questions éthiques!

Le VIH pourrait être plus difficile à combattre que prévu 12. ---Le virus de l'immuno-déficience humaine (VIH) pourrait être plus difficile à éradiquer que prévu, des chercheurs américains ayant découvert qu'il se dissimule et se multiplie aussi dans des globules blancs inactifs, ce qui le met hors de portée des traitements actuels.

Selon une étude publiée vendredi dans la revue Science, un lymphocyte T s'active lorsqu'il rencontre une protéine ou un fragment de molécule qui signale un danger potentiel pour l'organisme. Le globule blanc entame alors un processus de reproduction rapide. S'il est infecté par le HIV, le virus profite de cette machinerie reproductrice pour se multiplier. Cette piraterie cellulaire aboutit en fin de compte à la mort des lymphocytes T, ouvrant ainsi la voie aux infections multiples qui caractérisent le SIDA.

Une équipe de chercheurs du département de microbiologie de l'Université du Minnesota, dirigée par le Pr Ashley Haase, a ainsi pu établir la présence du VIS, la forme simiesque du virus VIH, dans des lymphocytes T non seulement actifs mais aussi dans ceux inactifs. Ces résultats ont ensuite été confirmés dans des patients contaminés par le VIH. Dans les premiers stades de l'infection, la répartition du virus dans les globules blancs actifs et inactifs du patient est d'environ 50-50. Elle passe ensuite à 90% dans les globules blancs actifs pour finir dans les derniers stades de l'infection à 75% dans ces derniers. Jusqu'à présent, on pensait que les lymphocytes T inactifs fournissaient peu ou pas d'opportunité pour le virus HIV de se multiplier. «Cette étude identifie une source de cellules qui sont invulnérables face aux thérapies actuelles», affirme le Pr Haase.

Cette découverte pourrait rendre plus difficile la mise au point d'un vaccin pour lutter contre le VIH car les agents destructeurs du vaccin ne s'attaquent en effet qu'aux lymphocytes T actifs et laissent les cellules inactives tranquilles. «Il semble que le système immunitaire humain n'a pas été conçu pour fonctionner avec de faibles niveaux d'infection », conclut le Pr Haase.

Insister sur la cessation de l'usage de drogue comme condition d'un traitement médical, si cette exigence est au delà des capacités de l'utilisateur de drogue, et juger qu'une personne ne respecterait probablement pas le régime de traitement simplement parce qu'il s'agit d'un utilisateur de drogue, sont des décisions injustes selon l'éthique.

D'après le Réseau juridique canadien VIH/SIDA

Personnes nouvellement séropositives et essais cliniques : questions éthiques

Par le passé, les participants à des essais cliniques étaient habituellement des personnes en phase avancée de la maladie et devant une mort précoce. Il s'agissait pour la plupart d'hommes gais, blancs, de classe moyenne, éduqués, pour lesquels le choc du diagnostic était de loin passé. Ils avaient eu le temps de composer avec le fait d'être séropositif et avaient traversé la période difficile et souvent longue où l'on annonce la nouvelle à sa famille et à ses amis. Le délai entre le diagnostic et la décision de commencer un traitement ou de participer à un essai clinique leur avait souvent permis de se familiariser avec les divers organismes non médicaux où rencontrer d'autres personnes qui traversent les mêmes difficultés. Plusieurs ne comptaient pas seulement sur l'avis de médecins, pour leurs décisions. L'attitude de plusieurs médecins était d'ailleurs différente, à l'époque, lorsqu'on savait peu de choses sur le contrôle de la réplication virale : bien des médecins étaient sortis du rôle habituel de traitant médical pour devenir davantage un source d'information et tenter d'offrir du réconfort. Jusqu'à récemment, les décisions en matière de traitement étaient plus simples car les options de traitement étaient limitées et on ne connaissait pas les problèmes de résistance croisée et d'interactions pharmacologiques.

La réalité des personnes devenues séropositives récemment

La réalité est tout autre pour les personnes qui sont séropositives depuis peu. Encore sous le choc du diagnostic, sans expérience du monde du VIH/sida, et bien qu'elles ne soient pas aux prises avec une mort à court terme, elles sont soumises à des pressions pour prendre des décisions rapides au sujet du traitement. Elles doivent se poser deux questions difficiles: Devrais-je commencer un traitement antirétroviral tout de suite? Devrais-je participer à l'essai clinique que propose mon médecin? Elles sont placées devant ces questions alors qu'elles sont encore désorientées et n'ont souvent que l'équipe médicale à consulter.

À notre avis, il ne fait pas de doute que les personnes nouvellement séropositives sont une population vulnérable, puisque le choc émotif qu'elles traversent affecte leur capacité de décision. Leur vulnérabilité est intensifiée par la pauvreté, par une éducation moins avancée et par la marginalisation sociale, si elles appartiennent à l'une des populations dans lesquelles l'épidémie de VIH se propage de plus en plus. Plusieurs sont de jeunes adultes et des adolescents, peu alphabétisés, et de plus en plus dans des segments parmi les plus démunis et pauvres de la société. Par conséquent, il incombe aux chercheurs des obligations éthiques supplémentaires à l'égard de ces individus vulnérables - des obligations qui appellent des procédures particulières pour assurer le droit de ces personnes à une démarche qui leur permette de prendre des décisions véritablement éclairées.

Renseignements essentiels

Pour identifier de telles procédures, il faut d'abord déterminer quelle information essentielle doit être donnée à des personnes nouvellement séropositives qui pourraient vouloir participer à un essai clinique. L'information essentielle dans ce cas est plus volumineuse et plus complexe que ce que l'on explique habituellement à des participants à un essai clinique. Pour pouvoir donner un consentement qui soit réellement éclairé, les personnes nouvellement séropositives doivent recevoir une leçon d'initiation à tous les aspects de la réalité de la vie avec le VIH et du contrôle du virus. Ceci doit comprendre des renseignements sur des aspects compliqués du traitement et de la médecine, au sujet du VIH, de même que de l'information pratique sur la vie avec le VIH et l'évitement de la discrimination.

Les personnes nouvellement séropositives ont besoin d'être informées sur les fondements de l'approche du traitement précoce et sur les conséquences possibles de la décision de retarder l'amorce du traitement. Il faut leur donner accès aux statistiques qui montrent qu'après le stade de l'infection aigue plusieurs personnes vivent sans symptôme pendant plusieurs années. Il faut leur expliquer aussi l'engagement qui les attend lorsqu'elles décident de commencer un traitement; elles doivent comprendre que personne ne sait combien de temps devra durer cet engagement ou s'il sera possible de cesser le traitement et, le cas échéant, à quel moment. Elles doivent comprendre l'importance de respecter les exigences du traitement et la difficulté que ceci peut présenter lorsqu'on n'a jamais été malade et qu'on n'a jamais été menacé de mourir d'une infection opportuniste. Elles doivent aussi savoir que l'information sur les effets secondaires à long terme ne font que commencer à se révéler et continueront de se manifester avec l'usage.

Les conséquences du fait de suivre un traitement antirétroviral doivent être expliquées. Il est difficile de cacher le fait de devoir avaler tant de pilules ou de taire leurs effets secondaires immédiats. Les questions de coût doivent être expliquées. Dans certaines provinces, comme le Québec, les médicaments ne sont pas complètement gratuits. Le coût et la mise de fonds initiale varient selon le revenu financier ou l'état d'emploi de chaque personne et sa couverture d'assurance. Il peut être difficile de cacher à son employeur que l'on est séropositif puisque, pour la majorité des travailleurs, la portion remboursable doit être réclamée à un régime d'assurance collective par le biais de l'employeur.

Changements nécessaires aux mécanismes d'enrôlement

Toute cette information doit être donnée aux participants potentiels et comprise par eux, pour qu'ils puissent prendre la première décision: Devrais-je commencer un traitement tout de suite? En ajoutant cela aux éléments spécifiques habituellement expliqués au sujet de l'essai clinique, il est alors question d'une somme énorme d'information qui pourrait résulter en un texte extrêmement long et complexe que le participant pourrait ne pas être capable de lire ou de comprendre en entier. Il faut reconnaître qu'il peut être difficile et long d'assimiler autant d'information. Par conséquent, les chercheurs et les conseils d'éthique de la recherche doivent envisager de nouveaux moyens de transmettre l'information pendant la démarche de d'enrôlement à un essai clinique.

Un certain nombre de solutions réalistes se présente. L'introduction d'une séance obligatoire d'information (ou d'une série de séances, au besoin) donnée par un conseiller indépendant constitue une solution viable. On doit considérer d'autres moyens d'information, notamment des vidéos sur divers aspects de la vie avec le VIH et sur le contrôle du virus. Il n'est pas suffisant de donner le numéro de téléphone d'une ressource d'information disponible, puisque des personnes nouvellement séropositives peuvent ne pas être prêtes à faire d'elles-mêmes un tel appel.

Conclusion

Les chercheurs et les commanditaires d'essais cliniques portant sur l'intervention précoce doivent proposer des méthodes novatrices pour aider la prise de décision des personnes nouvellement séropositives. Ces méthodes devront être soumises à un examen éthique. Elles doivent répondre à la nécessité de donner de l'information médicale et d'ordre pratique, et tenir compte du besoin de soutien psychologique. Autrement, il n'est pas possible que le consentement d'un participant à un essai clinique soit un consentement éclairé.

- Jean-Pierre Bélisle et Louise Binder

Cet article résume un exposé oral présenté à la 8e Conférence canadienne annuelle de la recherche sur le VIH/sida. Jean-Pierre Bélisle et Louise Binder vivent tous deux avec le VIH et interviennent depuis plusieurs années en défense et promotion des droits et intérêts, en matière de VIH/sida, notamment dans le domaine des traitements. Jean-Pierre est chercheur à l'École des Hautes études commerciales, Montréal, et Louise est coprésidente du Conseil canadien de surveillance et d'accès aux traitements (CCSAT). Leurs courriels respectifs sont <[email protected]> et <[email protected]>.