Par Le National
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Sida: prévisions catastrophiques en Russie

MOSCOU (AFP) - Le nombre de Russes morts du sida passera de 500 par mois en 2005 à 21.000 en 2020, selon "le scénario le plus optimiste" élaboré par la Banque Mondiale (BM), a déclaré mercredi à Moscou un expert de l'organisation.

De même, le nombre de séropositifs passera de 1,2 million en 2005 à 2,3 millions en 2010 et à 5,4 millions en 2020, a relevé Christof Ruehl, chargé des études économiques de la Banque Mondiale en Russie, présentant le résumé d'un rapport.

Si des mesures de prévention ne sont pas prises à temps, les conséquences économiques de l'épidémie pourraient être également énormes: le PIB russe risque de diminuer de 4,15% en 2010 et de 10,5% en 2020, selon les estimations calculées grâce à une simulation sur ordinateur par la Banque Mondiale.

Selon une projection "pessimiste" de la banque, les coûts du traitement des victimes du sida risquent en outre de se révéler insoutenables pour le budget de l'Etat russe, estime la BM.

Présentant le modèle de la BM destiné à prédire "avec la plus grande prudence" les conséquences économiques du sida dans différents pays, le directeur de la BM en Russie, Julian Schweitzer, a déclaré "espérer que ce système aiderait les hommes politiques russes à prendre des décisions appropriées".

Le rapport souligne que la Russie est, avec l'Ukraine, le pays au monde où la progression du sida est la plus rapide.

Il relève que l'épidémie a un impact néfaste tant sur la croissance que sur la main-d'oeuvre et l'épargne. En effet, elle réduit non seulement la population active en chiffres absolus, mais aussi la productivité des malades et des séropositifs, augmentant la durée des congés-maladie, et celle de leurs proches.

Cet effet est aggravé du fait que le sida touche en majorité les jeunes. En décembre 2001, 62% des hommes séropositifs en Russie avaient entre 20 et 30 ans (57% pour les femmes).

Par ailleurs, toujours selon le rapport, la situation de la Russie est d'autant plus difficile que la majorité des séropositifs sont des toxicomanes contaminés par des seringues dont ils partagent l'usage (par conséquent un drogué séropositif contamine en moyenne au moins deux autres personnes chaque année, selon le Centre fédéral de lutte contre le sida) et aussi parce que la population russe diminue rapidement.

D'après le même centre, le nombre des toxicomanes a augmenté de 29% par an entre 1993 et 2001. Prudents, les experts de la Banque Mondiale, ont inscrit dans leur modèle une augmentation de 5 à 7% par an.

En 2001, sur 491.000 toxicomanes officiellement recensés, 6% étaient porteurs du virus, contre 1,7% en 1999.

Or, le nombre réel des toxicomanes absorbant des stupéfiants par voie intraveineuse varie, selon les estimations, de 2,5 à 4 millions.

Les auteurs du rapport soulignent que si on n'offre pas aux malades de traitement anti-rétroviral les conséquences pour les ressources humaines du pays seront "tragiques".

Mais ils ajoutent que les dépenses qui devraient être engagées pour combattre l'épidémie, dépasseraient de toute manière les bénéfices escomptés de cette lutte, sauf si l'on finissait par trouver des traitements bon marché.

Quel que soit le coût des traitements engagés (entre 3.000 et 9.000 dollars par malade et par an), il pèsera lourdement sur les investissements, remarquent les experts de la BM.

Seul un ralentissement de la baisse démographique, ramenée de -0,7% à -0,2% par an, pourrait compenser en partie les ravages du sida sur l'économie du pays, relève la Banque mondiale.

Le privilége de réplique