Par Le National
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Un sidéen canadien fait campagne sur le web!

par Susan Taylor

OTTAWA (Reuters) - Un militant sidéen qui s'est déjà fait remarqué en mettant sa dépouille aux enchères sur le site web eBay et dont le sang contaminé par le VIH a été utilisé pour peindre une série de tableaux s'est tourné à nouveau vers internet pour poursuivre sa croisade de sensibilisation auprès de la population.

Richard Hollingsworth espère que la diffusion continue de sa vie avec sa femme Phyllis et ses cinq beaux- enfants sur son site web aidera à démystifier le sida et encouragera les gens à en apprendre davantage sur la maladie.

"Le sida peut vous donner beaucoup d'audace", a-t-il déclaré en entrevue téléphonique de l'hôpital où il est traité pour une pneumonie et trois autres infections.

Lancé le jour de la Saint-Valentin, le site http://www.theaidschannel.com offre de nombreuses informations sur les médicaments, les médecins, les groupes de soutien, la spiritualité et les traitements disponibles. Mais pour la plupart des visiteurs, le véritable centre d'attraction est la diffusion en direct de la vie de Hollingsworth, filmée par trois caméras installées dans son domicile.

"Ca me demande beaucoup du point de vue technique, mais j'ai vu internet prendre son envol", a indiqué Hollingsworth, qui habite à Cranbrook, une petite ville de la Colombie-Britannique. "Je sais que les gens sont voyeurs."

Les trois caméras sont installées dans le salon, la salle à manger et le bureau, et une quatrième sera bientôt placée dans la chambre à coucher du couple et transmettra des images à certaines heures. "Nous allons permettre au monde entier de pénétrer dans notre intimité", a dit Hollingsworth.

Pour l'ancien toxicomane, ce site web représente la plus grande scène pour raconter son histoire et éduquer le public sur la maladie. Il a donné des cours de "sida 101" à des milliers d'étudiants en Alberta et en Colombie- Britannique, dans l'Ouest canadien, et a parcouru à pied des centaines de kilomètres pour sensibiliser les gens à sa cause.

Il y a trois ans, quand il a réalisé que son corps ne serait pas toujours capable de résister à de tels efforts physiques, il a compris qu'internet pourrait lui permettre de rejoindre un public plus large.

En 1995, le diagnostic de séropositivité a mis fin à huit années de dépendance à la cocaïne et de vie dans la rue.


Mourir en direct sur le web


Ancien agent de libération conditionnelle, Hollingsworth -- qui s'injectait de la cocaïne entre 40 et 100 fois par jour -- a perdu son emploi, fait 11 overdoses, et a écopé d'un casier judiciaire pour s'être retrouvé dans des raids policiers à deux reprises.

Hospitalisé pour le traitement d'une overdose massive, les médecins découvrent alors qu'il souffre d'une infection potentiellement mortelle, provoquée par une aiguille qu'Hollingsworth s'était plantée dans un os. Les médecins réalisent qu'il est séropositif et sur le point de développer le sida.

"Je savais que je devais prendre une décision et que cette décision, c'était de vivre ou de mourir. Ca paraît facile mais ça ne l'est pas", a dit Hollingsworth.

Richard Hollingsworth, qui vient de fêter son 47e anniversaire à l'hôpital, a trouvé le salut en racontant son histoire.

Son site web, qui montre souvent des scènes aussi monotones que Phyllis en train de cuisiner ou lui-même travaillant devant son ordinateur, attire beaucoup d'internautes. Depuis son lancement il y a neuf mois, le site a enregistré neuf millions d'accès et reçu des courriels du monde entier, de Cuba jusqu'à l'Islande.

Les organisateurs ont indiqué qu'ils avaient même reçu une demande de la Chine pour tourner un documentaire sur Hollingsworth et sa famille, lequel devrait être diffusé par la télévision nationale chinoise lors de la Journée mondiale du sida.

Le lancement et l'exploitation du site web -- qui ne fait que commencer à attirer des commanditaires -- ont coûté à Hollingsworth et à ses trois partenaires environ 500.000$ canadiens, un effort financier considérable de la part d'un homme dont le seul revenu fiable est sa pension d'invalidité de 1.470$ par mois.

Mais il prépare déjà l'avenir de son site internet au-delà de sa survie financière et a recruté plusieurs bénévoles séropositifs qui installeront des caméras chez eux après son décès.

Hollingsworth, qui entend mourir chez lui, dit que l'événement sera diffusé sur internet.

"Ce site web, c'est mon moyen de lancer un défi à la communauté médicale: ne laissez pas les gens comme moi mourir de cette maladie, mettez davantage d'argent dans la recherche et les vaccins", a-t-il affirmé.

"Si la communauté médicale me laisse tomber et que je meure en direct sur le web, et bien, j'espère que ma mort servira de signal d'alarme dans le monde entier. Et si ça contribue à empêcher une seule personne de contracter le VIH, alors ça aura valu la peine."