Par Le National
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Sida: sous la pression, le monde pharmaceutique baisse ses prix

par Ben Hirschler

LONDRES (Reuters) - Conscients des effets potentiellement dévastateurs pour leur image du procès qui les oppose à l'Afrique du Sud, les grands groupes pharmaceutiques mondiaux commencent à baisser les prix de leurs médicaments anti-sida.

Le géant américain de la pharmacie Merck a annoncé une forte baisse de prix de deux médicaments à destination des pays en développement et précisé qu'il ne prendrait aucune marge sur les ventes.

A Genève, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que d'autres fabricants s'apprêtaient à faire de même.

"Nous disposons d'informations indiquant que d'autres sociétés vont rapidement suivre cet exemple (...) Les prix vont désormais baisser de façon significative et nous jugeons cela très positif", a dit le porte-parole de l'OMS, Jon Liden.

Merck, deuxième groupe pharmaceutique des Etats-Unis, a précisé que le coût annuel du Crixivan serait de 600 dollars par patient, et celui du Stocrin de 500 dollars, soit une diminution de 40% à 50% par rapport aux tarifs, déjà ristournés, proposés aux pays africains.

Cette annonce fait suite aux pressions de plus en plus fortes exercées à l'encontre des grands groupes pharmaceutiques pour qu'ils facilitent l'accès aux médicaments anti-sida afin d'enrayer l'épidémie qui ravage l'Afrique.

Elle intervient après l'ouverture d'un procès intenté par les grands groupes à l'Afrique du Sud pour non respect des brevets des médicaments. Le gouvernement sud-africain a en effet voté une loi permettant d'importer ou produire des médicaments génériques copiant ceux de l'industrie.


Effet domino


L'industrie pharmaceutique craint désormais qu'un "effet domino" ne se produise en Afrique. Mardi, le Kenya a annoncé qu'il allait suivre l'exemple sud-africain et importer des médicaments génériques.

Le mois dernier, le groupe indien Cipla, basé à Bombay, a provoqué une onde de choc au sein de l'industrie pharmaceutique en proposant un traitement à 350 dollars par an, soit moins d'un dollar par jour et par personne.

Le procès de Pretoria a été ajourné mardi au 18 avril après que la cour a donné son feu vert à l'audition de membres de la principale ONG sud-africaine de lutte anti-sida, la Treatment Action Campaign (TAC).

La TAC prévoit de faire témoigner des experts au sujet de la politique des prix pratiquée par les grands groupes pharmaceutiques, ainsi que des victimes de la maladie, qui provoque un véritable séisme social en Afrique.

Selon les Nations Unies, environ 25,3 millions de personnes sont atteintes par la maladie sur le continent, et 2,5 millions en sont mortes l'an dernier.

Le Botswana est le pays le plus touché au monde. Les malades du sida représentent 35,8% de la population et l'espérance de vie est passée en quelques années de 69 ans à 44 ans. On estime qu'un petit Botswanais sur cinq sera orphelin en 2010.

Pour Matthew Grainger, porte-parole de l'ONG britannique Oxfam, le procès de Pretoria peut avoir des conséquences incalculables.

"Cela va ouvrir une boîte de Pandore. Pour la première fois, les grands groupes pharmaceutiques vont devoir ouvrir leurs livres de compte. On dira aussi au grand jour que les premières recherches sur le sida ont été financées avec de l'argent public", note-t-il.

A l'appui de leurs thèses, les fabricants font valoir que les médicaments génériques sont beaucoup moins coûteux que les médicaments originaux parce que leur prix de revient n'est pas grevé par les frais de recherche et développement.