Par Le National
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Afrique du Sud: Le SIDA comme arme chimique!

PRETORIA (AFP) - Wouter Basson, cerveau du programme militaire chimique de l'apartheid, a été acquitté jeudi de 46 chefs d'accusation dont meurtre et complicité de meurtre, au terme d'un procès de trente mois, sans doute le dernier grand procès éclairant les activités occultes du régime de ségrégation raciale.

Le cardiologue et biochimiste de 51 ans, qui comparaissait libre, a souri et enlacé ses avocats à l'énoncé du verdict, puis quitté la Haute Cour de Pretoria sans s'adresser aux médias, tandis que d'anciens dignitaires militaires saluaient le verdict et que l'accusation enrageait.

L'accusation, qui au cours du procès avait accusé le juge-président Willie Hartzenberg d'avoir préjugé l'innocence du docteur Basson, a immédiatement indiqué qu'elle ferait appel du jugement. Une audience sur cette requête a été fixée au 29 avril.

A l'audience du jugement, plusieurs figures militaires de l'apartheid étaient présentes en soutien de l'accusé, donnant à la salle de la Haute Cour des airs d'un temps révolu, sous la juridiction de M. Hartzenberg, magistrat qui lui-même officiait sous l'apartheid.

Le général Constand Viljoen, ancien chef d'état-major reconverti après 1994 dans la politique nationaliste afrikaner, a estimé que la procédure contre M. Basson avait relevé en fait de la propagande de l'Etat, "une sorte de guerre psychologique (...) pour essayer de casser le passé, l'ancienne armée, et un homme comme Basson".

"Basson est un homme bien, qui fit exactement ce qui était attendu de lui", a déclaré M. Viljoen à l'agence sud-africaine de presse SAPA.

Magnus Malan, un ancien ministre de la Défense à l'époque des faits (années 80), a rappelé jeudi qu'il avait "prévenu (l'Etat) il y a deux ans et demi qu'ils allaient perdre ce procès, et ils ont quand même gaspillé de l'argent au lieu de s'attaquer à la pauvreté".

Le Congrès national africain (ANC - au pouvoir) a qualifié le jugement de "complètement scandaleux". "Ce n'est pas la fin de la procédure, ce ne peut être la fin de la procédure", a commenté le porte-parole du parti, Smuts Ngonyama, jugeant "hautement immoral que Wouter Basson puisse être libéré".

M. Basson, surnommé par les médias le "docteur la mort", plaidait non coupable de toutes les charges contre lui, au cours d'un des plus volumineux procès de l'histoire juridique du pays.

Comme la Commission Vérité Réconciliation (RDC) l'avait fait en 1998 par ses auditions sur le programme militaro-chimique sous l'apartheid, le procès a permis un coup de projecteur -le dernier, redoutait les observateurs- sur des pans d'activité secrète du régime d'apartheid.

Des témoins, ex-agents des Forces spéciales, ont fait des récits terrifiants d'opposants anesthésiés ou empoisonnés et jetés d'avion en pleine mer. Avec des produits ou en suivant des méthodes, selon eux, fournies par M. Basson.

D'autres l'ont accusé d'avoir fourni des poisons pour usage dans du thé, des bières, du jus d'orange, ou encore un gel "asphyxiant" musculaire, pour tuer des prisonniers, ennemis ou agents devenus gênants. Un scientifique a évoqué l'ordre de stocker du sang lyophilisé infecté du VIH comme éventuelle arme. M. Basson a démenti.

Il a par contre reconnu avoir travaillé sur des gadgets mortels pour l'armée, comme des tournevis et parapluies empoisonnés, mais a dit ignorer tout des opérations auxquelles ils étaient destinés. Pour lui, le programme chimique était un "défi intellectuel".

Il fut aussi disert sur ses dizaines de voyages et transactions à l'étranger, avec crédits illimités, pour acquérir expertises et matériel auprès de "la mafia de l'armement chimique", Libyens, Européens de l'est et Nord-Coréens, dans les années 80.

Le privilége de réplique