Par Le National |
Sclérose en plaques : incertitudes et voies de recherche (D'après RGL-Maginfo)
Quelle est la place de la génétique dans la SEP ? La maladie est multifractionnelle, faisant intervenir des facteurs génétiques et environnementaux. L'étude génétique de la sclérose en plaques n'a pas livré ses secrets. L'équipe du Pr Michel Clanet, à Toulouse, a réuni 84 fratries de sujets atteints et 100 cas sporadiques avec leurs témoins. La question était : y a-t-il des gènes de prédisposition à la sclérose en plaques ? Dans la plupart des populations caucasiennes, la maladie est associée à l'HLA DR2. Plusieurs criblages du génome ont été effectués, qui n'ont pas permis de dévoiler l'existence d'un gène majeur de prédisposition à la sclérose en plaques, mais cette prédisposition existe et est certainement commandée par plusieurs gènes. Quel est l'intérêt d'un diagnostic précoce ? Lorsque aucun traitement n'était disponible pour les patients atteints de sclérose en plaques, on pouvait attendre pour affirmer le diagnostic. Aujourd'hui, dans la mesure où l'on dispose d'un traitement utile pour les formes à évolution rapide, un diagnostic plus précoce est indispensable. La vitesse d'évolution varie beaucoup d'un individu à l'autre, mais elle est remarquablement fixe pour un malade donné. Cela n'empêche qu'il reste difficile d'établir un pronostic : seul un examen répété du malade, pendant plusieurs années, donne une idée de l'évolution future. Or la décision thérapeutique initiale dépend de l'évaluation évolutive. Cela dit, les nouvelles techniques de résonance magnétique permettront de mieux visualiser la perte axonale, la démyélinisation et la gliose, et l'activité au sein des lésions. Quel est le substrat pahologique ?
Certains sites sont préférentiellement touchés :
Les foyers pathologiques entourent des petites veines d'où s'extravasent protéines, leucocytes et lymphocytes, contribuant à l'inflammation locale. L'étiologie demeure inconnue. Une réponse immunique aberrante relayée par les lymphocytes T serait à l'origine des plaques de démyélinistation.
Quelles manifestations de la maladie sur le plan anatomo-pathologique ? Il y a une infiltration de la substance blanche de la moelle par des cellules inflammatoires. On note des signes d'activation des lymphocytes T et de lymphocytes B dans le liquide céphalo-rachidien des sujets en poussée (bandes oligoclonales IgG liées à l'activation des lymphocytes B et marqueurs d'activation à la surface des lymphocytes T). Pourquoi a-t-on envisagé des traitements agissant sur l'immunité ? Il existe une association et une liaison entre la maladie et les gènes du complexe HLA. Or les molécules HLA sont impliquées dans la présentation de l'antigène aux lymphocytes T. Les thérapeutiques immunodépressives ou immunodulatrices (interféron bêta) ont un effet bénéfique, alors que les thérapeutiques activant le système immunitaire (comme l'interféron gamma) ont un effet délétère. Pour trouver de nouveaux traitements, les chercheurs s'attachent à deux voies principales.
avant d'envisager les cibles thérapeutiques. Comment résumer la clinique de la sclérose en plaques ? La clinique de la sclérose en plaques est caractérisée par la grande variété topographique des symptômes, du fait de la dissémination des lésions dans l'espace et le temps. Il est donc difficile de systématiser l'affection.
Dans le premier cas, les signes neurologiques apparaissent brutalement et régressent lentement en laissant ou non un handicap secondaire. Dans 15 à 20% des cas, une rechute survient au cours de la première année. Plus l'intervalle entre les poussées est court, plus le pronostic est mauvais. Au cours des formes à progression secondaire, le handicap s'accentue progressivement sans rémission des symptômes. Quels sont les symptômes que l'on observe le plus souvent en premier ? Une étude prospective en cours cherche à établir comment s'est passée la première poussée. Elle est menée en ville, ce qui limitera le biais apporté lorsque cette question est posée en milieu hospitalier. Les névrités optiques représentent la majorité des poussées initiales monosymptomatiques. Les atteintes sensitives puis oculomotrices viennent ensuite, enfin les troubles moteurs déficitaires. Lorsque les poussées inaugurales sont polysymptomatiques, elles associent,par ordre de fréquence décroissante, les troubles sensitifs, les troubles moteurs, l'ataxie, les troubles oculomoteurs, puis les déficits visuels et l'atteinte sphinctérienne. Quel est l'examen de première intention ? Avant l'ère de l'IRM, l'étude des potentiels évoqués était largement utilisée dans le diagnostic de la sclérose en plaques. La démyélinisation produit un ralentissement de conduction dont rend compte le retard de latence des potentiels évoqués.
l'examen de référence L'IRM est indispensable dans les formes monosymptomatiques ou atypiques, car elle permet de dépister des lésions infracliniques. Les radiologues peuvent, à l'heure actuelle, utiliser des séquences spécifiques permettant de repérer mieux les lésions. Il est possible de repérer les plaques actives et la dissémination des lésions dans le temps. L'IRM permet même de différencier les lésions : oedème, gliose, démyélinisation, raréfaction axonale. Une IRM encéphalique négative n'exclut cependant pas le diagnostic de sclérose en plaques : si l'on suspecte ce diagnostic, il faut lui associer une IRM de la moelle à la recherche de plaques hyperintenses. La diffusion de l'eau et des substances chimiques est modifiée par les lésions liées à la sclérose en plaques. La démyélinisation produit une déstructuration qui diminue le pool de protons liés, le nombre d'échanges chimiques. Ces modifications peuvent être visualisées grâce à " l'imagerie de transfert d'aimantation ". Une nouvelle technique, l'IRM fonctionnelle par effet BOLD (blood oxygen level dependent) permet d'explorer les zones d'activation cérébrale au cours des différents programmes d'activation.
Comment évolue la sclérose en plaques ? Le risque de développer une sclérose en plaques après une atteinte mososymptomatique est plus important si l'IRM et l'étude du liquide céphalo-rachidien montrent des anomalies évocatrices.
n'est certaine que lorsque survient un second épisode clinique C'est alors que le diagnostic sera porté. Les symptômes caractérisant une poussée sont soit identiques aux symptômes inauguraux soit nouveaux. Lorsqu'ils sont identiques à ceux du premier épisode, il est difficile de différencier une aggravation de cet épisode d'une nouvelle poussée. La maladie peut également se révéler sous une forme progressive au cours de laquelle les troubles moteurs déficitaires ou cérébelleux évoluent progressivement durant plus de six mois. Certains symptômes atypiques, comme les céphalées, la fatigue, les douleurs neurologiques, surviennent aussi bien lors de poussées qu'en dehors. Quelles sont les manifestations des poussées au cours de l'évolution ?
Comment évolue la sclérose en plaques selon le type de l'affection ? Habituellement, au cours des premières années, la sclérose en plaques évolue par poussées. Au cours des premières années de la forme à poussées, apparaissent les symptômes cités ci-dessus, la récupération totale étant au début fréquente. Ultérieurement, des séquelles s'installent au décours des poussées. Le handicap reste stable entre les poussées : il ne progresse pas au cours de la forme rémittente. La forme secondairement progressive voit l'aggravation du handicap entre les poussées. C'est souvent à partir d'un certain degré de handicap que les poussées sont remplacées par une progression lente du déficit. La forme progressive primaire concerne 10 à 20% des patients. Dès le début les symptômes s'aggravent de manière lente et soutenue, avec des phases plus lentement évolutives et des phases plus rapides. A côté de ces formes classiques, on observe des formes bénignes, sans séquelles entre les poussées, et des formes malignes.
Quelle différence y a-t-il entre les symptômes réversibles et les symptômes non réversibles ?
Comment établir un pronostic ?
serait plus long au cours des formes bénignes. Paresthésies et névrites optiques inaugurales seraient associées à des formes moins graves. Les atteintes motrices inaugurales auraient une évolution plus rapide. Lorsqu'un degré de handicap est atteint depuis plus de six mois, la probabilité qu'ill soit définitif est proche de 100%. La progression clinique de la maladie s'appuie sur la classification de Kutzke :
Mais il existe de larges variations individuelles, l'évolution allant de la forme bénigne à la forme aiguë rapidement mortelle. Cependant, on note une extrême stabilité dans l'évolution pour un malade donné : une courbe mathématique peut être établie dès les premières années d'évolution, qui est en principe linéaire, à pente variable selon les malades. L'IRM montre le degré d'inflammation (en particulier après injection de gadolinium). Les prises de contraste au gadolinium concernent exclusivement les lésions en activité. Cet examen permet d'ailleurs de constater, même en l'absence de signes cliniques, des processus inflammatoires dont la fréquence dépasse celle des poussées symptomatiques. On a pu quelquefois, à l'occasion d'examens pour un autre motif, mettre en évidence des zones d'activité correspondant à une sclérose en plaques non encore diagostiquée, encore infraclinique, qui ne s'est révélée que plusieurs mois ou années après.
des premières années d'évolution. Ce mécanisme inflammatoire intervient-il lors de chaque poussée ? Ultérieurement, les périodes d'inflammation sont moins fréquentes et les zones d'inflammation moins étendues. Pourtant l'état des patients continue à s'aggraver. Que dire au malade qui vient de faire un premier épisode monosymptomatique ? La probabilité qu'il s'agisse d'une sclérose en plaques est d'autant plus élevée qu'il existe des signes à l'IRM et que le volume lésionnel global est plus élevé. La probabilité est grande si l'analyse du liquide céphalo-rachidien montre une distribution oligoclonale ou une élévation de l'index des immunoglobulines G. Les marqueurs génétiques n'ont pas de valeur prédictive. Lorsque le premier épisode est confirmé, il reste difficile de prédire l'évolution (seule la surveillance à long terme permet d'envisager un pronostic). On sait aujourd'hui que l'évolution de la maladie est plus lente chez les femmes, lorsque le début est précoce, lorsque la symptomatologie inaugurale est une névrite optique ou signe une atteinte du tronc cérébral. Un long délai avant la deuxième poussée ou l'installation d'un niveau 4 de la classification de Kutzke plaide dans le même sens. Les niveaux ultérieurs se succèdent sans plus de lien avec les signes cliniques d'installation de la maladie : on ne peut rien prédire, ce qui ne facilite pas la communication avec le patient. Pourra-t-on mieux informer le malade dans les années à venir ? Aucun paramètre clinique ni paraclinique ne permet d'informer de façon valable le malade sur son avenir fonctionnel. De plus, l'arrivée de médicaments d'efficacité limitée mais reconnue complique le pronostic. Ces médicaments sont peu pratiques, relativements chers, non dénués d'effets secondaires et l'on ne peut pas encore dire si, à long terme, ils retardent l'apparition des handicaps. Cependant, il semble que plus les traitements sont prescrits tôt plus ils sont efficaces.
A l'heure actuelle, le praticien prescrit encore empiriquement, quelquefois tardivement, alors que les possibilités thérapeutiques sont un peu dépassées. Dans les mois ou les années à venir, il est vraisemblable que la décision thérapeutique sera prise sur des données plus objectives, l'examen en résonance magnétique permettant de mieux appréhender la démyélinisation et la perte axonale. Quelles sont les cibles des futures stratégies thérapeutiques ? Schématiquement, on peut distinguer quatre étapes dans la physiopathologie de la sclérose en plaques :
A chacun de ces niveaux, on peut tenter d'agir :
|