Par Le National
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Cabales, pédophilie et affaires étouffées: les scandales de la Côte d'Azur

NICE (France), 12 juil (AFP) - Vingt ans après que l'écrivain Graham Greene ait décrit la côte d'Azur comme un monde de vices, des accusations de corruption, de réseaux criminels et de pédophilie entachent la réputation de hauts magistrats à Nice, dans le sud-est de la France.

Un juge qui aurait consulté le fichier de police pour sélectionner les membres de sa loge maçonnique, un homme d'affaires français qui se dit persécuté par la justice niçoise et obtient l'asile politique aux Etats-Unis, des dossiers sensibles qui auraient été enterrées: ces affaires ont défrayé la chronique judiciaire des derniers mois à Nice.

Au moment où la criminalité explose --lundi, un homme était poignardé sur la promenade des Anglais devant les touristes--, l'institution judiciaire semble de plus en plus discréditée.

L'homme qui a découvert ces pratiques est le procureur en chef Eric de Montgolfier, un descendant de l'inventeur de la montgolfière. Il avait déjà à son actif la chute de l'ancien ministre de gauche de la Ville, l'homme d'affaires Bernard Tapie, condamné pour corruption lorsqu'il dirigeait le club de football Olympique de Marseille.

Nommé à Nice en 1999, il est arrivé avec une réputation d'intégrité et de respect des lois. Un de ses premiers actes a été de descendre en personne dans la rue pour verbaliser des motards brûlant les feux rouges.

Sur une étagère derrière son bureau trônent une guillotine miniature en bois et un exemplaire du livre de Graham Greene, "J'accuse, la face cachée de Nice", une diatribe écrite en 1982 contre le monde du crime organisé et ses liens avec l'ancien maire de droite Jacques Médecin.

"On n'a pas ici à Nice le même rapport que l'on trouve ailleurs à la loi", a affirmé à l'AFP M. Montgolfier. "Chacun voit les lois en fonction de ses intérêts", a-t-il déclaré.

La première tâche du procureur a été d'exhumer 23 dossiers qui avaient été inexplicablement bloqués. L'explosion récente de deux scandales l'ont confirmé dans son soupçon d'un laxisme des institutions judiciaires.

Le premier concerne le doyen des juges d'instruction de Nice, Jean-Paul Renard, soupçonné d'avoir puisé dans le fichier du casier judiciaire (qui centralise les bulletins mentionnant les antécédents judiciaires des individus), pour renseigner sa loge maçonnique.

Le juge Renard qui est devenu l'ennemi juré du procureur Montgolfier, a reconnu avoir consulté ce fichier, mais s'est défendu en arguant que c'était pour son usage strictement personnel.

"C'était une question de prudence", a-t-il expliqué à l'AFP. "Je devais m'assurer que les gens que je risquais de rencontrer dans ma vie privée n'étaient pas des voyous", a-t-il précisé.

Le juge Renard -dont les arguments de ce type n'étaient pas pour plaire au procureur Montgolfier- fait actuellement l'objet d'une enquête judiciaire.

Son nom est apparu également dans un scandale concernant la découverte d'un réseau de pédophiles dans la haute société niçoise. S'il n'y a pas de preuve sur les actes de pédophilie, la manière dont l'affaire a été enterrée est "scandaleuse", selon M. Montgolfier.

Karim Kamal, condamné par contumace en France pour dénonciation calomnieuse et enlèvement d'enfant, a quitté la France après avoir tenté en vain d'obtenir l'ouverture d'une enquête judiciaire sur des sévices sexuels présumés sur sa fille mineure, Lauriane.

C'est le juge Renard qui avait bloqué en 1994 la procédure, tandis que l'avocat de M. Kamal, Miguel Grattirola, révélait que des magistrats et avocats étaient impliqués "dans un réseau de prostitution enfantine". Condamné pour "outrage à magistrat", l'avocat a été finalement réhabilité en 1999.

Le mois dernier, M. Kamal est devenu le premier Français à obtenir l'asile politique aux Etats-Unis. Un juge de Los Angeles a estimé qu'il avait été victime d'un "déni de justice" en France.

Pour M. Montgolfier, le lien entre toutes ces affaires c'est un esprit de laxisme à l'égard de pratiques douteuses et un système de clientélisme qui rend certaines personnes "intouchables".