Par Le National
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La légalisation de la prostitution, un casse-tête pour la profession

LA HAYE, 15 juil (AFP) - Laver les sous-vêtements en dentelle à haute-température, rincer les vibro-masseurs à l'alcool pendant dix minutes et prendre une douche séparée de son client, telles sont quelques-unes des nouvelles règles issues de la légalisation de la prostitution aux Pays-Bas.

Seul problème, l'eau bouillante endommage sérieusement les sous-vêtements sexy, l'alcool détruit les gadgets du plaisir et les douches séparées ne correspondent pas vraiment aux attentes des clients des maisons closes, se plaignent prostitués et tenanciers d'établissement de "relaxation".

Neuf mois après son entrée en vigueur, le 1er octobre 2000, la loi sur la légalisation de la prostitution, qui a fait des maisons closes des entreprises comme les autres, s'apparente à un véritable casse-tête pour l'industrie du sexe néerlandaise.

"Certaines des règles sont même dangereuses", estime Andre van Dorst, un exploitant de maison close à Apeldoorn (est), dans un commentaire à l'AFP.

La nouvelle loi exige ainsi que tous les lits soient équipés de coussins. Or jusqu'à présent, les maisons closes évitaient soigneusement d'en disposer pour éviter que des clients indélicats ne tentent d'étouffer les prostituées.

"Toutes ces règles sont une ineptie bureaucratique. Aucun de ceux qui les a mises au point n'a pris la peine de visiter une maison close. Ils n'ont absolument aucune idée d'à quoi ressemble un tel établissement", explique une ancienne prostituée, Mariska Majoor, qui s'occupe du Centre d'information sur la prostitution dans le quartier rouge d'Amsterdam.

Les exploitants de maisons closes se plaignent de leur côté des nombreuses rénovations qu'ils doivent effectuer.

"Beaucoup de maisons closes et de clubs se battent pour survivre", confirme dans sa déclaration Marieke van Doorninck, chercheuse à la Fondation Mr A. de Graaf, spécialisée dans la recherche sur la prostitution.

A côté des frais entraînés par les nouvelles normes, les tenanciers sont confrontés à une véritable fuite de leurs employées, indique-t-elle à l'AFP.

La nouvelle loi les empêche en effet d'employer des immigrées clandestines, une méthode dont abusaient à loisir les maisons closes dans le passé.

Les Néerlandaises quittent elles aussi la profession par peur des impôts.

Pour Mme Majoor, le gouvernement néerlandais a été "trop arrogant dans la mise en place de cette loi" et n'a pas tenu compte de la réaction de la société néerlandaise à un phénomène qui fait froncer encore bien des sourcils.

Les banques et les compagnies d'assurances refusent ainsi d'être associées à la prostitution et rendent pratiquement impossible l'ouverture d'un compte en banque ou l'obtention d'un contrat d'assurance.

L'industrie du sexe continue cependant de soutenir la légalisation, de même que les politiques favorables à la loi.

Pour plusieurs experts, le problème ne vient pas tant de la loi que de la manière de l'appliquer choisie par les autorités.

Ces dernières commencent toutefois à réaliser que les maisons closes ne peuvent pas être traitées de la même manière qu'un supermarché.

"Nous sommes en train de changer les règles d'hygiène", se sont contentés de dire à l'AFP les fonctionnaires chargés du dossier avant de refuser de donner une interview.