Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


LAPRESSEGAIE

Concentration de l'information?

 Une communauté qui commence à en avoir plein le dos de ses médias est bien la communauté gaie du Québec. Avec ses trois ou quatre médias tous orientés vers une seule vocation, le commerce et le cul, les médias gais écrits, sauf pour quelques exceptions, sont en passe de perdre toute leur crédibilité auprès des lecteurs qu'ils prétendent représenter.

Et que font justement ces médias pour corriger la situation et pour garantir à leurs lecteurs une information diversifiée et professionnelle? Rien, sauf d'en remettre et de gaver littéralement les lecteurs de pseudo-reportages qui ne respectent souvent en rien les règles les plus élémentaires de l'éthique journalistique.

Le Guide Fugues figure en premier de liste surtout en ce qui concerne l'usage de publireportages qui n'en finissent plus de nous donner l'impression d'une information légitime et désintéressée alors qu'en fait, on ne parle que de ceux qui annoncent dans les pages qui précèdent. Est-ce là une pratique journalistique acceptable? Les gens de Fugues ne semblent pas se poser la question et ce, depuis plus de 15 ans, mais il reste un fait, le Guide de déontologie de la Fédération Professionnelle des Journalistes du Québec interdit catégoriquement ce genre de pratique. <<5,d) Les journalistes ne s'engagent pas auprès de leurs sources à diffuser l'information que celles-ci désirent, et ils refusent de diffuser une information en échange d'un contrat publicitaire pour leur entreprise de presse ou en échange de tout autre avantage. Les publireportages doivent être très clairement identifiés comme tels afin de ne pouvoir être confondus, même par leur mise en page, avec l'information. Les journalistes doivent suivre les événements que commandite leur média avec la même rigueur que tout autre événement>>. Que dire des pillules Immonu-Enhancer qui pouvaient tuer les sidéens et dont les inventeurs possèdent maintenant un dossier criminel suite à notre enquête? Et quoi penser de la Compagnie Life Source, qui passe régulièrement des pages entières dans Fugues et qui font pourtant l'objet de questions sérieuses de la part de l'émission La Facture de Radio-Canada?

Est-ce qu'on peut sincèrement reconnaître dans cet extrait du Guide de déontologie les pratiques du Guide Fugues? La plupart des lecteurs conviendront qu'on tente la plupart du temps de leur faire passer des "plogues" publicitaires comme de l'information et ça, ça choque bien des lecteurs.

Un élément très positif toutefois pour le Guide Fugues est sa capacité d'offrir une couverture publicitaire de bonne qualité et presque fiable pour l'ensemble de la communauté gaie québécoise. Les couleurs sont excellentes, la mise en page mouvementée et la quantité d'annonceurs plus qu'importante.

Chez Fugues, pour nous expliquer les manquements graves au Guide de déontologie, on nous répondra très rapidement que leurs "journalistes" ne sont pas membres de la FPJQ et qu'ils ne sont donc pas soumis aux mêmes règles déontologiques que ceux qui sont membres... FAUX, de prétendre la FPJQ, le Guide de déontologie s'applique à tous, membres ou pas. À quand un changement de comportement de la part des patrons de Fugues?

Le Magazine RG, missionnaire des droits des gais et lesbiennes depuis maintenant plus de 18 ans, fait quand même office de contraste par rapport à Fugues, même si à de rares occasions, la rédaction de RG accepte de faire quelques entorses au Guide de déontologie pour faire face à des impératifs plus qu'urgents comme la mise en page d'événements exceptionnels ou la couverture de chroniques à peu de frais.

Il faut tout de suite dire ici que RG applique quand même en priorité les règles déontologiques de la FPJQ et ce, depuis toujours. Bien avant la rédactions du Guide de déontologie, le Magazine RG s'imposait les règles les plus strictes de l'information au Québec, ce qui lui a mérité le titre de média gai le plus crédible auprès de la communauté.

RG a changé plusieurs fois au fil des années. Alors que le magazine était publié sur du papier journal en noir et blanc jusqu'en 1996, il est passé depuis au papier glacé couleur et la qualité de ses pages couvertures fait l'admiration des lecteurs. Ce résultat est en grande partie attribuable à l'augmentation du nombre d'annonceurs.

Depuis quelques mois toutefois, le Magazine RG semble avoir mal vieilli et on verrait même de plus en plus des petits côtés "Fuguiens" au contenu rédactionnel. On a qu'à penser à la chronique voyages qui sert de "plogue" au principal voyagiste du magazine ou à la chronique vidéo signée d'un André Simard qui n'existe pas ou plutôt, qui est le nom de plume de l'éditeur... Quand les chroniques ou les articles deviennent un prétexte à "ploguer" des produits et services, on peut se demander quel est le sérieux de tels actes et même exiger plus de rigueur de la part de l'éditeur. Il y a certainement beaucoup plus de potentiel journalistique au Magazine RG qu'au Guide Fugues mais serons nous les témoins impuissants de la fin de l'âge d'or de l'information gaie en voyant les chemins tortueux qu'empruntent les gens de RG? L'avenir très rapproché nous le dira...
 
 

Vox-Pop-Etre
Il s'agit-là d'un groupe de médias au lectorat plutôt restreint du quartier Centre-sud de Montréal et soutenu financièrement par les gouvernements du Québec et de la Ville de Montréal. Le groupe Vox pop a connu de longues années de vache maigre et c'est probablement ce qui explique son contenu rédactionnel très orienté vers la publicité.

Vox-Pop compte effectivement peu d'annonceurs et cette situation est probablement conséquente à un marché gai local très fragmenté. Les annonceurs se plaignent de plus en plus du nombre de médias qui sollicitent de la publicité, Vox pop serait donc victime des circonstances.

Ce qui distingue toutefois le groupe Vox-Pop de ses concurrents et même du Magazine RG, c'est la volonté de l'éditeur André Gagnon, de faire toujours plus avec des moyens que certains qualifieraient de ridicules. Gagnon n'est pas un novice dans le domaine avec la fondation du malheureux journal Homosapiens et il faut croire qu'il n'a pas dit son dernier mot dans l'aventure médiatique gaie québécoise!

Quant au contenu de Vox-Pop-Etre, 100% des articles répondent à des intérêts publicitaires et encore là, le lecteur en arrive à perdre confiance en ses journalistes puisqu'ils semblent servir des intérêts financiers plutôt que l'intérêt public. Une situation qu'André Gagnon ne manquerait pas d'expliquer énergiquement si on devait créer un débat sur la question!
 
 
Un nouveau média électronique est né cette année et est en passe de donner un bon coup de pied au cul des plus anciens tellement le potentiel journalistique est intéressant. L'Index est publié uniquement sur le Web mais compte sur la solide expérience du jeune journaliste Carle Bernier-Genest, collaborateur habituel du Magazine RG. Attention toutefois, L'Index n'a rien à voir avec RG et c'est ce qui le place en situation stratégique intéressante par rapport à ses concurrents.

Bernier-Genest a longtemps oeuvré dans le "communautaire" et cette étiquette, bien que pas toujours une référence, lui donne les moyens de traiter des questions sociales de la communauté d'une façon compétente et ouverte. Dernièrement, L'Index critiquait certaines décisions du Député Boulerice (Parti québécois, Sainte-Marie-Saint-Jacques) et suscitait une réaction fort surprenante du député. En plus de ne pas se rétracter, Bernier-Genest demandait au Député Boulerice de prendre position le plus vite possible sur la question des activités discriminatoires des Grand-Frères de Montréal.

Voilà une attitude qu'on doit qualifier de courageuse de la part du jeune journaliste Bernier-Genest. Jeunesse? inconscience? gaffe? véritable journalisme d'opinion? Bernier-Genest, en sautant directement dans la controverse dès ses débuts à L'Index, prouve à ses lecteurs et surtout à la communauté gaie dans son ensemble, que le véritable journalisme gai existe et qu'il a sa place dans notre monde.

Carle Bernier-Genest a maintenant les moyens de publier un journalisme de recherche et de questionnement. Est-ce qu'il saura survivre à ce que plusieurs considèrent comme une entreprise vouée à la faillite faute de commanditaires sérieux? C'est à suivre et je serai le premier à le faire.

Et il y a Le National. De toute évidence nous n'en parlerons pas et vous laisserons plutôt la possibilité de le lire et de le commenter en toute liberté.
Bonne lecture!