Par Le National
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Remise au pas de la presse chinoise avant un Congrès crucial

PEKIN, 21 août (AFP) - Le régime communiste chinois, de plus en plus nerveux à l'approche d'un Congrès crucial du parti destiné à entériner la succession des dirigeants actuels l'an prochain, a entrepris de remettre au pas une presse officielle de moins en moins timorée.

Lancée il y a déjà plusieurs mois, la campagne a touché tous les types de médias, qu'il s'agisse de journaux populaires à grand tirage ou d'obscurs petits journaux gauchistes.

"Les journalistes doivent faire plus attention, ils doivent être conscients de l'existence d'un certain nombre de règles", explique un journaliste travaillant dans l'un des principaux quotidiens de Pékin.

Le président chinois Jiang Zemin avait dès le mois de janvier dernier rappelé les règles du jeu en déclarant, lors d'une réunion de responsables de la propagande du parti, que le rôle de la presse était d'être "le porte-parole du parti et de la population".

Son message a été suivi d'une série de limogeages de rédacteurs en chef de journaux ayant indisposé les autorités.

Les sujets sensibles incluent la corruption, mais également des "scoops" comme les paysans atteints du sida après avoir vendu leur sang, les trafics d'organes dans les prisons ou encore certaines catastrophes soigneusement dissimulées par les autorités locales.

En juillet dernier, le rédacteur en chef du quotidien des consommateurs de Nanchang (sud-est) a ainsi été limogé pour avoir publié des informations sur un prélèvement d'organes effectué sans autorisation sur un prisonnier exécuté. D'autres journalistes ont été démis de leur fonction pour avoir révélé des affaires de corruption sans le feu vert des autorités.

Pour renforcer encore son contrôle, l'administration de la presse et des publications d'Etat a publié au début du mois une liste de sujets interdits, incluant tout ce qui va à l'encontre de la politique du parti communiste au pouvoir. La liste inclut également tous les sujets propices à la diffusion de rumeurs, ceux qui perturbent le travail du parti et de l'Etat ou violent les règles du parti sur la propagande.

"Le gouvernement chinois a constamment empêché les journalistes locaux de travailler librement sur des sujets d'importance nationale et cette directive ne fait qu'aggraver les choses", relève Ann Cooper, la directrice exécutive du Comité de Protection des Journalistes, un organisme basé à New York.

Mais la remise au pas ne s'est pas limitée aux journaux populaires qui essaient d'attirer le lecteur par des articles moins rébarbatifs que ceux habituellement publiés par les grands journaux officiels, elle a également commencé à frapper les revues théoriques rebelles.

Les autorités chinoises ont ainsi suspendu récemment la parution de l'un des principaux mensuels théoriques marxistes, "Zhenli de Zhuiqiu" (la recherche de la vérité), pour avoir critiqué la décision controversée du président Jiang Zemin de faire entrer les capitalistes au sein du parti.

Toute critique du président, même très indirecte et allusive, est strictement interdite dans les journaux.

"Si vous critiquez le culte de la personnalité, vous critiquez clairement Jiang Zemin, qui d'autre?", observe Joseph Cheng, un expert de la politique chinoise à la City University à Hong Kong.

Un congrès crucial du parti communiste se tiendra à l'automne 2002 pour entériner la succession des dirigeants actuels, qui devraient pour la plupart prendre leur retraite et laisser la place aux leaders de la "quatrième génération" regroupée autour du vice-président actuel Hu Jintao, 57 ans.

Le régime redoute qu'une presse moins docile ne favorise une montée des mécontentements qui pourrait remettre en cause le délicat processus de désignation des successeurs.