Par Le National
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Pédophilie: l'Eglise américaine en "procès" au Vatican

CITE DU VATICAN (AFP) - Jean Paul II a convoqué les 23 et 24 avril pour un "procès" au Vatican les treize cardinaux de l'Eglise catholique américaine, éclaboussée par le scandale des ecclésiastiques pédophiles.

Bien que présentée officiellement par le Vatican comme une "confrontation", la réunion aura le caractère d'un véritable "procès" dont les résultats seront proposés en exemple pour l'Eglise catholique toute entière, estimaient en effet mardi de nombreux ecclésiastiques à Rome.

Quelques rares prélats se sont toutefois déclarés sceptiques sur l'initiative papale. "Il vaudrait mieux aborder le problème des abus sexuels d'une façon générale, pas seulement à l'intérieur de l'Eglise, mais aussi à l'intérieur des familles", ont-ils estimé.

Par cette convocation exceptionnelle, le pape répond aux accusations parues dans la presse américaine, dénonçant son inertie et mettant en doute sa capacité à diriger l'Eglise catholique en raison de sa santé déclinante.

Le cardinal américain Bernard Law, 71 ans, au coeur de la tourmente provoquée par les scandales de pédophilie, a annoncé avoir déjà secrètement rencontré le pape à ce sujet et obtenu de rester en fonctions. "Au cours des derniers jours, je me suis rendu à Rome pour chercher conseils et avis (...) Le Saint père a accepté de me rencontrer (...) et je reviens dans mon pays encouragé dans mes efforts visant à faire en sorte qu'aucun enfant ne soit jamais plus abusé par un prêtre dans mon diocèse", a annoncé mercredi le prélat, responsable de l'archevêché de Boston (Massachusetts, nord-est), à son retour aux Etats-Unis, dans une déclaration rendue publique au Vatican.

"Le sujet de mes entretiens a été l'impact qu'ont eus les agissements de Stanley et d'autres cas d'abus sexuels dans l'opinion publique en général et plus spécifiquement sur les fidèles de l'archidiocèse" de Boston, a-t-il expliqué.

Le prélat a "couvert" pendant près de 30 ans un prêtre pédophile récidiviste, le père Paul Shanley, 70 ans, accusé d'agressions sexuelles sur au moins 26 enfants. Mgr Law, l'un des responsables les plus en vue de l'église catholique américaine, est considéré comme un proche de Jean Paul II.

Le scandale impliquant des religieux a pris des proportions sans précédent aux Etats-Unis et il a fait boule de neige. Le Mexique, la France, l'Espagne, la Pologne, la Grande-Bretagne ainsi que d'autres pays, notamment d'Afrique, sont touchés par des affaires similaires.

Le pape s'est décidé à réagir à la suite d'une affaire de moeurs impliquant un prélat de son propre pays, la Pologne, qu'il a contraint récemment à démissionner devant le tour politique pris par l'affaire.

Mgr Juliusz Paetz, archevêque de Poznan (ouest), dont "les penchants homosexuels étaient connus depuis au moins deux ans", selon le journal Rzeczpospolita, avait été pendant de nombreuses années un prélat de l'entourage personnel du pape au Vatican.

Le "procès" fait à l'Eglise catholique américaine sera conduit à huis clos, en présence du pape, du cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi et des cardinaux de la curie romaine concernés par ce problème.

En janvier dernier, Jean Paul II avait déjà pris la décision de confier à Mgr Ratzinger la compétence canonique, au moins pour les procès en appel, des cas de pédophilie et d'abus sexuels imputés à des ecclésiastiques.

Le cardinal Ratzinger avait détaillé une série de normes à respecter, dont le secret, dans une lettre adressée à tous les évêques. Le Vatican avait également autorisé pour la première fois les recteurs des séminaires à avoir recours à des psychologues pour juger la personnalité d'un candidat au sacerdoce.

Les autorités ecclésiastiques peuvent fixer éventuellement des normes rigides pour la "rééducation" des ecclésiastiques coupables d'abus sexuels ou d'actes de pédophilie, comme l'a préconisé le pape en janvier dernier.

Une "rééducation" qui peut avoir le caractère d'un véritable isolement du coupable dans un monastère, comme cela a été le cas pour le cardinal Hans Herman Groër, archevêque de Vienne, reconnu coupable d'attouchements sexuels sur des séminaristes et obligé de démissionner en 1995.

Le code de droit canon prévoit des punitions qui vont jusqu'à l'interdiction d'exercer le ministère sacerdotal.

Le privilége de réplique