Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Impunité garantie en Russie pour la pédophilie sur enfant de 14 ans

MOSCOU, 27 mars (AFP) - Le réseau de pornographie infantile de l'Orchidée Bleue, qui vient d'être démantelé en coopération avec les Américains, a pu se développer d'autant plus facilement en Russie que la loi y garantit l'impunité aux responsables d'actes de pédophilie sur des enfants de 14 ans ou plus.

Les responsables du réseau filmaient, dans deux appartements moscovites, leurs ébats et les sévices infligés à des enfants dont les plus jeunes avaient huit ans, selon les sources policières russes et américaines.

Les cassettes vidéo et les photos étaient ensuite vendues à l'étranger, dans au moins 23 pays, par le biais d'annonces passant sur l'internet.

Plus de soixante enquêtes criminelles ont été ouvertes depuis, notamment en France, Grande-Bretagne et Allemagne.

Onze personnes ont été arrêtées à ce jour, dont quatre en Russie, quatre aux Etats-Unis, et trois aux Pays-Bas. En outre, deux personnes liées au réseau se sont suicidées en Russie alors qu'elles étaient recherchées.

"Nous ne pouvons rien contre les adultes qui se livrent à des activités sexuelles avec des enfants de plus de 14 ans, depuis qu'on a changé la loi en ce sens", a affirmé mardi Alexandre Binienko, chef de la police criminelle moscovite, lors d'une conférence de presse.

Les législateurs russes ont ramené en 1996, de 16 à 14 ans, l'âge à partir duquel les relations sexuelles peuvent être considérées comme mutuellement consenties.

Cette décision visait à adapter la législation au changement des moeurs, avec des relations sexuelles toujours plus précoces, mais elle a eu aussi pour conséquence de renforcer la relative impunité dont jouissent les pédophiles, a remarqué M. Binienko.

Cette disposition a ainsi empêché l'arrestation à Moscou en janvier dernier d'un citoyen américain, Glenn Martikean, au moment où il invitait un enfant de 14 ans à se déshabiller dans sa chambre d'hôtel.

Selon M. Binienko, ce "touriste sexuel" aurait expliqué à un policier russe jouant le rôle d'un pédophile qu'il risquait une lourde peine de prison aux Etats-Unis pour un tel acte.

Le nom de M. Martikean, arrêté à son retour aux Etats-Unis, avait été trouvé par la police russe au domicile de l'organisateur présumé d'Orchidée Bleue, Vsevolod Solntsev-Elbe, lors de son arrestation en décembre dernier.

Alexandre Binienko a aussi déploré le manque de rigueur de la loi punissant les pédophiles.

"Le code civil russe ne prévoit pas le cas de la pornographie infantile, mais seulement de la pornographie en général", et cette dernière n'entraîne qu'une peine maximale de deux ans de prison, a-t-il expliqué.

Si un adulte a des relations sexuelles avec un mineur de moins de quatorze ans, la peine de prison maximale qu'il encourt n'est que de quatre ans.

"La situation est aggravée par le grand nombre d'enfants fugueurs ou abandonnés, qui rallient les villes pour survivre, et qui sont recrutés dans les gares et les marchés", selon M. Binienko.

Un policier de Saint-Pétersbourg (nord-ouest), envoyé en prison en décembre dernier pour avoir tourné et vendu des films pornographiques avec des enfants abandonnés, recrutait ses victimes dans la rue pour cinq dollars.

L'impunité relative dont jouissent les pédophiles russes est illustrée par le cas de Vladimir Timofeïev, "une star du porno infantile", selon M. Binienko. Condamné à quatre ans de prison en 1998, pour ses relations sexuelles avec des mineurs, il a été libéré en décembre dernier à la faveur d'une amnistie. "Rien ne l'empêche de recommencer", a déploré le policier.

En octobre dernier, Dmitri Kouznetsov, un trafiquant russe accusé par la police italienne d'avoir produit et vendu via internet des vidéos dont certaines montraient des enfants torturés à mort, a rouvert un site internet à caractère pédophile quelques jours après le démantèlement d'un réseau similaire.