Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Muqueuses maintenant protégées par un bouclier...

Les muqueuses constituent la première ligne de défense de l'organisme contre ses ennemis microscopiques. Elles sont donc les plus exposées à l'infection. Malgré les efforts déployés par de nombreuses équipes de recherche, il existe aujourd'hui assez peu de solutions efficaces pour les protéger. Aérosols, gels, solutions ou films microbicides... Tout ou presque a été envisagé, avec plus ou moins de succès. Le salut viendra-t-il des bactéries elles-mêmes ? Des biologistes italiens viennent en effet de démontrer l'efficacité d'un traitement de la candidose vaginale chez le rat à l'aide de bactéries transgéniques capables de produire une molécule toxique.

Cette molécule, baptisée si simplement scFvH6, a été créée par ces mêmes chercheurs italiens il y a environ trois ans. Il s'agit d'un anticorps qui mime l'activité de la toxine sécrétée par la levure Pichia anomala. Elle peut détruire un large spectre d'agents pathogènes mais se révèle très instable, en particulier à la température et au pH de l'organisme. C'est pourquoi Luciano Polonelli, de l'université de Parme, et ses collègues des universités de Sienne, de Messine et de l'Institut supérieur de la santé, à Rome, ont décidé d'offrir la livraison de l'anticorps à domicile. Avec, dans le rôle du livreur, la bactérie Streptococcus gordonii légèrement retouchée. Ils ont en effet modifié le patrimoine génétique de ce membre de la flore buccale afin de lui faire produire cette fameuse scFvH6.

Pour tester son efficacité thérapeutique, les biologistes lui ont permis de coloniser la muqueuse vaginale de rates atteintes de candidose. Cette maladie opportuniste est provoquée par le champignon Candida albicans. Elle touche les muqueuses vaginales de très nombreuses femmes dans le monde et les muqueuses orales ou oesophagiennes des personnes immuno-déprimées, comme les malades du Sida. Streptococcus gordonii s'est vite révélée aussi efficace que le fluconazole - un antifongique courant - pour baisser la charge de Candida albicans. Et trois semaines après la colonisation, 75 % des rates traitées étaient guéries.

"Il reste à savoir si cette colonisation peut être maintenue chez la femme à long terme malgré les relations sexuelles, les règles et les fluctuations quotidiennes de la flore vaginale, soulignent Kevin J. Whaley et Larry Zeitlin, dans leur commentaire accompagnant l'article des Italiens publié dans Nature Biotechnology. Et il serait peut-être préférable d'employer une bactérie de la flore vaginale, comme Lactobacillus, mieux adaptée au pH acide."

Néanmoins, ils conviennent que ces travaux sont de bon augure pour l'avenir de la protection des muqueuses. A plus forte raison si, comme le croient les auteurs, cette technique peut être utilisée contre d'autres agents pathogènes redoutés tels que Pneumocystis carinii ou Mycobacterium tuberculosis.

(Info Science)