Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Les multinationales déclarent la guerre au sida

NEW YORK (Nations Unies), 26 juin (AFP) - Les entreprises multinationales, conscientes du danger posé par le fléau du sida pour leurs opérations dans le monde, s'engagent désormais dans la bataille contre une pandémie qui décime leur main d'oeuvre et grève la croissance économique.

Absentéisme, maladies, décès, faible moral, pénurie de main d'oeuvre qualifiée: bien que le coût global n'ait pas été précisément chiffré, le sida commence à peser sur les comptes des entreprises: recrutement incessant, assurances-risque plus coûteuses, augmentation des budgets de formation, pensions et couvertures de soin en hausse, etc.

"On estime aujourd'hui que 23 millions sur les 36 millions de personnes aujourd'hui séropositifs ou malades du sida ont un travail. La pandémie va avoir un énorme impact sur les entreprises", met en garde le directeur général de l'Organisation international du travail (OIT), Juan Somavia.

Sur le plan macroéconomique, souligne Peter Piot, directeur général d'ONUSIDA, la pandémie fauche la force de travail et coûte jusqu'à plusieurs points de croissance dans les pays les plus sévèrement touchés.

Au Kenya, une enquête a ainsi montré que le sida grevait de 4% les bénéfices annuels du secteur privé et que, d'ici 2005, au rythme actuel de propagation de la maladie, le Produit national brut (PNB) sera de 15% inférieur aux prévisions.

"Jusqu'à présent, notre réponse a été largement inadéquate. Nous n'avons pas fait assez", reconnaît le président de MTV Networks International, Bill Roedy, qui dirige également le Global Business Council on HIV/AIDS (GBC, Conseil mondial des affaires sur le sida).

Fondé en 1997, le GBC regroupe une vingtaine de multinationales, parmi le gratin mondial, qui ont décidé de s'engager dans la lutte contre le sida. On y trouve, entres autres, Pfizer, Merck, AOL Time Warner, IBM, AIG, Unilever, Viacom, MTV, Levi Strauss, Calvin Klein, MAC Cosmetics, Unilever ou encore Coca-Cola.

"Notre but est d'intensifier l'implication des entreprises dans la lutte contre le sida. La mondialisation, ça n'est pas seulement internet et les technologies de pointe. C'est aussi la propagation au-delà des frontières d'un réel fléau", explique l'ancien banquier et ex-ambassadeur américain à l'ONU, Richard Holbrooke, nouveau PDG du GBC.

A l'occasion de la session extraordinaire des Nations Unies sur le sida, qui se tient à New York, le groupe a présenté son nouveau guide d'action qui va être envoyé à des milliers de sociétés privées dans le monde.

Il contient une série de recommandations et présente des cas concrets d'actions menées au plan local par des entreprises pionnières dans la lutte contre le sida.

L'effort vise à faire en sorte que les entreprises participent à la prise de conscience générale sur les dangers du sida, en commençant par éduquer leur propre main d'oeuvre sur le terrain et en insistant sur la nécessité de la prévention.

En Afrique du Sud, le constructeur automobile Ford a ainsi lancé une vaste campagne de prévention parmi les employés de ses usines, où les taux de prévalence de la maladie atteignaient jusqu'à 20%.

La chaîne musicale MTV, désormais diffusée partout dans le monde, insiste sur la prévention auprès de la jeunesse par des campagnes publicitaires et des programmes ciblés. "Chaque nouvelle infection par le virus du sida touche un jeune de 25 ans ou moins. C'est notre audience", explique Bill Roedy.

Si certaines multinationales disent agir par devoir citoyen, certaines ne cachent pas le faire au regard de leurs intérêts économiques bien compris.

"Pour nous, c'est purement une question de pragmatisme et nous espérons porter notre message dans chaque recoin en Afrique", admet Carl Ware, vice-président de Coca-Cola.

Le géant des sodas, qui emploie 100.000 personnes sur le continent africain, est confronté à un absentéisme et un taux de mortalité tels parmi sa main d'oeuvre, qu'il est désormais obligé de recruter deux personnes pour chaque emploi. "C'est donc clairement dans leur propre intérêt financier", note Richard Holbrooke.