Par Le National
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Thabo Mbeki exprime la colère de l'Afrique délaissée face à la dette et au SIDA!

DURBAN (Afrique du Sud), 23 juin (AFP) - Le président sud-africain Thabo Mbeki a exprimé jeudi la colère de l'Afrique face à la lenteur perçue des pays industrialisés à agir sur l'allègement de la dette, au moment où le continent à un crucial besoin de ressources pour lutter contre le SIDA.


À droite, le président Mbeki

Thabo Mbeki, clôturant un sommet économique d'Afrique australe à Durban sous l'égide du Forum Economique Mondial (WEF) de Davos (Suisse), a accusé l'Occident de manquer de sérieux sur la dette, prenant l'exemple d'une délégation de chefs d'Etat africains qui ne sera reçue qu'en marge du prochain G8 en juillet.

A ce jour, les initiatives en cours sur l'allègement de la dette des pays pauvres lourdement endettés (PPLE) "ne ressemblent en rien à un traitement urgent de la question" de la dette, a déclaré Thabo Mbeki.

M. Mbeki a cité le cas du Mozambique, où "les destructions massives causées par les inondations représentaient une opportunité de dire 'annulons la dette', mais elle a juste été rééchelonné. C'est complètement insensé", a-t-il déclaré à la presse.


Afrique du Sud

Auparavant, en session plénière, le président Mbeki s'est indigné du fait qu'un trio composé des présidents algérien Abdelaziz Bouteflika, nigérian Olusegun Obasanjo et de lui-même ne sera a priori pas reçu par les dirigeants du G8 lors du sommet d'Okinawa (Japon) le 21 juillet.

"Les président du Nigeria, d'Algérie et moi-même allons nous rendre au Japon pour voir comment faire progresser la question (de l'allègement de la dette)... mais nous rencontrerons le Premier ministre japonais, qui ensuite dira au G8 ce que nous avons dit", a ironisé Mbeki.

C'est une indication du manque de sérieux des pays industrialisés, a estimé Thabo Mbeki, insistant sur le fait que "trois dirigeants africains ne vont pas voyager d'ici jusqu'au Japon juste pour rencontrer le Premier ministre japonais".

Lors du même débat, l'économiste américain Jeffrey Sachs, directeur du Centre International pour le développement (ICD) de Harvard a déclaré que la question de la dette était devenue "une question de vie ou de mort" et a appelé à son annulation "à 100% ".

Un rapport du WEF, publié au Sommet, a estimé que l'initiative PPLE du G7, portant sur un allègement de 65 à 70 milliards de dollars de la dette de 41 pays les plus pauvres, est un échec un an après son lancement.

Selon le rapport "Compétitivité en Afrique" du WEF, une poignée de pays ont reçu par cette initiative une fraction" de l'aide qu'ils avaient demandée, mais "aucune dette n'a été annulée".

Le président tanzanien Benjamin Mkapa, résumant l'humeur de nombre d'intervenants africains au sommet de Durban, a estimé que les enjeux de bonne gouvernance, de lutte contre la corruption et de quête d'investissements étrangers restaient marginaux par rapport à un problème plus large: persuader les pays de l'OCDE de "mettre leur argent en accord avec leurs paroles".

Tous les intervenants qui se sont succédés au sommet de Durban ont identifié le SIDA comme le plus grand obstacle à un démarrage économique de l'Afrique, décourageant les investissements étrangers dans les régions du continent où des conflits ne l'avaient pas déjà fait.

Seth Berkley, président de IAVI (International AIDS Vaccine Initiative), organisation oeuvrant pour le développement d'un vaccin préventif, a illustré l'acuité du mal en citant le cas du Zimbabwe, où l'espérance de vie pratiquement chuté de moitié en deux ans à cause du SIDA.

Le sommet de Durban, sorte de "Davos africain" annuel organisé par le WEF, a rassemblé sur trois jours un millier de dirigeants politiques, économiques, d'institutions internationales d'une cinquantaine de pays, africains principalement.