Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Vraie pub et faux spam ?

Une vidéo soi-disant interdite de diffusion qui vante la carte Nomad. Un mail prétendument envoyé par un lecteur, qui vient de l´agence de pub de Nomad. Une drôle d´histoire.

"Si je me permets de vous solliciter, c´est que j´ai eu l´occasion de voir il y a peu sur Internet un document qui m´a frappé. Il s´agit d´une vidéo qui a été interdite de diffusion en raison du caractère particulier de son message..." Envoyé à Transfert le jeudi 14 juin, ce courrier électronique était signé : "Julien, un lecteur". L´adresse de l´expéditeur, prise chez le fournisseur gratuit Ifrance, est celle d´un internaute lambda. Intrigués, nous allons visiter le site conseillé. Une page du site de Nomad, la carte de téléphonie mobile de Bouygues Telecom, proposant de télécharger une vidéo labellisée "interdite de diffusion". "En raison du caractère un peu choquant de certaines scènes, des autorités dites compétentes ont décidé de l´interdire de visionnage", avertit ironiquement le texte de présentation, avant d´appeler l´internaute à "avoir le courage d´en parler à [ses] amis pour qu´eux aussi aient le droit de connaître la vérité". Après avoir téléchargé la vidéo, nous pouvions découvrir le "sulfureux" spot de pub de la dernière campagne de marketing viral de Nomad, vantant les mérites de ses services SMS (short-messenging system)
Génération Steevy
Dans le film, une mère range la chambre de son fils chéri, tout en contemplant, l´œil humide, la photo de son petit ange. Soudain, son œil tombe sur l´agenda de celui-ci et y lit "5 à 7 RdV SM". Terrassée par la douleur, elle imagine alors sa progéniture en costume sado-masochiste, ambiance "cuir et chaînes". Mais lorsque, en pleine crise d´hystérie, elle quitte la pièce en claquant violemment la porte, une carte postale masquant une partie de la note dans l´agenda s´envole, et on réalise qu´il fallait en réalité lire "5 à 7 RdV SMS". Ouf ! Cabot, le spot joue avec les interdits sexuels des ados, premiers à s´échanger des messages texte sur mobile, pour draguer ou faire virer un des candidats du Loft, comme les y invitent des bandeaux publicitaires sur le site Nomad. De là à se faire interdire de diffusion...
Trop trash
Pour en savoir plus, nous contactons l´agence interactive Tribal DDB, qui gère la communication online de Nomad. "Nous avons fait ce spot pour montrer ce que l´on peut faire avec de peu de moyens et une caméra numérique. Nous savions dès le départ que ce genre de spot est trop trash pour être accepté en pub télé par les clients et le Bureau de vérification de la publicité. C´est fait dans un esprit assez libertaire et cela convenait au client pour une diffusion sur le Net, qui offre plus de leviers d´expression", raconte Jérôme Duchamp, le consultant marketing responsable de la campagne. Quant à l´origine du mail que nous avons reçu, il assure, surpris, qu´elle ne se trouve pas chez Tribal DDB : "Ce n´est pas l´esprit de la maison de faire des coups comme ça. Nous savons que les internautes et les journalistes décryptent facilement la tromperie et la supercherie." Lancée le lundi 11 juin, la campagne ne s´appuie que sur deux partenariats, avec le comparateur de prix Kelkoo et le site de culture "djeune" Serial Web. Fidèle à l´esprit "viral", Tribal DDB n´a pas fait de communication destinée à la presse.
Mystérieux lecteur
D´où venait donc Julien le mystérieux internaute qui propage tellement bien le buzz qu´il reprend à la lettre le texte des campagnes de pub ? D´après l´adresse IP figurant dans le fichier source du message envoyé à Transfert, nous avons trouvé qu´il provenait du point d´accès au réseau de DDB, assuré par le prestataire IWAY. En clair, l´expéditeur est quelqu´un de l´agence DDB ! Nous avons donc rappelé Tribal DDB pour lui faire part de notre découverte. Jérôme Duchamp, qui venait de mener une "petite enquête en interne", nous a une nouvelle fois assuré que le mail n´était en aucun cas un envoi intentionnel d´un des 70 collaborateurs de Tribal DDB. "Par contre, je ne peux pas être derrière le dos des 1600 employés de DDB. Et il est peu probable que celui qui a fait ça vienne se vanter d´avoir envoyé un mail qui nuit à l´image de la campagne." Une drôle d´histoire, donc. "Si je retrouve la personne qui a envoyé ce mail, ce sera effectivement une drôle d´histoire", conclut Jérôme Duchamp. Quand on vous dit que sur Internet, n´importe qui envoie n´importe quoi, n´importe quand. Les voies du marketing viral sont décidément impénétrables.