Par Le National
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La Ligue du Nord sur ses terres

BRESCIA (Italie), 17 avr (AFP) - Dans le collège 31 de la province de Brescia, la Ligue du Nord est chez elle. Elu de cette circonscription de Lombardie (nord) depuis 1996, Alessandro Cè, un des 46 députés léguistes du Parlement sortant, parcourt sa circonscription avec l'assurance d'être réélu le 13 mai prochain.

La revendication indépendantiste, fer de lance de la Ligue au cours des années 90, a été rangée au placard et, même s'il n'a pas renoncé au combat pour "la liberté du Nord", le mouvement de Umberto Bossi se veut désormais "respectable".

"Le fédéralisme est notre objectif", rappelle M. Cè et "nous saurons le rappeler à nos alliés".

Le fédéralisme c'est, selon la Ligue, légiférer au niveau de la région en matière de santé, d'éducation, de fiscalité, de sécurité. La Ligue se méfie du "centralisme" de Rome, des "bureaucrates" de Bruxelles qui veulent "assassiner la culture et les traditions" du "peuple du Nord".

"Nous voulons changer ce pays, rapidement et avec détermination", rappelle M. Cè, un médecin de 45 ans, devant une poignée de militants réunis dans la section de Gussago, un bourg de 14.000 habitants au nord de Brescia. Le local est parsemé d'affiches dénonçant "l'immigration clandestine". Dans cette ville qui compte à peine 300 immigrés, les militants se plaignent des "voleurs albanais" et de l'"insécurité" qui les empêche "de sortir à la nuit tombée".

Comme en 1994, la Ligue du Nord s'est alliée avec le Pôle des Libertés (union des partis de droite) de Silvio Berlusconi. A l'époque, l'alliance avait duré sept mois avant que les cinq ministres léguistes quittent le gouvernement et poussent M. Berlusconi à la démission de la présidence du Conseil.

Pour réintégrer la coalition de M. Berlusconi, M. Bossi a dû renoncer à ses idées séparatistes. Plus question de traiter le magnat de la communication de "mafieux", de s'emporter contre cette "grosse voleuse" de Rome et les "culs-terreux" du Sud.

En contre-partie, a affirmé M. Bossi, la droite classique s'est engagée dans "un pacte secret" à satisfaire quelques revendications de la Ligue comme le retour au scrutin proportionnel intégral ou en laissant aux régions le soin de réguler les flux migratoires.

En cas de victoire de la droite aux législatives, la Ligue, qui espère une cinquantaine de députés, revendique le ministère du Travail et de la Famille.

La circonscription électorale de M. Cè apparaît comme un bastion inexpugnable de la Ligue. Royaume de la petite industrie, parsemé d'anciennes mines de minerais de fer, le territoire est maillé de milliers de petites et moyennes entreprises prospères et dynamiques à l'image de la fabrique d'armes Beretta. Le travail est comme une obsession. "Les 35 heures nous les faisons en deux jours", dit Maria Rosa Zanardelli, conseillère municipale léguiste de Concesio.

"Le chômage ici, on ne connaît pas", constate en riant Silverio Vivenzi, secrétaire de la section de Lumezanne, un gros bourg industriel qui comptent plus de 4.000 petites entreprises, soit une entreprise pour six habitants.

Ces petits patrons dont le seul loisir se résume à la chasse ont l'impression d'être "la poule aux oeufs d'or" du reste de l'Italie notamment du "Sud assisté". Ils constituent le principal soutien de la Ligue du Nord qui a pris la place de la Démocratie-Chrétienne dans cette région à forte tradition catholique.

Lui-même chef d'entreprise, M. Vivenzi dénonce les "charges fiscales trop lourdes" et avoue ne pas comprendre le monde qui se dessine sous ses yeux. Il s'en prend aux couples homosexuels car "la vraie famille c'est un homme et une femme".

Dans le local de sa section, une affiche affirme que "l'immigration industrielle de masse est un crime contre l'humanité".

"La Ligue n'est ni raciste, ni violente", assure M. Cè. "Nous sommes seulement un mouvement populaire", conclut-il.