Par Le National
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Sida: le parlement kényan permet l'achat de médicaments bon marché

NAIROBI, 12 juin (AFP) - Le parlement kényan a adopté mardi un projet de loi permettant au gouvernement de contourner les brevets des sociétés pharmaceutiques pour fournir aux 2,2 millions de porteurs du virus du sida des médicaments meilleur marché.

Le Kenya devient le deuxième pays en Afrique après l'Afrique du sud à autoriser dans sa législation le recours à des médicaments génériques, copies de produits encore sous brevet.

La loi kényane, présentée par le gouvernement et soutenue par l'opposition, a été adoptée par acclamation à l'unanimité des députés présents après deux heures de débat, a constaté une journaliste de l'AFP.

Après ce vote, elle devra être réexaminée par des comités parlementaires qui vont revoir des aspects techniques, puis représentée pour un vote final.

Le sida, qui touche 2,2 millions de Kényans, soit 14 % de la population adulte selon les statistiques officielles, a été déclaré "urgence nationale" par le président kényan Daniel arap Moi en 1999.

Le projet, qui vise à mettre le Kenya en conformité avec les dispositions de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), permet au gouvernement, en cas de "catastrophe nationale", de rechercher des médicaments moins chers que ceux proposés par les sociétés détentrices de brevets.

Elle reprend plusieurs dispositions des Accords sur la propriété intellectuelle liée au commerce (TRIPS), notamment les importations parallèles qui permettent à un pays d'acheter un produit breveté dans un pays où il est vendu moins cher par le détenteur du brevet, l'autorisation obligatoire qui permet de fabriquer ou d'importer des copies génériques de ce médicaments et "l'exception Bolar", qui permet à une société locale de préparer la commercialisation d'un produit générique plusieurs années avant l'expiration du brevet, afin d'être prête à le mettre sur le marché le plus tôt possible.

Le coût des médicaments anti-rétroviraux (ARV), qui permettent de ralentir le développement de la maladie et d'améliorer la durée et la qualité de vie des malades, "est au delà des possibilités des Kényans ordinaires", a indiqué le ministre de la Santé Sam Ongeri.

La combinaison de trois médicaments communément utilisée coûte entre 2,5 et 5 dollars par jour, alors que le revenu moyen des Kényans ne dépasse pas un dollar par jour, a-t-il déclaré. "Si le gouvernement voulait en assumer le coût, cela reviendrait à 12 milliards de shillings (173 millions de dollars), alors que le budget total du ministère de la Santé n'est que de 9 milliards de shillings", a-t-il ajouté.

"La loi telle qu'elle est présentée est conforme aux pratiques internationales et en accord avec l'OMC", a assuré aux députés le ministre de l'Industrie Nicholas Biwott. "Plus tôt elle sera adoptée, mieux cela sera pour les personnes qui souffrent du sida.

39 sociétés pharmaceutiques avaient poursuivi le gouvernement sud-africain, en raison d'une loi sud-africaine datant de 1998 permettant l'importation de médicaments génériques, mais elles ont récemment abandonné leurs poursuites à la suite d'une campagne menée par des ONG et des groupes de malades du sida.

Plusieurs députés de l'opposition, tout en soutenant le projet de loi, ont demandé au gouvernement de s'assurer de la qualité des médicaments importés et de développer la formation des médecins et les capacités d'accueil des malades afin notamment d'éviter de développer des résistances aux médicaments avec des traitements mal administrés ou mal contrôlés.

Un orphelinat de Nairobi a commencé mardi à distribuer, pour la première fois, un médicament anti-rétroviral générique donné par le Brésil à des enfants kényans porteurs du virus du sida.