Par Le National
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Immunothérapie et vaccinothérapie, toutes les nouveautés.

Par Pascal lebel, correspondant du National en France

A quelques jours après l'ouverture de la conférence internationale sur le sida à Durban e Afrique du Sud il convient de faire le point quant aux espoirs d'endiguement de la pandémie du VIH. Bien que les traitements actuels sous forme de multithérapies aient montré leur efficacité en agissant directement sur le virus du sida et en réduisant notoirement sa réplication, il n'est pas prouvé que les défenses immunitaires ainsi restaurées sont totalement efficaces pour ne pas dire peu efficaces, et dans l'attente d'un vaccin il convient d'explorer une autre voie, l'Immunothérapie.

Consolider les défenses immunitaires pour mieux contrôler le virus

L'immunothérapie est destinée à renforcer le système immunitaire. Ce dernier n'est pas totalement démuni face au virus. Il dispose de moyens de défense limitant la réplication virale.

L'immunothérapie devrait permettre d'améliorer cette activité immunitaire.

Quels sont les deux principales armes du système immunitaire ?

Le système immunitaire nous protège en permanence la plupart du temps, des bactéries, parasites, champignons et d'un grand nombre de virus présents naturellement dans notre environnement. Il nous protège aussi des tumeurs.

Il a recours principalement à deux armes:

Les anticorps :

Protéine sérique qui est appelée aussi immunoglobuline, synthétisée par les cellules lymphoïdes en réponse à l'introduction d'une substance étrangère appelée antigène

Ils constituent ce que l'on appelle la "réponse humorale". Leur rôle est de neutraliser un agent pathogène avant que ce dernier n'infecte les cellules de l'organisme. Une fois neutralisé, l'agent ne peut plus infecter de cellules, se reproduire et l'infection est enrayée.

Lymphocytes CD8 :

Les cellules tueuses appelées lymphocytes cytotoxiques (CD8) assurent la réponse immunitaire cellulaire. Elles ont pour mission de détruire les cellules infectés par un agent pathogène. La destruction de la cellule infectée empêche l'agent pathogène de se reproduire et l'infection et alors enrayée (Cellule sanguine mononucléaire appartenant à la lignée blanche, présente dans le thymus, le sang, la moelle osseuse, les ganglions, la lymphe.)

Lymphocyte CD 4:

Il est primordial. Ces cellules repèrent l'agent pathogène et organisent la contre-attaque destinée à l'éliminer. Ils sont également la cible privilégiée du VIH qui est capable de les détruire. La réponse immunitaire lors de l'infection par le VIH est de ce fait désordonnée. Après plusieurs années d'infection cela se traduit par une diminution importante des CD 4 (le nombre moyen de CD4 chez un sujet non infecté est compris entre 600 et I 200/mm3) et a un affaiblissement progressif de leurs fonctions. Plus le nombre des lymphocytes CD4 baisse, et moins le système immunitaire est en mesure de lutter contre les agents pathogènes. Ce qui implique chez les personnes contaminées dont le taux de CD 4 est relativement bas, l'apparitions de multiples pathologies, cancers, maladies opportunistes, infection multiples.

Les deux types de réponse immunitaires, humorale et cellulaire agissent de manière complémentaire et la plupart du temps de façon simultanée.

En quoi consiste l'immunothérapie ?

L'immunothérapie consiste en un traitement dont le but est de stimuler ou renforcer les réponses immunitaires contre les agents extérieurs qui peuvent l'agresser virus, bactéries, champignons, parasites, ces défenses reposent sur le système immunitaire qui met en jeu différentes cellules et substances entrant en action dès qu'un agent pathogène susceptible d'induire une maladie pénètre dans l'organisme.

Toutefois nous savons aujourd'hui que le système immunitaire n'est pas totalement démuni tout au long de la maladie. Dans les semaines qui suivent la prime infection, il a été démontré que le système immunitaire reste capable de contrôler en partie la réplication intense du virus. Après quelques mois, une sorte "d'état d'équilibre" s'installe entre le virus et le système immunitaire. Néanmoins et contrairement à d'autres infections de type viral le système immunitaire n'est pas en mesure de maintenir l'équilibre sur la réplication du VIH, qui parvient à tromper les armes que lui opposent nos défenses immunitaires prenant ainsi le dessus.

Une restauration de I'immunité

Différents éléments permettent de penser que cet objectif est réalisable afin d'opposer au VIH une résistance efficace et durable.

Les études conduites auprès de personnes prenant une multithérapie ont ainsi démontré que ce type de traitement avait un effet positif sur le système immunitaire. Le nombre des lymphocytes CD4 remonte chez la plupart des personnes sous traitement, souvent de façon importante et durable.

Autre point positif, les fonctions des lymphocytes CD 4 sont ainsi restaurées en partie ce qui suscite chez les personnes sous multithérapie dont le nombre de lymphocytes CD4, après avoir été très bas, une augmentation sensible des défenses immunitaires qui sont de nouveau aptes à protéger l'organisme contre certains agents pathogènes.

C'est le cas avec l'infection à cytomégalovirus (CMV), un virus qui se localise souvent sur la rétine de l'œil. L'infection à CMV se développe généralement lorsque le nombre de lymphocytes CD4 est inférieur à 5O/mm3.. En cas de rétinite, un traitement permanent est nécessaire pour prévenir toute récidive ou aggravation de cette pathologie. Lorsque les trithérapies sont efficaces, il est possible dans certains cas d'interrompre le traitement. La remontée du nombre de lymphocytes s'accompagne en effet d'une restauration de la capacité des lymphocytes à organiser efficacement la défense de l'organisme contre le CMV .

Bien que renforcé par les antirétroviraux, le système immunitaire reste peu ou pas efficace pour lutter contre le VIH lui-même. Les différentes approches actuelles d'immunothérapie ont pour objet de restaurer et, si possible, maintenir la réponse immunitaire significativement dirigée contre le VIH.

Les travaux les plus avancés actuellement sur l'immunothérapie portent sur l'interleukine 2 et sur la vaccinothérapie. Reposant sur des mécanismes d'action différents, ces deux approches sont complémentaires.

L'immunothérapie par interleukine-2

Cette approche d'immunothérapie est dite " non spécifique ", elle vise à renforcer le système immunitaire dans son ensemble, en espérant ainsi stimuler indirectement la réponse immunitaire dirigée contre le VIH.

L'interleukine-2 (IL-2) est un messager de l'immunité. Elle augmente le nombre de lymphocytes. Plusieurs études ont été réalisées avec l'IL-2 chez des personnes infectées par le VIH. Elles ont montré que l'administration de l'IL-2, associée à un traitement antirétroviral, se traduit par une remontée progressive et durable du nombre de lymphocytes CD4. L'augmentation du nombre de lymphocytes CD4 est généralement plus importante avec l'IL-2 associée à une multithérapie par rapport à une multithérapie seule.

Plusieurs essais thérapeutiques en cours vont permettre de savoir si cet effet s'accompagne d'un renforcement de la réponse immunitaire dirigée contre le VIH. D'autres essais cherchent à voir si l'IL-2 aide à mieux contrôler l'évolution à long terme de l'infection par le VIH.

L'IL-2 se présente sous la forme d'une solution qui est administrée par des injections sous-cutanées. Le traitement repose sur des cures de cinq jours à raison d'une ou de deux injections par jour. Le patient peut pratiquer lui-même les injections qui sont de type sous - cutanée. Les cures d'IL-2 s'accompagnent d'effets indésirables transitoires, les plus fréquents étant de la fièvre et un syndrome grippal (frissons, fatigue). Les effets indésirables sont limités par des traitements appropriés et s'estompent rapidement après la fin des cures.

La vaccinothérapie

Approche apparentée, celle utilisée pour les autres vaccins. De façon classique elle induit une réponse immunitaire chez une personne non malade afin de la préserver contre une maladie spécifique. Ainsi, si cette personne est ultérieurement en contact avec la bactérie ou le virus responsable de cette maladie, son système immunitaire est prêt à l'éliminer et la maladie n'a ni le temps ni la possibilité de se développer. Un vaccin présente donc une action préventive et protectrice, donc par définition impropre aux personnes infectées

Le vaccin protégeant efficacement du VIH n'existe pas à l'heure actuelle

Des recherches sont menées par de nombreux savants.

Cependant, de nombreux travaux de recherche ont permis de mettre au point des préparations induisant des réponses immunitaires spécifiquement dirigées contre le VIH.

Ces préparations ont été testées chez des personnes non infectées par le VIH.

Chez ces personnes ces préparations pourraient aider le système immunitaire à mieux se défendre contre le virus en stimulant la production de cellules tueuses spécifiquement dirigées contre le VIH et produire un plus grand nombre de cellules tueuses spécifiquement dirigées contre le VIH

Dans ce cas l'on parle d'immunothérapie spécifique.

Les préparations utilisées dans ce but sont constituées, par génie génétique, de certains gènes sélectionnés du VIH inclus dans un virus porteur (vecteur). Le virus employé est le canarypox (le virus de la variole du canari) qui est dénué de tout danger pour l'homme. Une fois injecté dans l'organisme, le vecteur se diffuse et pénètre dans les cellules. Celles-ci produisent alors certains constituants du VIH que le système immunitaire reconnaît. Il répond en induisant ou augmentant la production de cellules tueuses (CD8) dirigées contre le virus.

Une autre approche consiste à introduire directement dans l'organisme des constituants du virus auxquels on associe des lipides (on les appelle les lipopeptides), afin de leur assurer une meilleure présentation au système immunitaire. Là encore, on espère stimuler la production de cellules tueuses dirigées contre le VIH

Les préparations vaccinales se présentent sous forme de solutions reconstituées et administrées par injections intramusculaires. Les injections se pratiquent au bras. Elles peuvent entraîner des réactions locales transitoires (rougeur, douleur, durcissement de la peau, etc.) au niveau des sites d'injection. Dans les essais réalisés jusqu'à présent avec ces préparations, aucune toxicité particulière n'a été rapportée.

Ces différentes approches ne sont pas exclusives les unes des autres. Il est même possible qu'elles soient complémentaires. C'est pourquoi certains des essais mis en œuvre actuellement les associent. Dans tous les cas, un traitement par immunothérapie ne peut être envisagé seul pour traiter l'infection par le VIH. Il doit nécessairement être associé à une multithérapie antirétrovirale.


Quatre études sur l'immunothérapie en cours :

Essai Vacciter (ANRS 094)

Cet essai évalue une vaccinothérapie chez des patients ayant préalablement montré une bonne réponse à une multithérapie antirétrovirale. Il s'adresse à des patients prenant une trithérapie depuis au moins un an, dont la charge virale est inférieure à 200 copies/ml et les CD4 supérieurs à 400/mm3 depuis également au moins un an.

L'immunothérapie consiste en quatre injections à un mois d'intervalle d'une préparation vaccinale appelée ALVAC-VIH (vCP1433). Au bout de quatre mois, le traitement antirétroviral pris par le patient est interrompu. Le but est de voir Si la préparation vaccinale induit une réponse immunitaire dirigée contre le VIH et si cette réponse est suffisamment forte pour limiter la remontée de la charge virale, remontée habituellement obtenue à l'arrêt d'une multithérapie antirétrovirale.

Il est prévu dans cette étude la participation de 50 patients suivis pendant une durée de Il mois.

Essai Vaccil 2 (ANRS 093)

Cet essai poursuit des objectifs similaires à ceux de Vacciter mais avec une approche différente. Vaccil 2 concerne également des patients sous multithérapie antirétrovirale depuis au moins 12 mois, avec une bonne réponse de la charge virale (celle-ci doit être inférieure à 50 copies/ml) et sur les CD4 (leur nombre doit être supérieur à 350/mm3). Une partie de ces patients a pu recevoir de l'IL-2 dans le cadre d'un précédent essai.

Une fois inclus dans Vaccil 2, les patients sont répartis en deux groupes :

Dans le premier groupe, ils continuent de prendre leur traitement antirétroviral sans modification (et de l'IL-2 s'ils en recevaient déjà) .

Dans le second groupe, une immunothérapie est associée aux antirétroviraux. Les patients reçoivent tout d'abord deux préparations vaccinales :

La préparation recombinante ALVAC-VIH (vCP1433) et une préparation à base de lipopeptides appelée LIPO-6T. Cette double vaccination est pratiquée en quatre injections à quatre semaines d'intervalle. Dans un second temps, les patients reçoivent une immunothérapie non spécifique sous forme de cures d'IL-2.

Après 9 mois de traitement, les patients des deux groupes dont la charge virale est restée inférieure à50 copies/ml arrêtent leur multithérapie antirétrovirale. Là encore, il s'agit de voir si la vaccination suivie des cures d'IL-2 induit une réponse immunitaire à l'encontre du VIH et si celle-ci maintient le contrôle de la charge virale. En cas de remontée de la charge virale ou de baisse des CD4, les antirétroviraux sont réintroduits.

Vaccil 2 est conduit auprès de 70 patients suivis pendant 52 semaine

Essai Primovac (ANRS 095)

Ce troisième essai concerne un groupe particulier de patients. Il s'agit de personnes ayant pris une multithéraphie antirétrovirale peu de temps après avoir été contaminés par le VIH. On sait que durant la période qui suit la contamination, le système immunitaire parvient à contrôler, au moins en partie, la multiplication du virus. Plusieurs essais ont cherché à voir si un traitement par antirétroviraux débuté durant cette période était susceptible de préserver la réponse du système immunitaire. La réponse à cette question n'est pas encore véritablement connue.

L'objectif de l'essai Primovac consiste à savoir si, chez des patients ayant été traités de façon aussi précoce, une immunothérapie pourrait être bénéfique.

Primovac est conduit auprès de personnes sous multithérapie antirétrovirale depuis au moins 12 mois, avec une charge virale inférieure à 50 copies/ml. Les patients sont répartis en trois groupes .

Le groupe 1 poursuit son traitement sans modification.

Le groupe 2 ajoute aux antirétroviraux une immunothérapie par IL-2 à raison de cinq cures de cinq jours tous les deux mois.

Le groupe 3 ajoute aux antirétroviraux une vaccinothérapie avec les préparations ALVACVIH (vCP1433) et LIPO-6T suivie d'une immunothérapie par IL-2. La vaccination est pratiquée en quatre injections à intervalles de quatre semaines. L'IL-2 est administrée lors de 3 cures à intervalles de huit semaines.

Après 9 mois de suivi, le traitement antirétroviral est interrompu chez les patients dont la charge virale est restée inférieure à 50 copies/ml. Ce traitement est bien entendu repris en cas de remontée de la charge virale ou de baisse des CD4.

Cet essai permettra de savoir si les deux approches d'immunothérapie apportent un bénéfice par rapport à une multithérapie antirétrovirale seule, et dans ce cas réponse positive, laquelle de ces deux approches est la plus intéressante.

La participation de 60 patients est prévue dans Primovac, avec un suivi d'une durée de 52 semaines.

Essai Esprit (ANRS 101)

Cet essai poursuit un objectif différent des trois autres essais. En effet, il vise à savoir si l'administration de l'IL-2, en complément à un traitement antirétroviral, a un effet bénéfique sur l'évolution à long terme de l'infection par le VIH par rapport à la prise d'un traitement antirétroviral seul, par exemple, est-ce que les personnes qui auront pris de l'IL-2 seront mieux protégées contre les infections opportunistes ?

Est-ce que l'administration d'IL-2 permet une épargne de nouvelles molécules antirétrovirales sur plusieurs années ?

Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de suivre un grand nombre de patients pendant longtemps. L'essai Esprit est un essai international de très grande envergure dans lequel l'ANRS est impliquée.

Il va concerner au total 4000 patients dans 18 pays.

Au départ, les participants doivent avoir un nombre de CD4 supérieur à 300/mm3 et prendre un traitement antirétroviral.

La moitié des patients reçoit en plus du traitement antirétroviral de l'IL-2. L'immunothérapie est administrée par voie sous-cutanée en cures de deux injections par jour pendant cinq jours.

Durant les six premiers mois de l'essai, tous les patients du groupe IL-2 reçoivent trois cures. Ensuite, les cures sont poursuivies en fonction de l'évolution du nombre des CD4 de chaque patient.

En France, la participation de 200 patients est prévue dans Esprit avec un suivi d'au moins 4 ans.

 

AUTRE ESSAI D'IMMUNOTHÉRAPiE

Un autre essai d'immunothérapie est actuellement réalisé en dehors du programme de recherche de l'ANRS. Appelé Silcaat, cet essai évalue un traitement par interleukine-2 (IL-2). Comme l'essai Esprit, il vise à savoir Si l'IL-2 associé à un traitement antirétroviral apporte un bénéfice sur l'évolution à long terme de l'infection par le VIH. Silcaat concerne des patients qui, au moment de leur entrée dans l'essai, ont un nombre de CD4 compris entre 50 et 3001mm3 et une charge virale inférieure à 10000 copies/ml.

Il s'agit d'un essai international qui concerne 1400 patients, dont environ 100 patients prévus en France, qui seront suivis pendant au moins quatre ans.

Quels espoirs ?

Depuis que le virus du sida a été identifié en juin 1981 aux Etats - Unis par le centre de contrôle de la santé d'Atlanta, les espoirs de trouver un vaccin rapidement s'amenuisent. Seuls les traitements ont fait de réels progrès !

A la lecture des paragraphes ci dessus il en résulte qu'il faudra encore patienter pour espérer sortir un jour de ce tunnel et mettre enfin un terme à cette pandémie qui ronge près de 34 millions de personnes de par le monde

Toutefois il ne faut pas perdre espoir, de nombreuses bonnes volontés s'acharnent à décrypter les mécanismes du VIH 1 et VIH 2, souhaitons que les impératifs financiers ne freinent pas ces recherches pour le plus grand bien de tous !