Par Le National
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Sensibilisation des imams à la lutte contre le sida

NOUAKCHOTT, 10 mars (AFP) - Une organisation de lutte contre le sida en Mauritanie a entrepris de convaincre les chefs religieux musulmans de parler de cette maladie dans leurs prêches et dans les écoles coraniques, un défi en passe d'être relevé malgré les réticences initiales.

Pendant deux jours, jeudi et vendredi, l'ONG "Stop-sida" a organisé une session de formation et de sensibilisation d'une dizaine d'imams de mosquées et de directeurs d'écoles coraniques sur les dangers du virus du sida (VIH), sa transmission et les méthodes de lutte contre la pandémie.

L'ONG est elle-même dirigée par un érudit musulman, Hamden Ould Tah.

Selon Mme Fatimetou mint Maham, directrice adjointe de l'organisation, "ces religieux ne se laissent pas facilement convaincre s'agissant de la lutte contre cette maladie, liée dans leurs esprits aux mauvaises moeurs et aux rapports sexuels extra-conjugaux".

Pour les associer à ses efforts, l'ONG a dû placer la lutte contre le sida dans le cadre d'une éducation sanitaire plus générale, reposant sur des questions liées à la santé de la famille, de la mère et de l'enfant, "afin d'éviter des blocages et de heurter une certaine conscience collective dont ils se sentent dépositaires".

Ainsi, le "gavage" des femmes, pratique consistant à "engraisser" les jeunes filles, ou le problème des mariages précoces, ont été abordés.

"Dans la foulée", explique Mme Fatimettou, des questions telles que "l'espacement des naissances et l'existence dans certains milieux de rapports sexuels interdits" ont été évoquées pour souligner l'intérêt de l'usage du préservatif.

Cette approche a déjà permis à l'association d'obtenir l'appui de trois membres sur cinq du Haut conseil islamique et de cinq professeurs de Mahadras (écoles coraniques), instaurant une véritable solidarité entre scientifiques et théologiens.

Selon les organisateurs de la session de formation, un comité de grands ulémas (docteurs de la loi musulmane) doit être incessamment constitué et rendre un avis, pour donner une certaine caution morale et religieuse aux imams et autres théologiens désireux de s'engager dans la lutte contre le sida, a indiqué à l'AFP Mme Fatimettou.

Selon elle, une proposition émanant de la Mauritanie est en cours d'examen par le Programme des Nations unies sur le sida (Onusida), qui la soumettra aux pays musulmans d'Afrique de l'Ouest et du Nord, en vue de créer un forum sous-régional des imams de mosquées et des écoles coraniques pour la lutte contre la propagation du VIH.

La directrice adjointe de Stop-sida estime que la situation épidémiologique est inquiétante en Mauritanie, où le nombre de personnes vivant avec le sida est de l'ordre de 6.600, dont la moitié de femmes et 260 enfants. Selon des statistiques de l'Onusida, la maladie y aurait fait 610 morts en 1999.

La république islamique de Mauritanie compte quelque 2,5 millions d'habitants, presque tous musulmans.