Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Un homosexuel revendique le droit d'adoption à Strasbourg

STRASBOURG (Reuters) - Un enseignant parisien de 47 ans, Philippe Fretté, a revendiqué à Strasbourg, devant la cour européenne des droits de l'homme, le droit à l'adoption qui lui est refusé par la France en raison de son homosexualité.

"La présomption irréfragable de la jurisprudence française, selon laquelle aucune personne lesbienne ou gay ne présente les garanties suffisantes pour accueillir un enfant adopté, reflète en réalité un préjugé social et une peur irrationnelle", a estimé à l'audience son conseil, Robert Wintemute.

Selon lui, "maintes études scientifiques" démontreraient qu'un enfant élevé par un père ou une mère homosexuelle n'a pas "plus de chances de devenir homosexuel ou de souffrir de troubles psychologiques".

La direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé du département de Paris avait refusé en 1991 à Philippe Fretté l'agrément préalable en vue d'adopter un enfant. Elle s'appuyait sur un rapport qui attestait de ses "qualités humaines et éducatives certaines" tout en soulignant son homosexualité.

La décision, annulée par le tribunal administratif mais confirmée en Conseil d'Etat, par un arrêt du 9 octobre 1996, invoquait notamment "l'absence de référence maternelle constante" offerte par l'intéressé.

Selon Philippe Fretté, cette décision constitue une violation du droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par la Convention européenne des droits de l'homme et une discrimination dans l'exercice de ce droit.

Il s'appuie sur le fait que la législation française prévoit la possibilité d'adopter un enfant pour les couples mariés, mais aussi pour les célibataires de plus de 28 ans, sans considération de leur orientation sexuelle.

Pour le représentant du gouvernement, Ronny Abraham, s'il est "peu douteux" que le refus d'agrément opposé à Philippe Fretté faisait "référence à son orientation sexuelle", ce n'a pas été le seul critère retenu.

Il a contesté qu'il y ait "ingérence" dans la vie privée de l'intéressé dans la mesure où le refus d'agrément ne concernait pas sa vie "actuelle", mais "un droit à une paternité future potentielle".

Quand bien même la Cour reconnaîtrait cette ingérence, il a estimé que celle-ci trouvait sa justification "dans les intérêts supérieurs de l'enfant" au regard de la convention européenne des droits de l'homme. Celle-ci subordonne en effet le droit au respect de la vie privée et familiale "à la protection des droits et libertés d'autrui".

"Les droits de l'enfant limitent les droits à l'enfant", a plaidé le juriste.

"Ce n'est pas le rôle de votre juridiction de se substituer aux autorités nationales, législatives, administratives et juridiques pour trancher de manière univoque une question aussi délicate", a-t-il conclu.

La Cour rendra son arrêt d'ici quelques mois.