Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Le prêtre alsacien pédophile condamné à 16 ans...

COLMAR (Reuters) - La cour d'assises du Haut-Rhin a condamné à Colmar le prêtre Jean-Luc Heckner, âgé de 37 ans, à seize ans de réclusion criminelle assortie d'une période de sûreté des deux tiers pour des viols sur mineurs commis entre 1992 et 1998.

Les jurés ont également prononcé l'interdiction des droits civils, civiques et de famille pendant dix ans à l'encontre de l'ancien curé de la paroisse d'Oderen (Haut-Rhin), reconnu coupable d'agressions sexuelles, de viols et de tentatives de viols sur sept garçons âgés de 11 à 14 ans.

L'avocat général, Myriam Vervier, avait requis 15 à 18 ans de prison assortis d'une période de sûreté des deux tiers en insistant sur la responsabilité du prêtre, qui "n'a rien fait pour arrêter" en dépit des "avertissements" qui ont jalonné sa route, au séminaire d'abord, puis après son ordination en 1990.

A chaque fois, Jean-Luc Heckner avait su écarter les remarques de ses camarades ou les questions de sa hiérarchie concernant sa fréquentation trop assidue des jeunes garçons ou la découverte de revues et de cassettes pornographiques dans sa chambre.

"Il n'est pas la victime qu'il dit, mais un prédateur qui trouve le plus grand de son plaisir dans la chasse", a estimé l'avocat général en insistant sur la "double personnalité" du prêtre: l'homme d'église apprécié des paroissiens et celui qui avait dit, au premier jour des débats comment, certains soir, il laissait "Jésus à la porte".

Celui aussi qui avait expliqué comment le choix de la prêtrise l'arrangeait, d'une certaine manière, pour vivre son homosexualité.


"Punir autant qu'il convient, pas plus"


Le procès avait montré comment le prêtre, qui savait attirer les jeunes garçons dans son presbytère, profitait de la détresse psychologique de certains d'entre eux. Deux frères dont les parents étaient en instance de divorce et un enfant de la Ddass figuraient parmi les victimes.

Face à l'accusation, les avocats de Jean-Luc Heckner sont peu revenus sur les faits, que le prêtre ne contestait qu'au niveau de certains détails. Ils ont en revanche demandé aux jurés de faire preuve de mesure dans l'énoncé de leur verdict.

"Il faut punir autant qu'il convient, mais pas plus", a dit Jean-Michel Paulus, citant saint Ignace.

"Il ne faut pas faire le procès de l'Eglise, mais le procès d'un homme", a plaidé Thierry Moser en demandant "une peine sévère mais non disproportionnée".

La condamnation doit, selon lui, aider Jean-Luc Heckner à "se redresser". Il a insisté sur "l'accompagnement spirituel" dont bénéficierait le prêtre à sa sortie de prison. Sa hiérarchie avait dit, lors des audiences, qu'il pourrait être accueilli dans une communauté monastique.

"Le Christ condamne les actes mais non les personnes lorsqu'elles se repentent", a ajouté Me Moser.

Qualifié d'être "immature" et "pervers" faisant preuve d'une "absence de spontanéité" selon les experts psychiatres, Jean-Luc Heckner s'est repenti plusieurs fois au cours de son procès, mais sans jamais manifester "la moindre émotion", comme lui en a fait reproche l'avocat général.

Cet homme de corpulence moyenne, chauve et barbu, dont le regard derrière les lunettes est parfois qualifié de "fuyant", a écouté tête baissée le réquisitoire de l'avocat général. Invité à prendre la parole avant que les jurés se retirent, il s'est redressé pour demander "pardon" d'une voix claire et assurée, et dire sa "volonté de ne pas recommencer".