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Par Le National

Ouverture du procès d'un prêtre accusé de pédophilie

par Gilbert Reilhac

COLMAR (Reuters) - La cour d'assises du Haut-Rhin a commencé à juger à Colmar un prêtre de 37 ans, accusé d'agressions sexuelles, de viols et tentatives de viols sur sept jeunes garçons, âgés de 11 à 14 ans, entre 1992 et 1998.

Le père Jean-Luc Heckner avait été mis en examen en août 1998, à la suite d'une plainte déposée par l'une de ses victimes, dans la paroisse d'Oderen, une petite commune située au fond d'une vallée vosgienne, où il exerçait son ministère.

Décrit comme "sympa" et "bon vivant", cet homme chauve et barbu, qui avait gagné la confiance des paroissiens, est accusé d'avoir attiré les jeunes garçons dans son presbytère, en "les laissant jouer sur son ordinateur et en leur offrant des cigarettes", selon certaines de ses victimes qui étaient aussi ses servants de messe.

Les jeux se seraient poursuivis par le visionnage de cassettes pornographiques et des caresses, qui pouvaient être suivies de fellations, voire de tentatives ou d'actes de pénétration.

Ces relations avec de jeunes garçons auraient commencé à Saverne (Bas-Rhin), où Jean-Luc Heckner était devenu vicaire en 1990.

La première matinée du procès, consacrée à la lecture de l'arrêt de renvoi et à l'étude de la personnalité de l'accusé, a montré un homme tiraillé entre des pulsions homosexuelles apparues dès l'adolescence et une vocation religieuse problématique.

Né dans le bassin potassique d'un père mineur et d'une mère au foyer, tous deux engagés dans la vie paroissiale, Jean-Luc Heckner a expliqué devant la cour comment sa "foi du charbonnier" s'était difficilement accommodée des études théologiques au grand séminaire de Strasbourg. Comment aussi, il a pu, durant quatre ans, entretenir, au su de tous, une relation homosexuelle avec un autre séminariste.


"Jésus, tu restes dehors"


"Je jouais sur les mots. On s'engageait dans le célibat, pas forcément dans la chasteté", a déclaré d'une voix chaude et claire le prêtre pour qui, selon les enquêteurs, le choix de la prêtrise constituait un moyen de vivre plus aisément son homosexualité.

A la présidente, Dominique Brochard, qui l'interroge sur la dichotomie apparente entre sa vocation et sa vie sexuelle, l'accusé s'étrangle, puis répond franchement. "La réponse peut paraître choquante, mais à l'époque, c'était arrangeant. Il m'arrivait le soir de fermer la porte et de dire : 'Jésus, tu restes dehors'".

Décrit comme "inhibé" sur le plan des rapports amoureux par l'expert psychiatrique, qui n'a décelé chez l'accusé "aucune anomalie mentale", Jean-Luc Heckner aurait été victime d'un exhibitionniste dans l'enfance.

Sa mère est également venue témoigner à la barre du rôle particulier qui incombait au benjamin de la famille, "un très bon fils, très gentil", né quatre et cinq ans après ses deux frères. "Il remplaçait un peu la fille. C'était le dernier et on n'avait pas de fille", a déclaré Agnès Heckner.

La cour devra par ailleurs s'interroger sur la curieuse négligence des autorités catholiques qui n'ont pas contrecarré la vocation de l'accusé, pourtant décrit dans un rapport comme "peu sérieux voire paresseux dans l'exercice de son ministère".

Informé par le curé de Thann, auprès duquel il avait exercé comme vicaire, de "rumeurs" concernant son comportement avec de jeunes garçons, l'évêque auxiliaire de Mulhouse avait simplement sermonné le jeune curé et l'avait nommé dans la paroisse d'Oderen.

De même la découverte de revues et de cassettes pornographiques dans sa chambre du grand séminaire n'avait donné lieu à aucune suite.

"S'il y avait eu cent candidats, il n'aurait sans doute pas été pris", avait déclaré aux enquêteurs le responsable du service des vocations du diocèse d'Alsace.

La journée de mardi devrait être consacrée à l'audition des membres de la hiérarchie catholique ayant eu à connaître Jean-Luc Heckner. L'archevêque de Strasbourg, Monseigneur Doré, sera auditionné mercredi matin.

 

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