Par Le National
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UN FTM PEUT-IL ETRE GAY ?

"Hétérosexuel ou homosexuel c'est l'ouverture d'esprit et la tolérance qui fera la différence" Nicolas

Interviewer Nicolas m'a semblé la meilleure chose à faire pour parler d'un sujet très peu connu : l'homosexualité chez les FTM (Femme vers Homme). N'étant pas moi-même concerné car hétérosexuel, je le remercie vivement d'avoir pris de son temps pour répondre à toutes mes questions.

Quand as-tu découvert ton orientation sexuelle ? J'ai découvert mon orientation sexuelle homo sûrement en même temps que le désir sexuel lui-même, à la toute pré adolescence. En fait j'ai été bisexuel, c'est à dire que j'ai été amoureux de deux filles tout en fantasmant sur les mecs. Mais dès l'âge adulte, l'attirance pour les mecs a pris nettement le pas sur une hétérosexualité balbutiante.

Ton homosexualité t'a-t-elle causée des problèmes ? Mon homosexualité ne m'a pour l'instant jamais causé de problèmes d'intégration particulière, sûrement en grande partie parce que je fréquente des milieux musiciens et artistiques. De plus ma famille ouverte et intelligente n'a jamais non plus manifesté la moindre hostilité à mon égard. Ma propre attitude, avenante et saine à du jouer en ma faveur.

As-tu eu le sentiment que tu dénotais par rapport aux autres " transsexuels " majoritairement hétérosexuel ? Les FTM hétérosexuels ne font que reproduire dans leur microcosme les différences qui existent déjà dans la société en général. Comme chez eux les hétérosexuels semblent majoritaires, je me trouverais sûrement vis à vis d'eux dans la même situation que vis à vis d'hétérosexuels non transsexuels. Après cela tout est une question d'état d'esprit. Hétérosexuel ou homosexuel, c'est l'ouverture d'esprit et la tolérance qui fera la différence.

Quelle est la réaction du milieu homosexuel à l'égard des FTM gay ? Pour la communauté gay, je dirais là encore que ceux que je connais ne font aucune difficulté, mais je suis conscient qu'il existe des gays " allergiques " aux « transsexuels ». Une question cependant : Ces derniers le sont-ils plus particulièrement vis à vis des MTF

( homme vers femme ), qu'ils connaissent beaucoup mieux en général que les FTM ?

Crois-tu que cela peut être un double problème ( FTM+homosexualité ) ? Je commencerais d'abord en m'attardant quelque peu sur le mot " problème ". Je pense pouvoir affirmer que très souvent un " problème " ne devient tel que parce qu'on le ressent comme tel. Là où le problème devient évident en revanche c'est vis à vis de la société. Mais là encore, j'insiste là-dessus, notre comportement a lui aussi le pouvoir de nous fermer ou au contraire de nous ouvrir des portes.

Penses-tu que certain FTM s'empêchent de vivre leur homosexualité ? Je ne peux évidemment rien affirmer de cela, vu que jusqu'à présent, je n'ai rencontré aucun exemple de ce type. Mais quand on voit à quel point beaucoup de FTM rentrent de plein pied ( sans aucun recul psychologique ) dans les stéréotypes de genre ( probablement par compensation ),on peut présumer que si certains d'entre eux devaient manifester malgré tout des tendances gaies elles se retrouveraient sûrement très mal vécues, voir refoulées.

Est-ce possible d'avoir une vie sentimentale sans phalloplastie ? Ce qui revient à dire est ce possible d'avoir une vie sentimentale sans pénis ? Comme tu parles de vie sentimentale je suppose qu'il s'agit là de relation amoureuse, affective' quelque chose qui dépasse la simple relation physique. Déjà première question : qu'est ce qui séduit chez quelqu'un ? En fait une personne vous séduit le plus souvent ( et là je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de risque d'erreur ) parce qu'elle comble un manque affectif bien sur, la spontanéité, la complicité peuvent jouer'Le physique souvent ne vient qu'après. Alors, bien sur même si le pénis n'est pas forcément la seule chose qui compte il n'empêche que ca compte quand même pour la plupart des amateurs ( trices ) d'hommes ". Même s'il y a assurément des gens qui ne s'intéressent réellement pas au pénis, il s'agit en général soit de bisexuels soit alors de gens présentant un rejet psychologique de l'organe. Quoiqu'il en soit séduire quelqu'un passe d'abord et avant tout par une totale complicité entre nous et notre corps tel qu'il est. C'est peut-être cela le plus dur pour la plupart d'entre nous. Ceci est valable pour tous les milieux, homo ou pas. Il est vrai cependant que vivre une relation sexuelle passive peut arranger beaucoup de choses aussi.

Quand le dire à son ami ? Je considère que quand une relation devient vraiment amicale à un moment ou à un autre il vaut mieux révéler sa «  transsexualité ». Surtout que la grande majorité des gens à qui je l'ai dit n'en a jamais fait un fromage'Mais là encore, il faut bien choisir ses amis (comme les fromages ). De même, il vaut mieux ne pas attendre le dernier moment (au bord du lit ) pour révéler la chose. Le rejet peut être violent. Il vaut mieux ne pas jeter cela d'emblée ( au début de la relation ) à son amoureux, sans quoi il y a là encore des risques. Lors de la rencontre amoureuse, la « transsexualité » oblige tout simplement à garder cette lucidité que tout un chacun devrait avoir avant de s'engager.

Arrives-tu à te considérer comme un homme à part entière ? Dans ma tète c'est « oui » depuis que je pense toutefois pour moi, il y a plusieurs façons d'être garçon ou fille : On est un homme par son apparence, par son psychisme ( le genre ), par la socialisation, par son apparence génitale, sa génétique. J'en oublie peut être ? Vu comme cela je m'estime homme à 3/5 ème. En fait, je pense qu'il vaut mieux se considérer comme ce que l'on a pu devenir de mieux, et vivre comme tel sans forcément chercher à ressembler à ce qui est trop différent de nous. Pour répondre quand même à la question, peut-être faudrait-il élargir tout simplement cette notion d'homme ou de femme afin d'y inclure ces hommes et ces femmes " immigrés " qui n'auront évidemment pas le passé ni certaines sensations ou caractéristiques physiques de leurs pairs mais qui peuvent aussi apporter un sang neuf, des points de vue nouveaux liés à leur propre expérience spécifique.

Le privilége de réplique