Par Le National
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Maintien des élections aux Pays-Bas malgré l'assassinat de Pim Fortuyn

LA HAYE (AFP) - Le gouvernement néerlandais a décidé mardi de maintenir les élections législatives à la date initialement prévue du 15 mai malgré l'assassinat lundi du chef de la droite populiste Pim Fortuyn.

"La démocratie doit continuer" malgré la violence et prévaloir sur elle, a déclaré à la télévision le Premier ministre travailliste Wim Kok. Le gouvernement a pris sa décision après avoir consulté les représentants des principaux partis politiques, dont celui de Pim Fortuyn. Un "consensus suffisant" s'est dégagé pour maintenir les élections au 15 mai, selon M. Kok.

Au lendemain de l'assassinat de Pim Fortuyn, l'onde de choc est immense aux Pays-Bas. "Stupéfaction", titraient à la Une trois des principaux quotidiens néerlandais du matin.

Dans ce pays de 16 millions d'habitants qui s'est toujours fait un point d'honneur de régler ses différends par le dialogue et la recherche patiente des compromis, l'assassinat de Pim Fortuyn, 54 ans, en pleine campagne électorale, a provoqué un véritable séisme politique.

Les mobiles de l'assassinat de cet homme politique controversé, affichant sans complexe son homosexualité, demeurent incertains.

La police a découvert au domicile de l'agresseur présumé des cartouches de même calibre que les douilles retrouvées sur les lieux du meurtre ainsi que de la documentation écologiste. L'organisation "Ecologie offensive", qui défend les droits des animaux, a confirmé que l'homme arrêté par la police, Volkert van der Graaf, 32 ans, avait été l'un de ses militants, particulièrement actif dans la lutte contre la bio-industrie et contre les tests sur les animaux.

Le suspect, qui militait également contre l'agriculture industrielle, avait eu maille à partir dans le passé avec un membre du parti Fortuyn, un éleveur de porc du nom de Wien van den Brink, a précisé un porte-parole du parti.

L'incidence de l'assassinat de Pim Fortuyn sur le comportement des électeurs néerlandais devient à présent la grande inconnue du prochain scrutin. "Les émotions sont tellement fortes que cela pourrait conduire à un résultat faussé", estime Paul Scheffer, analyste politique.

Avant l'assassinat de Pim Fortuyn, tous les instituts de sondage prédisait à son parti une entrée en fanfare au Parlement. En mars, lors des élections municipales, Pim Fortuyn avait raflé 35% des voix à Rotterdam et son parti s'était imposé comme la première formation politique de la grande ville portuaire.

L'ascension de Pim Fortuyn, bâtie sur le thème de la lutte contre l'immigration, a été fulgurante. La "Liste Pim Fortuyn" avait été formée il y a trois mois pour les élections.

A la différence de la plupart des formations de l'extrême droite européenne, elle n'a ni tradition militante, ni enracinement géographique et peu ou pas de cadres expérimentés.

Le numéro deux de la liste Joao Varela doit en principe reprendre les rênes du parti. Ce Néerlandais, d'origine cap-verdienne et de race noire, a exprimé son "complet bouleversement" après l'assassinat de Fortuyn. "C'était une sorte de père pour moi, il m'inspirait, il inspirait tout le pays", a-t-il dit.

Pim Fortuyn, toujours tiré à quatre épingles, roulant dans de somptueuses limousines noires, avait un style flamboyant qui contrastait avec l'allure générale des autres hommes politiques néerlandais, dans ce pays de culture calviniste.

Avec ses opinions tranchées sur les immigrés, la drogue et l'islam "rétrograde", Pim Fortuyn ne laissait personne indifférent. Il se savait menacé, selon des responsables de son parti. "Pim était anxieux. Il avait peur. Il suscitait des sentiments de haine et il en était conscient", a expliqué le numéro trois de sa liste Jim Janssen van Raaij.

Il faut remonter loin dans les annales de l'histoire hollandaise pour trouver un homme politique assassiné en temps de paix. Le dernier date de 1672 quand les frères Cornelis et Johan de Witt, opposants à la maison d'Orange, avaient été arrêtés puis massacrés par une foule d'émeutier.

Le privilége de réplique