Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Les filtres au crible

Un rapport de synthèse publié par une organisation fait le bilan des études sur le niveau d´efficacité des outils de filtrage du Web...

Le rapport n´est pas bien long (une vingtaine de pages) mais il cogne fort ! Le document publié par la NCAC (National Coalition against Censorship) analyse l´efficacité d´une vingtaine de programmes informatiques de filtrage. Des logiciels ou des services de protection des mineurs commercialisés par des fournisseurs d´accès comme AOL. Pour la NCAC, qui fédère cinq associations militant pour la liberté d´expression, la démarche est simple : proposer aux décideurs politiques, mais également au grand public un outil d´évaluation des techniques actuellement à l´œuvre sur la Toile, censées notamment protéger les mineurs d´un contenu jugé offensant. Les exemples égrenés au fil du rapport ne manquent pas de mettre en lumière les incohérences qui résultent de l´adoption de ces technologies. Ainsi, l´un des programmes de filtrage les plus utilisés, Cyber Patrol, bloque l´accès à un site du MIT consacré à la lutte contre la généralisation des brevets dans le secteur informatique, à une partie du site de la ville d´Hiroshima ou encore à des sites consacrés à Vincent Van Gogh !


Un républicain censuré

Dans son introduction, la NCAC met en cause l´évolution des techniques de filtrage. "Avec la croissance de l´Internet (désormais plus d´un milliard de sites web, dont le contenu change quotidiennement) et l´incapacité des sociétés de filtrage de passer en revue et d´évaluer ne serait-ce qu´une fraction du Web, ceux-ci ont eu largement recours à un blocage mécanique par le biais de mots-clefs ou de phrases tels que "over 18", "sex", "breast" ou "pussy"", analyse la NCAC. Selon l´organisme de lutte contre la censure, ce glissement d´une technique de labellisation de nature humaine vers des solutions mécaniques ne pouvait qu´engendrer des dérives... Qui flirtent parfois avec le ridicule. Différentes études ont ainsi révélé le fait que plusieurs logiciels (NetNanny, SurfWatch, Cybersitter et BESS) rendent inaccessible la consultation du site de Richard "Dick" Armey, membre du congrès américain. La raison : les programmes informatiques ont détecté le mot "Dick", surnom du très conservateur homme politique texan... Plus inquiétant, d´autres logiciels, une fois installés, produisent un effet exactement contraire à celui recherché à l´origine : protéger les droits des mineurs en ligne.


Effets contraires

Des programmes bannissent ainsi de la Toile un rapport des Nations-Unies sur l´épidémie du Sida, la déclaration d´indépendance américaine ou encore une brochure de prévention sur les usages de la marijuana éditée par une agence fédérale américaine et destinée aux ados américains. Bref, le monde à l´envers. Selon la NCAC, la question du filtrage est d´autant plus épineuse que son recours est désormais vivement recommandé, depuis l´adoption par le congrès américain du CIPA (Children´s Internet Protection Act) en décembre 2000, dans les bibliothèques publiques et les écoles américaines. Selon les dispositions du CIPA, les institutions refusant de se plier à la loi perdront les subventions fédérales destinées à les aider à s´équiper en matériel informatique. Un ensemble de dispositions qui est vivement contesté par l´American library association (ALA) qui regroupe les bibliothèques, mais également par certaines villes américaines. San Francisco a ainsi récemment décidé de bannir l´usage des filtres des bibliothèques publiques de la cité. Le rapport de la NCAC devrait en revanche y figurer en très bonne place.