Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


«Une femme n¹est rien, une femme lesbienne moins que rien»

Une collaboration spéciale de

GENÈVE € Conférence et manifestation. Les militants pour les droits des minorités sexuelles occupent le terrain. (Par: CORINNE AUBLANC)

Une bonne cinquantaine de sympathisants ont répondu, hier en fin d¹après-midi, à l¹invitation de la Coalition de Genève pour une solidarité avec les lesbiennes, gays, bisexuel-le-s et transexuel-les (LGTB).

Abrités de la pluie sous la fameuse Chaise de la place des Nations, les représentants de diverses associations genevoises et suisses militant pour la défense des droits des minorités sexuelles se sont rassemblés en silence deux heures durant pour exprimer deux requêtes: que la Suisse confère un droit d¹asile aux personnes persécutées du fait de leur orientation ou de leur identité sexuelles et que les instances onusiennes réservent une plus grande attention aux droits de ces populations.

Ceci alors que «les autorités suisses multiplient les déclarations en faveur des minorités sexuelles sur le plan international», relevait Yves de Matteis. A l¹occasion d¹une conférence organisée le matin même au Club suisse de la presse, le délégué aux droits humains de l¹association Pink Cross rappelait la première déclaration officielle de la Suisse en tant que tout nouveau membre de l¹ONU, relative au «peu d¹importance accordé aux minorités sexuelles face aux pressions et aux persécutions» dont elles font les frais.

Me Claudine Ouellet

Entre autres intervenants à la conférence2, la Canadienne Claudine Ouellet, membre de l¹Association internationale des lesbiennes et des gays - qui regroupe quelque 350 membres associatifs dans quatre-vingts pays - et directrice générale de la Coalition gaie et lesbienne du Québec, a fait le point sur la double discrimination liée au statut de femme et de lesbienne. SOIS MÈRE ET TAIS-TOI «Naître femme est considéré comme une tare.» Et la militante des droits humains d¹évoquer les mutilations, les contraintes de reproduction, les mariages obligatoires imposés aux femmes dans certaines régions du globe.

Mais aussi les discriminations véhiculées un peu partout par les clichés sexistes, du type «une femme a moins d¹aptitudes intellectuelles, culturelles, qu¹un homme». De vieux poncifs, mais qui restent bien commodes lorsqu¹il s¹agit de cantonner la femme à la fonction de l¹enfantement. FEMMES AVANT TOUT Ce sexisme, doublé d¹homophobie au regard des femmes vivant une sexualité non conforme au modèle dominant, met ces dernières au ban de la société, résume la conférencière: «Reléguée tout en bas de la pyramide sexiste, la lesbienne est encore moins qu¹une femme.» Sans parler des pays où l¹homosexualité est condamnée pénalement, les pressions, les discriminations, voire les «expéditions punitives» pratiquées en groupe à l¹encontre des lesbiennes ne manquent pas, soulignaient hier les militantes du Centre femmes Natalie Barney.

Perspectives d¹avenir? Mme Ouellet mise sur la constitution de réseaux internationaux de communication et d¹entraide, «sans égard pour les orientations sexuelles». Elle cite notamment la récente action, initiée par les groupes de lesbiennes françaises, qui a entraîné la communauté internationale à réagir face au sort de la jeune Nigériane condamnée à être exécutée par lapidation par le tribunal islamique pour avoir eu un enfant hors mariage à la suite d¹un viol. La femme a été finalement acquittée et, faisant jurisprudence, le tribunal nigérian a déclaré la charia inconstitutionnelle.

A petits pas, la cause progresse. «Un nombre croissant d¹ONG intègrent les problèmes des femmes et des lesbiennes à leurs programmes», poursuit Mme Ouellet. Qui insiste sur l¹importance des liaisons avec les organisations locales. Le but visé étant d¹introduire un amendement à la charte de l¹ONU concernant la définition du droit à l¹égalité: «Tant que la notion d¹égalité ne retiendra pas le concept d¹orientation sexuelle, il n¹y aura pas de politique internationale pour soutenir nos efforts.»

Le privilége de réplique