Par Le National
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Ouverture d'une information judiciaire après une exposition à Bordeaux

BORDEAUX, 16 déc (AFP) - Une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Bordeaux sur plainte d'une association de protection de l'enfance après une exposition l'été dernier au musée d'art contemporain de Bordeaux (CAPC) qui, selon l'association, portait atteinte à la dignité de l'enfance, a-t-on appris samedi de source judiciaire.

L'association La Mouette, basée à Agen, qui a pour mission la protection de l'enfance et la lutte contre la pédophilie, ainsi qu'un père de famille, Olivier Debelleix, ont déposé plainte le 25 octobre, la première avec constitution de partie civile.

L'avocate de l'association, Me Christine Maze, appuie son action sur l'infraction de corruption de mineurs et sur trois articles du nouveau code pénal sanctionnant "tous ceux qui créent et diffusent des images d'enfants qui ont un caractère pornographique, violent ou attentatoire à la dignité humaine".

Cette plainte vise les organisateurs de l'exposition mais aussi les artistes et les oeuvres. L'association estime que certaines images de cette exposition avaient un caractère très violent, pornographique et tendaient à la pédophilie. L'information ouverte cette semaine a été confiée au juge d'instruction Josiane Coll.

Intitulée "Présumés Innocents", l'exposition du CAPC a présenté du 8 juin au 1er octobre 2000, 200 oeuvres, photographies, vidéos et autres installations de 80 artistes internationaux reconnus dont Christian Boltanski, Annette Messager ou Garry Gross.

On pouvait y voir notamment une oeuvre de Garry Gross, "The Woman in the Child", photo de Brooke Shields, alors âgée de 13 ans et "déguisée" en femme ou encore une voiture "Pest Control", de Carsten Holler, sorte de "camion fourrière d'enfants" avec filet et lasso.

"Atteinte à la liberté d'expression"

L'association s'indigne que quelque 1.500 scolaires aient pu visiter cette exposition. Sa présidente, Annie Gourgue, pour qui "les artistes ne sont pas au-dessus des lois", a demandé "la destruction des oeuvres".

"Cette action est une atteinte extrêmement grave à la liberté d'expression, à la dignité de l'artiste, au respect des oeuvres et à la mission des institutions et des intellectuels", a indiqué de son côté à l'AFP, Stéphanie Moisdon-Tremblay, l'une des deux commissaires de l'exposition.

Au CAPC, dont le directeur Henry-Claude Cousseau a quitté ses fonctions pour prendre la direction de l'Ecole nationale des Beaux-Arts, on explique que toutes les précautions avaient été prises.

Une mise en garde d"un demi-mètre de haut" était apposée à l'entrée du musée, "avant les caisses", a-t-on précisé. De plus, l'exposition avait été organisée en concertation avec trois conseillères pédagogiques détachées par l'inspection académique. Enfin, le CAPC précise que les visites des scolaires se faisaient en présence d'adultes et de guides et que "certaines oeuvres étaient évitées".

"Pour une exposition sur l'enfance, il est tout de même logique que les enfants puissent venir", a-t-on ajouté.

Une critique du Monde publiée le 9 juillet affirmait: "les images proposées n'ont rien qui puisse choquer les enfants 'présumés innocents' qui visitent l'exposition, lesquels en ont d'ailleurs vu d'autres, dans le genre vert et pas mûr à la télévision".

Le maire de Bordeaux, Alain Juppé, avait refusé d'assister au vernissage de l'exposition et interdit à ses adjoints d'être présents. Pour la Mouette, la mairie de Bordeaux devra cependant aussi s'expliquer, car "il n'est pas normal qu'une telle expo se déroule dans un lieu public et avec des fonds publics".