Par Le National
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Un évêque français pour la première fois sur le banc des prévenus

CAEN (France), 12 juin (AFP) - Pour la première fois en France, un évêque mis en examen pour non dénonciation des actes pédophiles d'un prêtre condamné en octobre à dix-huit ans de réclusion est jugé jeudi par le tribunal correctionnel de Caen (ouest).

Passible d'une peine allant jusqu'à trois ans d'emprisonnement, Pierre Pican, 66 ans, évêque de Bayeux, en Normandie (ouest), devra expliquer pourquoi il n'avait pas avisé la justice des pratiques douteuses d'un prêtre, René Bissey, dont il était le supérieur hiérachique.

C'est à Mgr Pican qu'avait été révélé en décembre 1996 par l'intermédiaire du vicaire général Michel Morcel le témoignage de la mère d'une victime relatant des actes de pédophilie de l'abbé Bissey sur son fils.

Mgr Pican avait été mis en examen en janvier 2000 pour "non dénonciation" d'atteintes sexuelles et de mauvais traitements sur mineurs de 15 ans en janvier 2000.

Cette mise en examen faisait suite au dépôt en juillet 1999 par un avocat, Me Jean Chevais, de plaintes de plusieurs familles de victimes de l'abbé Bissey, condamné en octobre par la cour d'assises du Calvados pour viol et agressions sexuelles par personne ayant autorité sur mineur de 15 ans.

Selon Me Chevais, Mgr Pican "est coupable d'avoir couvert des faits dont il avait connaissance". Ce à quoi l'avocat de Mgr Pican, Me Thierry Massis, avait répondu lors du procès Bissey que "rien ne s'est passé depuis l'entretien entre Mgr Pican et l'abbé Bissey en 1997 au niveau des faits", et que l'évêque avait "pris un certain nombre de mesures, il n'est pas resté passif".

Selon l'avocat, "est-ce qu'un évêque doit dénoncer son prêtre ?" est la vraie question posée par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel et qui devra être débattue lors du procès.

A la barre comme témoin le 4 octobre à Caen, pendant le procès de l'abbé pédophile, l'évêque avait choqué par son attitude arrogante l'assistance.

Alors qu'il refusait de répondre aux questions relatives à l'instruction en cours, le président du tribunal l'avait interrogé sur une lettre anonyme, adressée au diocèse par l'une des victimes de l'abbé en 1990 et dénonçant les agissements pédophiles d'un prêtre au sein de la paroisse du Chemin Vert à l'époque où s'y trouvait l'abbé Bissey.

Ce à quoi le prélat a répondu qu'il traitait les lettres anonymes "par classement vertical", c'est à dire qu'elle allaient directement à la poubelle, plaidant que le diocèse recevait chaque année une centaine de lettres anonymes.

La réponse avait été accueillie par des soupirs d'indignation et un avocat des parties civiles avait répliqué avoir l'espoir que la centaine de lettres reçues par l'évêque ne comportait pas le même contenu que celle qui lui avait été adressée en 1990.