Par Le National
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Les enseignants décimés par le sida en Afrique australe

JOMTIEN (Thaïlande), 26 juil (AFP) - Le corps enseignant est l'un des plus touchés par la pandémie mondiale du sida qui risque de décimer la profession en Afrique australe au cours des dix prochaines années, avertissent les syndicats de l'éducation.

"Le pourcentage d'enseignants qui sont morts ou porteurs du virus HIV est plus élevé que pour la plupart des autres catégories professionnelles", a déploré jeudi Fred van Leeuwen, secrétaire générale de l'Internationale de l'Education (IE).

L'IE est une confédération des principaux syndicats d'enseignants de la planète, réunis depuis mercredi pour leur 3ème congrès mondial à Jomtien, à 180 km au sud-est de Bangkok. L'IE débat jusqu'à dimanche des impacts de la mondialisation sur l'éducation.

Les menaces de privatisation des systèmes éducatifs publics, la scolarisation et l'alphabétisation pour tous ou encore les défis posés par les nouvelles technologies concentrent l'essentiel des discussions des 1.300 participants de 305 organisations d'enseignants représentant 24,5 millions de membres dans 155 pays.

Mais en dehors de ces chevaux de bataille traditionnels, l'IE s'alarme cette année des effets dévastateurs du sida sur les corps enseignants, surtout dans les pays d'Afrique australe, qui comptent la plus grande proportion de malades et de personnes contaminés de la planète.

35 à 40% des instituteurs et professeurs du secondaire au Botswana sont infectés par le HIV, selon l'organisation internationale, qui relève également les cas du Zimbabwe, de l'Afrique du Sud, du Swaziland, du Malawi, de la Zambie ou encore du Lesotho.

"D'ici dix ans, si rien n'est fait, le corps enseignant aura disparu en Afrique australe", prédit Monique Fouilhoux, responsable de la question du sida à l'IE.

"A cause du sida, il y a d'ores et déjà une pénurie de professeurs", confirme Pitso Mosothoane, représentant de l'association des enseignants du Lesotho, qui revendique 11.000 membres, sur une population totale de 2 millions d'habitants.

Des raisons culturelles, comme "l'abus d'autorité morale des enseignants sur leurs étudiants" ou "le goût de la luxure et de l'aventurisme sexuel" des jeunes générations de professeurs en Afrique australe, sont avancées par les syndicats pour expliquer la forte exposition à la pandémie des personnels éducatifs de cette région.

"Il y a des collègues qui tirent avantage de leur statut pour avoir des relations sexuelles avec leurs élèves", a dénoncé M. van Leeuwen à la tribune du congrès.

Cette année, en partenariat avec d'autres institutions internationales comme l'OMS, ONUSIDA ou l'UNESCO, l'IE entend faire de la prévention contre le sida "une part intégrante des missions d'éducation".

Un manuel de formation et de documentation sur l'éducation à la santé et à la prévention du HIV/sida a été réalisé à cet effet en mars 2001, à destination des syndicats membres de l'Afrique australe.

De fait, les spécialistes de l'éducation soulignent que les questions de sexualité ou de prévention contre le sida grâce au préservatif sont encore timidement abordées dans les salles de classe de ces pays, en raison des résistances traditionnelles des structures familiales et religieuses.

"Il est difficile de parler de sida et de sexe, mais seulement dans les zones rurales", tempère Japhta Radibe, représentant du syndicat des enseignants du Botswana.

"Avant le sida, nous avions déjà une pénurie de professeurs, mais la pandémie l'a aggravée", lamente-t-il.