Par Le National
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Des accusés dans le "procès des homosexuels" dénoncent un "coup monté"

LE CAIRE, 15 août (AFP) - Deux des 52 Egyptiens accusés d'homosexualité dans un luxueux bateau sur le Nil ont affirmé avoir été maltraités en détention, mercredi à la reprise de leur procès devant un tribunal d'exception du Caire, tandis que d'autres dénonçaient un "coup monté".

Plus d'une cinquantaine d'avocats, certains mandatés par une ONG égyptienne pour les droits de l'Homme, étaient venus présenter leurs plaidoiries, alors que le tribunal correctionnel de la Haute Cour de sûreté de l'Etat était investi par environ 400 policiers.

Les accusés, âgés pour la plupart d'une vingtaine d'années, sont entrés dans la salle de tribunal en se couvrant le visage de leur chemise pour échapper aux photographes. Séparés du public par des grilles, la plupart d'entre eux pleuraient et criaient lors de l'ouverture de l'audience.

Deux parmi eux, un médecin et un avocat d'affaires, Me Said Ahmed Kamal, 28 ans, marié, un enfant, ont affirmé à l'AFP avant l'ouverture de l'audience avoir été "violemment battus lors de l'interrogatoire".

"Votre tour ne va pas tarder, car toute cette histoire est fabriquée", a lancé cet avocat à la cinquantaine de ses confrères venus les défendre.

Il a ajouté qu'on leur avait promis lors de leurs interrogatoires de les libérer, s'ils reconnaissaient leur homosexualité.

D'autres prévenus ont déclaré qu'ils avaient été arrêtés hors de la boîte de nuit, où les faits qui leurs sont reprochés auraient eu lieu.

Un des avocats, Me Farid El Dib, a plaidé que les chefs d'accusation ne sont pas du ressort de la cour de sûreté de l'Etat.

"C'est un coup monté", a pour sa part déclaré Achraf, un jeune homme dans l'assistance.

"C'est un bon moyen de détourner l'attention de ce qui se passe actuellement en Egypte, avec la crise économique. Ils auraient pu trouver mieux", a accusé une proche d'un prévenu, faisant allusion à la récente dévaluation de la livre égyptienne.

Avant l'ouverture du procès, le 18 juillet, l'organisation Amnesty international s'était déclarée, "vivement préoccupée" par ces arrestations et avait affirmé que les détenus avaient été "torturés et maltraités".

"La majorité de ces jeunes, sinon tous, sont détenus en raison de leur orientation sexuelle présumée (...) et Amnesty les considère comme des prisonniers de conscience et appelle à leur libération immédiate et inconditionnelle", avait ajouté cette organisation.

A Genève, plusieurs ONG ont manifesté mercredi devant le Palais des Nations pour protester contre le procès. Cinquante deux manifestants, tous vêtus de blanc, ont formé une chaîne pour demander une intervention de la sous-commission des droits de l'Homme de l'ONU, actuellement en session.

Arrêtés le 11 mai au Caire sur un bateau transformé en boîte de nuit, et jugés par une cour dont les verdicts sont sans appel, les accusés risquent jusqu'à 5 ans de prison.

Deux d'entre eux, Chérif Farahat et Mahmoud Ahmed Allam, sont accusés "d'exploiter la religion musulmane pour propager des idées extrémistes, d'introduire des modifications aux versets du Coran afin de mépriser les religions monothéistes et le prophète Mahomet, d'inventer un mode de prière différent de la prière musulmane", selon l'acte d'accusation.

Les 50 autres sont accusés de "faire des pratiques homosexuelles un principe fondamental de leur groupe afin de créer des dissensions sociales, et de s'être adonnés à la débauche avec des hommes", selon la même source.

Cinq d'entre eux sont des militaires, ont déclaré les avocats, sans divulguer leurs identités.

L'homosexualité ne figure pas parmi les crimes sexuels évoqués explicitement par la loi égyptienne, qui est fondée sur la charia (la loi islamique).

Mais plusieurs législations incriminant les pratiques portant atteinte aux moeurs peuvent s'appliquer à l'homosexualité, à condition que de tels actes soient prouvés, selon des juristes égyptiens.

La prochaine audience a été fixée au 29 août.