Par Le National
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DHEA : une prescription à problème

Depuis qu'un fournisseur a annoncé l'importation massive de DHEA en France courant juin, on reparle beaucoup de cette molécule. Son statut reste flou, puisqu'elle n'est pas considérée comme un médicament, mais sa délivrance par les pharmacies ne peut se faire que sur prescription médicale. Or, les études sont insuffisantes pour permettre à un médecin de la prescrire à bon escient...


La DHEA n'est pas considérée comme un médicament ni comme un complément alimentaire. L'Afssaps la définit comme un produit en vrac dont la distribution n'est pas interdite ! En clair, cela signifie que le pharmacien peut l'inclure dans une préparation magistrale, à la condition qu'elle soit prescrite par un médecin. Or, comment presrire une substance dont on ne connaît que très partiellement les bénéfices et les inconvénients ? Une étude réalisée sur un an par les professeurs Etienne-Emile Baulieu et Françoise Forette a démontré que la DHEA entraîne une hausse de la densité osseuse uniquement chez les femmes, et permet une augmentation de la libido chez les femmes de plus de 70 ans. Une action positive est retrouvée dans les deux sexes concernant la peau, avec une meilleure hydratation et une production de sébum augmentée. Parallèlement à ces données, il y a de nombreux éléments qui restent indéterminés : à quelle posologie prescrire la DHEA, devant quelles indications et quelles contre-indications, quels sont les effets sur l'organisme de son administration au long cours, la DHEA a-t-elle des effets sur la mémoire, l'immunité ou entraîne-t-elle un risque de cancer ? La position du médecin prescripteur est difficile à tenir : il subit une pression de ses patients qui veulent bénéficier de la "pilule de jeunesse", eux-mêmes incités par certaines officines pharmaceutiques qui n'hésitent pas à afficher sur leur devanture "DHEA en vente ici". Mais comment prescrire un produit dont on ignore l'essentiel ? Le professeur Françoise Forette estime qu'il est nécessaire de réaliser une étude sur 5000 personnes sur une durée de 5 ans pour répondre aux diverses questions concernant ce produit. Or, cette étude n'est prévue par aucun laboratoire pharmaceutique pour l'instant ...

Le conseil de l'Ordre des Médecins a recommandé aux praticiens de s'abstenir de prescrire cette molécule, même devant la demande incessante d'un patient : la pratique de la médecine repose sur des preuves et non sur de l'empirisme, pour le bien du patient ; par ailleurs, une telle prescription engage la responsabilité du médecin : on ne peut engager sa propre responsabilité sur des incertitudes et des approximations.