Le Conseil de Presse Gai du Québec
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Montréal, le 30 janvier 2000

OBJET: Plainte de Monsieur Martin Chartrand contre Vice Magazine pour récidive.

COMMUNIQUÉ

Lors de son assemblée régulière du 27 janvier 2000, le Conseil de Presse Gai du Québec a étudié une plainte contre Vice Magazine suite à la publication à nouveau d'une photo de Monsieur Chartrand associée à un texte agressant pour la communauté gaie et ce, malgré un blâme sévère du Conseil en 1999 pour la même chose.

Dans sa plainte, le demandeur écrit: «(sic) Suite à la parution de l'édition (vol. 9 #6), j'ai constaté à la page 25 de celle-ci le "Vice guide to homophobia". Cette page recèle plusieurs références, bouts d'articles concernant ma précédente plainte au CPGQ et la décision du Conseil à l'égard de ma précédente missive. Les éditeurs de Vice ont republiés la photo et des extraits de l'article litigieux en question lors de la plainte précédente et ce, non pour s'en excuser mais plutôt pour renchérir.
Ce même article tourne en dérision tout ce que j'ai tenté de faire en essayant d'obtenir réparation (des excuses publiques) en déposant ma première plainte au CPGQ.
Donc, je considère qu'il est d'autant plus diffamatoire que le précédent qu'il nécessite un jugement encore plus sévère et par conséquent plus grande réparation...»

D'abord, il faut tout de suite replacer dans son contexte cette première plainte de Monsieur Chartrand. En 1999, le Magazine Vice, ayant une place d'affaire à Montréal mais distribué au Canada, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, publiait une photo du plaignant accompagnée d'un texte ayant pour titre "Stupid gay idiot". Le Magazine Vice avait publié cette photo sans l'autorisation du plaignant et profitait de l'occasion pour l'humilier sur son apparence physique.

À l'étude de la première plainte, le Conseil avait déterminé qu'il n'avait pas juridiction quant au droit à l'image et à la vie privée du plaignant en blâmant toutefois le Magazine Vice pour avoir associé un texte dégradant pour la communauté gaie à la photo du plaignant.

Quelques jours après l'envoi de la décision du CPGQ à Vice Magazine, le Conseil recevait un appel de New-York, de l'éditeur de Vice qui souhaitait s'informer de nos mesures d'appel, des délais et s'entretenait ainsi avec le secrétaire pendant près de 45 minutes. L'éditeur en a aussi profité pour ridiculiser le travail du CPGQ et en nous servant quelques commentaires sur notre méconnaissance de la langue anglaise. L'éditeur de Vice ajoutait toutefois qu'il s'excuserait au plaignant dans une prochaine édition.

Le Conseil n'a finalement jamais reçu d'appel de la part de Vice et a fermé le dossier.

RÉCIDIVE
Dans un courriel du 19 novembre 1999, le Conseil apprenait que Vice magazine récidivait à l'endroit du plaignant en publiant à nouveau sa photo, sans son autorisation, avec le même titre mais en indiquant à ses lecteurs comment traiter les demandes du Conseil de Presse Gai du Québec et en incitant ses lecteurs à mentir dans leurs explications éventuelles.

Le 19 novembre 1999, le Magazine Vice était informé de l'existence de cette nouvelle plainte et était invité à nous expliquer sa position en nous donnant encore une fois sa version des faits. Contrairement à la première fois, Vice a choisi de ne pas collaborer, la décision du CPGQ sera donc sans appel.

RECEVABILITÉ
Le Conseil a d'abord statué sur la recevabilité de la plainte et les membres ont lu attentivement le dossier antérieur de même que la nouvelle plainte de Monsieur Chartrand accompagnée du nouvel article.

Il y a alors eu un long débat à savoir si le Conseil avait à traiter une récidive et si le simple fait de maintenir le premier blâme serait suffisant. Certains membres souhaitaient réitérer la décision antérieure alors que d'autres proposaient une étude complète du dossier et un traitement de cette récidive d'un point de vue éthique.

Comme le principal but du Conseil de Presse Gai du Québec est de faire de l'éducation, un membre a demandé un vote afin de déterminer si le Conseil se donnait le droit de traiter cette plainte d'un point de vue éthique même s'il s'agissait d'une récidive. À l'unanimité, le Conseil a décidé de poursuivre l'étude de la plainte de Monsieur Chartrand vu l'importance et les conséquences du comportement éditorial de Vice.

ÉTUDE DU DOSSIER
Le Conseil a ensuite étudié la plainte tant sur une question éthique que sur la question de la récidive en se questionnant sur les véritables raisons de la publication d'un tel matériel par Vice sachant que le plaignant subit des dommages évidents à son image et que les tribunaux, depuis le dernier arrêt de la Cour Suprême du Canada en la matière, accorde des dommages allant de 5000$ à 60,000$ pour la publication de photos sans le consentement des sujets. Comme nous n'avions aucun commentaire de Vice, il a été impossible de connaître la réponse à cette question. Le Conseil soulève toutefois les autres questions suivantes:

 Pourquoi attaquer ainsi un individu qui indique clairement son désaccord quand à  l'utilisation de son image personnelle et le déclarer gai sans savoir si le lecteur est gai  et sans se soucier des conséquences de cette affirmation sur sa vie personnelle et  professionnelle?

 Pourquoi s'en prendre au CPGQ alors que les inquiétudes du plaignant sont légitimes  et qu'il le manifeste très clairement?

Le Conseil a ensuite commenté ainsi la récidive de Vice:

 Vice magazine semble se moquer totalement du plaignant et du Conseil de Presse Gai  du Québec en ne disant pas toute la vérité dans son second texte.

 Les membres du Conseil se sentent concernés individuellement par l'article de Vice  mais aussi comme membres de la Communauté gaie et lesbienne.

 Le Conseil note une certaine homophobie de la part des auteurs du texte et déplore  qu'on veuille faire de ce dossier, du moins pour Vice, un débat linguistique autour des  "véritables intentions".

 On semble attaquer le Conseil plutôt que de traiter des questions soulevées par le  plaignant.

DÉONTOLOGIE
Le Conseil de Presse Gai du Québec base ses décisions sur les guides déontologiques en application au Québec et, souhaitait ici informer les auteurs des articles sur Monsieur Chartrand qu'il existe des règles quant au traitement du matériel journalistiques publié au Québec dont quelques-unes interpellent directement Vice Magazine:

Guide de déontologie de la Fédération Professionnelle des Journalistes du Québec.
1. Définition
Dans ce Guide le terme "journaliste" réfère à toute personne qui exerce une fonction
de journaliste pour le compte d'une entreprise de presse. Exerce une fonction de
journaliste la personne qui exécute, en vue de la diffusion d'informations ou
d'opinions dans le public, une ou plusieurs des tâches suivantes : recherche de
l'information, reportage, interview; rédaction ou préparation de compte rendus,
d'analyses, de commentaires ou de chroniques spécialisées; traduction et adaptation
de textes; photographie de presse, reportage filmé ou électronique; affectation,
pupitre (titrage, mise en pages...), correction des textes; dessin de caricatures sur
l'actualité; dessin et graphisme d'information; animation, réalisation ou supervision
d'émissions ou de films sur l'actualité; direction des services d'information, d'affaires
publiques ou de services assimilables.

2. Valeurs fondamentales du journalisme
Les journalistes basent leur travail sur des valeurs fondamentales telles que l'esprit
critique qui leur impose de douter méthodiquement de tout, l'impartialité qui leur fait
rechercher et exposer les divers aspects d'une situation, l'équité qui les amène à
considérer tous les citoyens comme égaux devant la presse comme ils le sont devant
la loi, l'indépendance qui les maintient à distance des pouvoirs et des groupes de
pression, le respect du public et la compassion qui leur font observer des normes de
sobriété, l'honnêteté qui leur impose de respecter scrupuleusement les faits, et
l'ouverture d'esprit qui suppose chez eux la capacité d'être réceptifs aux réalités qui
leur sont étrangères et d'en rendre compte sans préjugés.

3. Vérité et rigueur
3 a) Les journalistes ont l'obligation de s'assurer de la véracité des faits qu'ils
rapportent au terme d'un rigoureux travail de collecte et de vérification des
informations. Ils doivent corriger leurs erreurs avec diligence et de façon appropriée
au tort causé.

3 b) Les journalistes doivent situer dans leur contexte les faits et opinions dont ils
font état de manière à ce qu'ils soient compréhensibles, sans en exagérer ou en
diminuer la portée.

3 c) Les titres et présentations des articles et reportages ne doivent pas exagérer ni
induire en erreur.

3 d) Les journalistes doivent départager soigneusement ce qui relève de leur opinion
personnelle, de l'analyse et de l'information factuelle afin de ne pas engendrer de
confusion dans le public. Les journalistes s'en tiennent avant tout au compte rendu
précis des faits. Dans les genres journalistiques comme les éditoriaux, les chroniques
et les billets ou dans le journalisme engagé, où l'expression des opinions prend une
large place, les journalistes doivent tout autant respecter les faits.

3 e) Une rumeur ne peut être publiée sauf si elle émane d'une source crédible, et si
elle est significative et utile pour comprendre un événement. Elle doit toujours être
identifiée comme une rumeur. Dans le domaine judiciaire, la publication de rumeurs est
à proscrire.

3 f) Les journalistes doivent respecter fidèlement le sens des propos qu'ils
rapportent. Les citations, les rapprochements, les ajouts sonores, etc. ou leur
séquence ne doivent pas dénaturer le sens de ces propos.

3 g) Photos, graphiques, sons et images diffusés ou publiés doivent représenter le
plus fidèlement possible la réalité. Les préoccupations artistiques ne doivent pas
conduire à tromper le public. Les photomontages doivent être identifiés comme tels.

3 h) Les journalistes ne doivent pas se livrer au plagiat. Si ils reprennent une
nouvelle exclusive qui vient d'être publiée ou diffusée par un autre média, ils doivent
en identifier la source.

8. Droits de la personne
Les journalistes doivent accorder un traitement équitable à toutes les personnes de la
société. Les journalistes peuvent faire mention de caractéristiques comme la race, la
religion, l'orientation sexuelle, le handicap, etc. lorsqu'elles sont pertinentes.

Mais ils doivent en même temps être sensibles à la portée de leurs reportages. Ils
doivent éviter les généralisations qui accablent des groupes minoritaires, les propos
incendiaires, les allusions non pertinentes à des caractéristiques individuelles, les
préjugés et les angles de couverture systématiquement défavorables qui pourraient
attiser la discrimination. Ils seront particulièrement attentifs à ce qui pourrait provoquer
des réactions racistes, sexistes, homophobes, etc.

Lors de l'appel du vote, le Conseil devant l'ensemble de ce dossier et devant le traitement qu'a choisi de donner Vice Magazine aux préoccupations de Monsieur Chartrand, a décidé à l'unanimité, de BLAMER Vice Magazine pour avoir récidivé dans l'utilisation de termes pouvant porter au mépris contre la communauté gaie et lesbienne dans son ensemble et particulièrement contre Monsieur Martin Chartrand.

Comme le Conseil n'a pas reçu la collaboration de Vice Magazine pour l'étude de cette plainte, la décision est sans appel.

Pour connaître le mandat du Conseil de Presse Gai du Québec et nos procédures en général, nous vous invitons à visiter notre site web au: http://www.lenational.qc.ca/cpgq.html

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