Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


CONTRE L'EXCLUSION

Notre société, érigeant, selon certains, le mariage comme modèle absolu d'union entre deux personnes et lui accordant de nombreux avantages, crée des situations d'exclusion. Elle ne répond pas en cela à l'idée républicaine de l'égalité entre tous les citoyens (citoyen : membre d'un Etat, considéré du point de vue de ses devoirs et droits civils et politiques -Larousse 1997-).

Depuis une trentaine d'années, les notions de rapports entre personnes, dans le couple marié, ont beaucoup évolué dans la société française (contraception, IVG, divorce par consentement mutuel...) En général, la loi a pris en compte cette évolution, mais peu en ce qui concerne les couples non mariés.

La définition de la famille a cependant évolué. L'Etat doit en tenir compte. Le désir de stabilité dans une vie à deux a pu se développer, le plus souvent dans l'union libre, par choix ou par obligation. L'union libre concerne désormais un nombre important de citoyens, dont les homosexuel(le)s. L'idée principale que défend la majorité des associations homosexuelles est celle de la non-exclusion, de la non-discrimination, et de l'égalité de tous devant la loi. En ces premiers mois de l'année 1998, la demande de reconnaissance du couple gay tient sa place dans l'actualité, mais qu'en est-il dans les faits ?

Les plus marquantes décisions des divers gouvernements des années 80 restent : l'abaissement de l'âge de la majorité sexuelle à 15 ans, quel que soit le choix de sexualité; l'arrêt du fichage systématique des homosexuels; la dénonciation par la France du texte de l'OMS classant l'homosexualité au rang des maladies; la dépénalisation des relations homosexuelles; l'abandon de la notion de « bon père de famille » pour les locataires; face au sida et aux problèmes dus à la maladie, la Sécurité Sociale accepte comme ayant droit une personne de même sexe résidant sous le toit de l'assuré... Ces actes concernent plus l'individu que le couple.

Dans leur grande majorité, les homosexuels remplissent leurs devoirs de citoyens. Ils cotisent à des caisses d'allocations familiales ou de veuvage dont ils ne profiteront jamais. Leur retraites font rarement l'objet de réversion. Ils appartiennent à la catégorie la plus taxée par l'impôt : celle des célibataires. Face à cela, les droits qui leur sont accordés ne le sont souvent qu'à la suite de longues procédures administratives. Air-France, par exemple, a ouvert ses tarifs-couples aux concubins de même sexe, mais sur présentation d'un certificat de vie commune. Or, ces derniers ne sont pas facilement accordés, la plupart des mairies rejetant toute idée quant à leur délivrance. Autant dire rien de bien concret... De plus, les employés d'Air France ne bénéficient pas de ces avantages accordés à la clientèle. Les revendications homosexuelles peuvent sembler très matérielles; pourtant, c'est au nom de leur liberté que les gais se battent, non pas celle de choisir leur sexualité, mais tout simplement de pouvoir assumer ce qu'ils ne peuvent éviter. A la Gaypride de 1997 (marches de la fierté homosexuelle), on pouvait entendre ce slogan : « On ne peut être fier d'une chose que l'on a pas choisie, mais on peut être fier de l'assumer. » Pour beaucoup de lesbiennes et de gays, l'homosexualité a été combattue, refoulée, pour apparaître un jour comme la seule solution viable, l'autre alternative étant trop souvent le suicide, surtout chez les jeunes.

Encore une fois, il ne s'agit pas de revendiquer un mariage gay, mais de combler un vide juridique. Ce progrès législatif pourrait signer une meilleure acceptation de la différence. Il revient à nos gouvernants de faire le premier pas dans cette direction.