Par Le National
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Le "Barebacking" est maintenant la norme chez les homosexuels new-yorkais

NEW YORK, 14 avr (AFP) - Le port du préservatif recule dans les milieux homosexuels new-yorkais, de nombreux jeunes gens n'ayant plus vraiment conscience de prendre un risque, choisissent de l'ignorer ou font excessivement confiance à la médecine.

Cette baisse de vigilance inquiète les associations de lutte contre le sida, qui redoutent à terme un accroissement du nombre des contaminations.

"Le «barebacking» (sodomie sans préservatif) est un problème dramatique en général et à New York en particulier", assure Eric Sayer, co-fondateur d'Act Up New York.

"Cette seconde vague est due à l'ignorance des jeunes homosexuels. La majorité d'entre eux, particulièrement les Hispaniques et les Noirs, croient que les nouveaux traitements vont les sauver. Ils ont une attitude suicidaire. Ils pensent «Si j'ai le sida, je n'ai qu'à prendre le cocktail+", ajoute-t-il en évoquant les trithérapies.

Il cite une étude récente du Centre pour le contrôle des maladies (CDC, à Atlanta) "sur un échantillon de 10.000 jeunes homosexuels new-yorkais (dont) plus de la moitié assure avoir pratiqué le «barebacking» en l'espace de quelques mois".

Ces chiffres montrent une progression par rapport à l'étude réalisée dans la communauté gay de New York en 1999 par l'association GMHC (Gay Men's Health Crisis). Sur 7.000 homosexuels interrogés à l'époque, 39% avaient indiqué se passer parfois de préservatif.

"Il y a des soirées «barebacking» à New York, mais ce ne sont pas des pièges", assure Mark Milano, membre d'une association de lutte contre le sida et lui-même séropositif. "L'attitude des organisateurs est simple: les gens sont adultes, ils font leurs propres choix. Nombreux sont ceux qui ne veulent pas être ennuyés par le préservatif. Ils en ont marre".

Ces soirées où les préservatifs sont proscrits ont lieu dans des backrooms, des saunas, des clubs privés ou des appartements new-yorkais. On peut trouver les adresses sur certains sites internet, dans des revues spécialisées ou dans certains bars.

A l'entrée, les règles sont simples: pas de vêtements, pas de préservatifs, pas de questions sur le sida et la séropositivité. Chacun reste anonyme et peut avoir un ou plusieurs partenaires. Ici, certains séronégatifs jouent à la roulette russe avec des partenaires séropositifs.

Selon Ryan Kull, co-directeur d'un programme de l'Université Columbia Gay Health Advocacy Project (GHAP), et animateur du site internet consacré aux problèmes de santé des homosexuels Body.com, il arrive même que "des homosexuels séronégatifs, surnommés «Bugchasers» (chasseurs de virus) aillent dans des soirées barebacking ou rencontrent quelqu'un sur l'internet en sachant qu'ils peuvent contracter le virus, ou dans l'espoir d'être contaminé. Je pense que c'est de l'auto-destruction".

"C'est un problème assez complexe, tant sur le plan psychologique que sociologique, qui suscite une forte controverse dans la communauté homosexuelle. Ces gens ont du mal à faire la différence entre leurs fantasmes et la réalité. Le fait que ces soirées soient clandestines pimente leurs fantasmes", ajoute-t-il.

Sur son site internet, un jeune séronégatif de 23 ans qui signe JH écrit: "Confiance en la médecine ou simplement le plaisir qui prend le dessus ? La différence se fait purement dans la tête, et cela surpasse largement n'importe quelle raison".