Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Le National et le Conseil de Presse Gai du Québec au poste de radio CKAC; comment se sent la communauté gaie et lesbienne face à l'annonce de Statistiques Canada d'une question portant sur l'orientation sexuelle de tous les canadiens dans le prochain recensement de l'an 2001?


Gilles Proulx

Consulté par Gilles Proulx, animateur au Journal du midi à CKAC sur cette question, voici ce qu'avait à déclarer le journaliste Roger-Luc Chayer, Éditeur du National et Secrétaire du Conseil de Presse Gai du Québec:

Présentation du sujet et de l'invité par Gilles Proulx: Incroyable, Statistiques Canada se fait de plus en plus curieux. Statistiques Canada, qui confie justement à des chiffres à savoir combien sommes-nous? Combien nous gagnons? Quel âge avons-nous? faisons-nous de l'embonpoint ou pas? veut savoir combien il y a de gais au Canada. On dit que jamais dans l'histoire du recensement, la population du Canada n'a été consultée jusqu'à l'orientation sexuelle. Une réaction de Roger-Luc Chayer, qui est Éditeur du journal National et Secrétaire du Conseil de Presse Gai du Québec. Monsieur Chayer bonjour...

RLC: Bonjour Monsieur Proulx.

GP: Vous n'êtes plus fâché contre moi au moins Monsieur Chayer, ça va bien?

RLC: Mais je ne l'ai jamais été, c'est ça qui est formidable... (rires)

GP: C'est extraordinaire mais Monsieur Chayer, enfin c'est pas moi qui doit poser les questions au nom de Statistiques Canada. Le recensement n'a jamais auparavant demandé aux couples gais et aux lesbiennes de s'identifier. Vous trouvez pas que c'est aller un peu loin dans la vie privée?

RLC: Je trouve que Oui! La réponse c'est Oui! Je trouve qu'on embarque ici dans une question fondamentale au niveau de la vie privée justement... C'est que... Comment est-ce qu'on va réussir à obtenir cette déclaration-là de la part de tous les Canadiens et Canadiennes et comment est-ce qu'on va arriver à se servir de ces résultats-là pour quoi que ce soit puisque les gens ne déclarent pas leur homosexualité ou leur lesbianisme en général?

GP: Oui c'est peut-être le risque, les gens ne répondent pas tout à fait, il y aura bien de "je ne sais pas" dans le résultat mais par contre, si Statistiques Canada fait ça, est-ce que c'est pas justement pour voir le poids réel que vous représentez dans une société parce que, avec des "à-peu-près-ismes" on dit que vous êtes 10% d'autres fois 8% d'autres fois 12% dans la population et il faut tenir compte de ce poids. Les politiciens en savent quelque chose... Ils participent à vos défilés. Alors est-ce que c'est pas une façon pour Statistiques Canada de savoir le poids réel et ainsi peut-être orienter les politiciens dans leur comportement face à la communauté gaie et lesbienne?

RLC: Oui c'est probablement l'objectif que Statistiques Canada veut avoir avec ça c'est de pouvoir avoir un chiffre pour voir si les subventions et les services offerts aux gais et lesbiennes correspondent à leur présence démographique, à leur poids démographique. Toutefois, ce qui m'inquiète dans ça, c'est qu'on oublie que souvent la question homosexuelle est associée à la question SIDA et quand on sait que Statistiques Canada va faire ce recensement-là à la demande des compagnies d'assurance, des ministères de la justice, on voit que ça va servir des intérêts qui ne sont pas nécessairement sympathiques aux gais. Ça serait facile de dire que bon, il y a 5% des Canadiens qui se déclarent gais ou lesbiennes, avec leur nom et évidemment, ces gens-là seraient plus susceptibles d'être scruter quand ils vont faire des demandes de couverture d'assurance.

GP: C'est un point de vue mais par ailleurs le poids, si on a vraiment le poids parce qu'on galvaude des chiffres. Parfois on dit que vous êtes 5%, des fois c'est 10 et d'autres fois c'est 12%. D'après vous là, vous n'avez pas de moyens scientifiques de vérifier, d'après vous, vous êtes quand même au Conseil de Presse Gai du Québec et l'Éditeur d'un journal, vous êtes combien en pourcentage au Québec?

RLC: C'est impossible à savoir Monsieur Proulx.

GP: À peu près? non?

RLC: Impossible. Il n'y a aucune méthode qui existe... Nous ce qu'on arrive à savoir c'est les grandes concentrations de gais au Québec, on sait où elles sont ces concentrations-là puisque les envois postaux des médias gais se font par codes postaux. On sait par les abonnements, principalement, où se retrouvent les gais et lesbiennes mais ça c'est ceux simplement qui connaissent les médias et qui s'y abonnent.

GP: Oui mais quand on voit un maire, des candidats à la mairie participer à vos défilés ça prouve une chose c'est que vous commencez à avoir du poids dans l'opinion publique. C'est peut-être ça que voudrait savoir Statistiques Canada...

RLC: hum... si on a du poids dans l'opinion publique moi je sais qu'au dernier défilé et l'autre avant aussi, les gens étaient là soit pour se faire réélire ou soit pour attirer des touristes et simplement motiver les subventions qu'ils donnent au défilé de la fierté gaie.

GP: Vous ne les trouvez pas opportunistes ces politiciens qui participent à vos fêtes qui, somme toute en privé, peut-être se paient vos gueules mais participent pour recueillir les votes parce qu'ils ont un candidat dans votre quartier? Est-ce que c'est pas de l'opportunisme?

RLC: Dans certains cas c'est évident. La majorité des politiciens qui étaient là au défilé c'était des gens qui étaient très très sensibles à la question des homosexuels mais pour certains cas, c'est évident qu'on se demandait ce qu'ils faisaient là... Quant à la question de la représentativité des gais et lesbiennes au Québec, je pense qu'en partant, le système et l'investissement que va faire Statistiques Canada dans ça est voué à un échec total puisque cette question-là, les gens vont devoir y associer leur nom. C'est comme faire un "outing" si vous me permettez l'expression anglaise, un "outing" autorisé, politique... Et je voudrais bien savoir moi au Parlement fédéral, à l'Assemblée Nationale du Québec combien de députés vont se déclarer homosexuels ou lesbiennes.

GP: Bonne question. En un mot vous croyez que l'aspect de la vie privée va l'emporter et les résultats ne seront pas très justes?

RLC: Mais, je pense que les résultats que Statistiques va obtenir seront absolument non valide et vont représenter simplement les gens qui ont voulu répondre et je pense qu'on ne pourra jamais se fier à ça. Ce qui va arriver par contre, c'est que justement les gens qui ont un intérêt à avoir un chiffre vont se servir de ce chiffre-là, qui va être déjà floué en partant, et ça va causer toutes sortes de problèmes.

GP: Merci beaucoup Monsieur Chayer.

RLC: Bienvenue.

GP: Roger-Luc Chayer c'est cet éditeur du journal National, un journal qui est destiné à la communauté gaie et lesbienne et Secrétaire du Conseil de Presse Gai du Québec.