Par: Le Groupe National - Carle Jasmin
Culture
Autrefois le plus jeune chef d’orchestre au Canada et plus jeune
corniste international
Découverte: Roger-Luc Chayer, éditeur...
Par: Carle Jasmin Photo: Collection personnelle de Roger-Luc Chayer
“Cet artiste absolument insurpassable déversait, avec une générosité
sans exemple, l’or de ses notes qui paraissaient couler d’une corne
d’abondance”, voilà comment Daniel Rolland, journaliste pour
Le Musicien Québécois passé à Fugues depuis, présentait
Roger-Luc Chayer, alors musicien, loin de savoir qu’il deviendrait éditeur
de la revue Le Point des années plus tard.
Car pour jouer du cor et diriger des orchestres symphoniques à un si
jeune âge, il faut avoir le sang chaud ou franchement, posséder
un talent exceptionnel. “ Je n’ai jamais été capable
de concevoir une seule seconde que je puisse avoir un talent quelconque. Je
suis de ceux qui tavaillent des heures, des semaines pour avoir des résultats.
Si je n’avais qu’un seul talent, il serait d’être capable
de prendre les décisions appropriées au bon moment c’est
tout”, déclare l’actuel éditeur de la revue Le Point
en parlant de son passé.“Il y a des musiciens pour qui le passage
de l’apprentissage d’un instrument à la capacité d’obtenir
une certaine reconnaissance se fait très facilement, parce qu’ils
ont un don, une oreille absolue ou une autre distinction qui leur facilite la
tâche. Je n’avais aucun autre don que celui de savoir exactement
ce que je voulais et quel moyen prendre pour y arriver. Contrairement à
de nombreux jeunes d’aujourd’hui, le fait de ne pas avoir consommé
de drogues ou d’alcool dans ma jeunesse a certainement contribué
à me permettre de focusser sur mes objectifs”
Corniste débutant à la polyvalente Henri-Bourassa classique de
Montréal-Nord, dans la classe de Lise Chayer (aucun lien de parenté
malheureusement), le jeune Chayer prenait très au sérieux le fait
d’avoir entre les mains un instrument aussi rare et noble que le cor.
Pour pratiquer encore plus son instrument, en dehors des heures d’école,
Roger-Luc participait à de nombreux groupes de jeunes, toujours dans
des formations musicales bien entendu.
Les cadets de la marine de Montréal-Nord (fanfare), les cadets de la
mer de Rivières-des-Prairies (fanfare), Les Arc-en-ciels de Montréal-Nord
(marching band de compétition) et les Rythmiks de Montréal (fanfare
très sérieuse), son horaire était dédié presqu’exclusivement
à la musique avec des répétitions tous les soirs de la
semaine et un week-end sur deux. “ La jeunesse aide beaucoup en matière
d’énergie à pouvoir donner à une cause qui nous intéresse
vraiment. Aujourd’hui je ne pourrais même pas faire 10% de ce que
pouvais faire à l’âge de 11 ans. En rétrospective,
je pense que mon temps a bien été géré comme enfant.
Je ne me retrouvais jamais dans des histoires de délinquance, je ne suis
pas certain que la musique y soit pour quelque chose mais j’ai la certitude
que d’occuper 100% du temps d’un ado à quelque chose d’aussi
passionnant que la musique classique ne peut que lui permettre d’éviter
les pièges de la drogue et des autres troubles sociaux”, déclare
Roger-Luc l’air pensif et moqueur.
“J’avais 16 ans, j’étais sur le point de terminer
mes études au secondaire et je sentais que ce qui se passait entre mes
parents me nuisait et pouvait potentiellement me faire prendre des chemins moins
élégants que ceux qui me caractérisaient depuis mon enfance.
Je ne voulais pas perdre de temps ni perdre ma concentration, je devais quitter
la maison si je voulais continuer mes études sérieusement au collège”
Roger-Luc Chayer a donc fait son entrée au collège Marguerite-Bourgeois
en musique et par la suite, au collège Vincent d’Indy. Avant même
de finir ses premières sessions de CEGEP, Roger-Luc passait des auditions
au Conservatoire de musique de Montréal et participait à tout
ce qui existait comme orchestre et qui nécessitait un cor. “J’aimais
bien mes collèges mais ça me coutait un bras en frais de scolarité.
Pas de parents payeurs et consacrant 100% mes prêts et bourses à
mes frais de scolarité, j’en ai eu assez de manger du Kraft dinner,
je devais absolument aller dans le système public, gratuit, pour continuer”.
Mais manque de peau, Roger-Luc, malgré quatre auditions, n’a jamais
réussi à faire son entrée au Conservatoire de Montréal.
“Si j’avais eu comme professeur privé un prof du Conservatoire,
j’aurais probablement été accepté mais qui dit prof
privé dit fric pour le payer, je n’avais tout simplement pas les
moyens”.
La musique classique a ceci de magique, c’est qu’elle peut être
étudiée et pratiquée partout dans le monde et ne se limite
pas à une mode ni à un concept local. Dès la fin de sa
seconde session à Vincent d’Indy et à la réception
de sa bourse du Québec, le jeune Chayer est immédiatement parti,
le cor sous le bras et avec une seule petite valise, faire le tour de l’Europe
pour se dénicher un petit conservatoire. Auditions à Bruxelles
(Belgique), à Paris et à Nice (sud de la France), il a été
accepté partout.
“J’avais le choix mais il y avait un endroit qui m’avait particulièrement
attiré à cause de la chaleur de l’accueil que j’y
avais reçu. Le Conservatoire National de Nice et surtout celui qui allait
devenir mon futur prof de cor, m’inspiraient beaucoup et les palmiers
aidaient aussi! J’ai décidé de rester à Nice parce
que le professeur avait non seulement un talent absolument unique au monde à
mon avis, il avait aussi le temps de partager ce qu’il savait avec moi”.
Pas seulement une heure par semaine comme à Montréal ou à
Bruxelles, parce que la classe n’était pas à pleine capacité
(le cor n’est pas un instrument aussi populaire que le piano ou la trompette,
pardon Véronique) M. Paul Warin pouvait me donner toutes les heures que
je voulais, à condition d’être sérieux et de travailler
l’instrument comme un homme”.
Accepté comme étudiant au Conservatoire National de Nice, gratuitement
grâce aux accords passés entre le Général de Gaule
et le Premier ministre Lesage du Québec dans les années ‘60,
Roger-Luc Chayer avait donc toutes les cartes en place pour réaliser
ce qu’il souhaitait le plus au monde, être un bon corniste.
Il remporte au fil des années à Nice les plus hautes distinctions
musicales du Conservatoire avec un Premier prix de musique de Chambre, un Premier
prix de cor et de nombreuses autres récompenses. Pendant ses études,
Roger-Luc Chayer participera à de nombreux orchestres symphoniques dont
celui du Conservatoire National de Nice, l’Orchestre philharmonique de
Nice, l’Orchestre de l’Opéra de Nice, l’Orchestre régional
de Cannes et celui du Capitole de Toulouse. “J’ai eu la chance d’avoir
un excellent professeur de cor d’une part mais aussi d’avoir en
ce professeur un père qui me donnait toujours, dès qu’il
en avait l’occasion, la chance de travailler avec lui et plus tard, seul,
dans les orchestres symphoniques locaux. Que demander de plus que de pouvoir
mettre en pratique de longues années d’apprentissage et de pouvoir
travailler assis à côté de son idole classique?” raconte
Roger-Luc, l’air visiblement ému. “Il me manque, ils me manquent
tous”, dira plus tard Chayer en essuyant une larme.
Pour redonner un peu à son conservatoire qui le commanditera pendant
des années avec une aide financière de la Fondation Kosma, Roger-Luc
Chayer a décidé, en 1992, de remettre à chaque année
au meilleur élève de la classe de cor de son ancien professeur
Paul Warin un somme d’argent sous forme d’une bourse qui porte son
nom. La bourse Roger-Luc Chayer versera au fil des ans l’équivalent
du matériel musical à être dépensé par l’étudiant
récipiendaire, voilà un acte d’une grande générosité
qu’il voudrait bien voir se répéter par tous les autres
Premiers prix du Conservatoire de Nice. “J’ai toujours apprécié
ce qu’on me donnait à Nice. D’abord un enseignement gratuit
et une traitement égal à tous les français, ce qui est
d’une grande générosité pour la France qui doit ainsi
aborber les frais de scolarité des québécois qui étudient
dans ses institutions scolaires et universitaires mais aussi pour tous les tikets-repas
du resto univesitaire et l’hébergement en résidence universitaire.
On m’a donné une richesse culturelle d’une gande valeur et
je me suis toujours senti redevable de cette aide, même si jamais on n’aura
soulevé la moindre question à ce sujet. J’ai souhaité
redonner avec des sous pour aider les étudiants qui, comme moi, pourraient
avoir certaines limites financières, mais redonner signifie aussi de
jouer du cor et de diriger des orchestres symphoniques comme nul autre, en disant
haut et fort d’où vient cette si belle sonorité.
En 1991, Roger-Luc Chayer, alors chef de l’Orchestre des Solistes méditerranéens
de Nice, organisait seul la présentation de deux concerts symphoniques
d’amitié France-Québec et recevait l’appui des maires
Jean Doré de Montréal et celui de Nice, sans compter l’appui
du Consul honoraire du Canada à Monaco et de la Chambre de commerce France-Canada.
Après avoir vendu à lui seul tous les billets pour les deux concerts
et avoir donné une prestation spectaculaire, il est revenu vivre à
Montréal.
La discographie internationale ne présente que très rarement des
oeuvres avec cor. Roger-Luc Chayer est considéré comme le corniste
canadien le plus prolifique avec plusieurs enregistrements que l’on peut
toujours entendre en visitant le site de Disques A Tempo, son étiquette
sono, au www.le-national.com/disquesatempo
Depuis 1993, Roger-Luc Chayer a occupé les fonctions de journalistes
à RG, à la revue Le Point et en est devenu l’éditeur
depuis 2002.
“On m’a confié dès le début des dossiers très
difficiles qui impliquaient la gestion financière de certaines organisations
et j’ai traité ces affaires avec la même minutie qui m’anime
depuis mon enfance. J’ai été formé pour être
le meilleur et je fais mon travail comme je le ferais si j’étais
chef d’un orchestre. Quand vous avez 100 musiciens à diriger et
que le public paie pour vous entendre, ce même public est en droit d’avoir
le meilleur de ce que vous pouvez lui donner. Je n’ai jamais été
tendre comme journaliste, mais devant l’absurdité, je deviens intolérant
et je l’exprime bien je crois, les lecteurs le savent depuis longtemps.
J’espère que j’ai contribué à mieux faire connaître
mes motivations profondes et surtout, que le public se souviendra dorénavant
qu’avant d’être dans les médias, oui, j’étais
sur les pochettes de cd”, conclut notre chef d’orchestre et éditeur.
Chiffres: Comme musicien et éditeur, R. L. Chayer a généré
plus de 2 Millions de dollars en activités économiques diverses
et emplois au Canada et en France.