Par Le National
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Cellules souches: Bush, sous pression, entre science et religion

WASHINGTON, 2 juil (AFP) - Un consensus politique en faveur du financement public de la recherche médicale sur les cellules souches embryonnaires émerge aux Etats-Unis, après le ralliement inattendu de parlementaires républicains opposés à l'avortement, qui pourrait pousser George W. Bush au compromis.

Le président américain a reçu les recommandations en la matière du secrétaire à la Santé, Tommy Thompson, et doit annoncer dans les prochaines semaines sa position sur ce sujet qui suscite une véritable levée de boucliers dans certains milieux de la droite religieuse.

La décision est d'autant plus délicate que les cellules souches portent en elles d'immenses promesses.

Ces cellules indifférenciées présentent la particularité de pouvoir donner naissance à des lignées de cellules spécialisées (sang, muscles, neurones...). Les chercheurs espèrent donc pouvoir parvenir un jour à "réparer", voire remplacer, des organes endommagés et à mettre au point des thérapies cellulaires contre des maladies mortelles aujourd'hui incurables.

Mais pour se les procurer, les chercheurs doivent récupérer soit des foetus avortés, soit des embryons "surnuméraires", c'est-à-dire obtenus lors de traitements contre la stérilité mais qui sont en trop.

L'idée soulève une forte opposition des lobbys anti-avortement et de la hiérarchie catholique, qui considèrent que la vie débute dès la conception. Disposant de l'oreille attentive d'un proche conseiller du président, Karl Rove, ils font pression pour que M. Bush - qui doit rencontrer le pape à la fin de ce mois - leur donne gain de cause.

De leur côté, les scientifiques insistent sur le fait qu'un amas minuscule et grossier de quelques cellules embryonnaires n'a rien encore d'un être humain. Dans une lettre à M. Bush et signée par 80 prix Nobel, ils font aussi remarquer que les embryons utilisés dans ces recherches seraient de toute façon jetés et donc perdus pour la science.

En 1995, le Congrès à majorité républicaine avait interdit tout financement fédéral de recherches médicales impliquant la destruction d'embryons humains.

Les cellules souches embryonnaires ont été isolées en 1998. L'année suivante, l'administration Clinton autorisait la recherche fédérale sur ces cellules, à condition que les embryons utilisés proviennent uniquement d'institutions privées.

La surprise est venue du ralliement tout récent en faveur de la recherche publique de plusieurs responsables républicains ultra-conservateurs et, parmi eux, de l'un des hérauts des "pro-life", ces farouches opposants à l'avortement, le sénateur de l'Utah, Orrin Hatch.

"La recherche sur les cellules souches peut faciliter la vie. L'avortement détruit la vie. Là, on parle de sauver des vies", souligne M. Hatch, qui a envoyé un mémorandum de douze pages à l'administration Bush.

Dans une lettre adressée récemment à un groupe anti-avortement, la Culture of Life Foundation, M. Bush n'avait laissé plané aucune équivoque. Il se disait "opposé à tout financement fédéral des recherches sur les cellules souches qui impliquerait la destruction d'embryons humains vivants".

Mais s'il ne veut pas s'aliéner son électorat traditionnnel, le président, que le secrétaire à la Santé décrit comme étant "réellement torturé" sur cette question, ne souhaite pas non plus donner l'impression d'apparaître comme rétrograde.

Fort des prises de position inespérées des ténors de son parti, il pourrait donc avoir trouvé une porte de sortie, en montrant qu'il a longuement pesé toutes les considérations morales de sa décision.

Selon le quotidien Los Angeles Times, M. Thompson lui aurait suggéré une solution de compromis: le financement fédéral de la recherche sur les cellules souches serait autorisé, à condition qu'on ne détruise pas d'embryons à cette seule fin. Les embryons déjà détruits (avortements) ne seraient donc pas prohibés. Autre solution possible: utiliser des cellules souches embryonnaires cultivées en laboratoire.