Par Le National
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MSF lance une nouvelle campagne anti-sida en Russie où les moeurs évoluent

MOSCOU, 15 juin (AFP) - L'organisation humanitaire Médecins sans Frontières (MSF) a lancé vendredi en Russie une nouvelle campagne anti-sida, adaptée à l'évolution rapide des moeurs dans ce pays où le sexe avait été un sujet tabou pendant des décennies.

"Comme la société (russe) est devenue beaucoup plus tolérante à l'égard du sexe, nos clips et nos affiches vont être plus francs", ont affirmé les organisateurs.

Cette nouvelle campagne préparée par MSF et une ONG russe, Fondation Fokus, avec le soutien du ministère russe de la Santé, vise des personnes entre 20 et 29 ans, classe d'âge à laquelle appartiennent près de 60% de tous les séropositifs en Russie.

C'est la quatrième campagne anti-sida lancée par MSF en Russie.

Elle va s'étendre sur six mois et prévoit notamment la diffusion sur toutes les chaînes de télévision de quatre clips vidéo, conseillant d'utiliser les préservatifs, avec le slogan "Il est important d'être protégé". Des panneaux publicitaires et des brochures d'informations sur le sida sont également prévus.

La première campagne de MSF en 1997 "a été un vrai choc" pour la population, se souvient une responsable de l'organisation, Ilona van de Braak.

"Si nous parlons de sida, nous sommes obligés de parler de sexe et cela a été particulièrement difficile en Russie", a-t-elle ajouté.

La première campagne intitulée "Sexe sans risque, c'est mon choix" avait notamment provoqué une vague de mécontentement de l'Eglise orthodoxe russe dont l'influence auprès des autorités s'est accrue après la chute de l'URSS.

Un programme d'éducation sexuelle qui devait être introduit dans les établissements d'enseignement secondaire en 1997, a été interdit, le ministère de l'Education ayant cédé à la pression de l'Eglise.

Les organisateurs de la campagne anti-sida de 1999 ont donc été obligés d'être beaucoup plus prudents, évitant de prononcer le mot "sexe" et mettant au centre de leurs clips et affiches un petit personnage de bande dessinée et une phrase floue "Un choix raisonnable pour une personne raisonnable".

Les nouveaux clips diffusés vendredi pour la première fois devant les journalistes sont beaucoup plus directs: un adolescent drague une jeune fille dans un bar, en lui montrant un préservatif, des amoureux dans une barque échangent des regards tendres, les mêmes ustensils à la main, et même une mère au foyer qui les tend à son mari lorsque celui-si rentre le soir.

"Les personnes mariées mènent une vie sexuelle assez active hors de leur foyer, c'est pourquoi il est raisonnable d'utiliser un préservatif également dans la vie familiale", conseille la présidente de la Fondation Fokus, Evguenia Alexeïeva.

Les campagnes précédentes ont été "très efficaces" auprès des moins de 25 ans, souligne-t-elle.

Aujourd'hui, près de 43% de Russes de cette classe d'âge utilisent régulièrement des préservatifs, alors que ce chiffre représentait seulement 25% en 1998, a-t-elle précisée.

Cette fois-ci, MSF et Fokus ont décidé de s'adresser à des personnes plus âgées qui se souviennent encore de "l'époque où les mots «sexe» et «préservatif» étaient tabou" et qui ont "une attitude plus négative à l'égard des préservatifs" que les jeunes d'aujourd'hui.

La Russie compte actuellement plus de 122.000 séropositifs dont 63.000 nouveaux cas découverts au cours des cinq derniers mois, selon les chiffres officiels, mais leur nombre réel est 5 ou 7 fois plus important, estiment les spécialistes.