Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


Du public mais pas de gouvernement autrichien aux cérémonies de Mauthausen. Trois questions pour le prof. Luc Montagnier sur le SIDA! Des statistiques précises sur le taux de SIDA en Afrique. Un débat sur la nouvelle théorie voulant que le SIDA ne résulte pas du VIH mais d'une autre condition plus facile à soigner! Un pro-gai entre à la mairie de Londres.

10.000 personnes, mais pas le gouvernement, aux cérémonies de Mauthausen

MAUTHAUSEN (Autriche), 8 mai (AFP) - Plus de 10.000 personnes ont assisté dimanche soir à un concert de la Philharmonique de Vienne en hommage aux victimes du camp de concentration autrichien de Mauthausen, libéré il y a 55 ans.

L'Orchestre Philharmonique de Vienne a joué la Neuvième Symphonie de Beethoven, dans la carrière de granit du camp où plus de 100.000 prisonniers sont morts durant la guerre, avant que ce camp situé à une centaine de kilomètres à l'ouest de Vienne soit libéré par les troupes américaines début mai 1945.

Le gouvernement autrichien, formé le 4 février avec le parti d'extrême droite de Joerg Haider, n'a pas été invité par les organisateurs.

Parmi les spectateurs, Jan Zavrel, un ancien résistant tchèque de 80 ans ayant survécu à Mauthausen et Dachau, assurait que "les jeunes ne doivent pas oublier ce que nous avons enduré".

Le prix Nobel de la Paix Elie Wiesel, qui avait refusé de participer aux cérémonies en raison de la présence de l'extrême droite au gouvernement autrichien, a expliqué son choix dans un message lu avant le concert.

"Je crois en la mémoire: elle rassemble les gens. Mais il y a des gens qui, dans l'actuel gouvernement autrichien, les séparent", a-t-il déclaré.

Le président autrichien Thomas Klestil a exprimé "la honte et la colère" pour la participation autrichienne au génocide perpétré par les nazis. "A l'occasion du deuil des morts s'expriment la honte et la colère qu'il y ait eu aussi des participants autrichiens à ces exactions", a-t-il déploré dans un discours prononcé avant le concert.

"Mauthausen est pour l'Autriche et le monde entier le symbole de l'horreur et de la douleur. Je pense qu'il n'est pas approprié de jouer à la politique politicienne avec cette question", a pour sa part déclaré dans un communiqué le secrétaire général du parti conservateur au pouvoir Maria Rauch-Kallat, regrettant la décision des organisateurs d'"exclure de la commémoration des représentants de la majorité du peuple autrichien".

Dans la carrière de granit du camp, le public s'est vu demander de ne pas applaudir, et lorsque la nuit est tombée, seuls les chants des oiseaux brisaient le silence, lors des pauses entre les différents mouvements.

Dans le public figuraient cinq membres de la 11ème division blindée américaine qui avaient libéré Mauthausen le 5 main 1945.

Mauthausen fut érigé en août 1938, quelques mois après l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie. "C'était un camp de concentration européen avec des détenus et prisonniers de guerre originaires de presque tous les pays d'Europe", rappellent les organisateurs de la cérémonie.

Les déportés étaient principalement des opposants au régime nazi, dont des membres de l'armée républicaine espagnole émigrés en France, des juifs, des témoins de Jéhovah, des homosexuels. Il a aussi compté 44.000 Polonais, plus de 38.000 Soviétiques et 18.000 Hongrois.

Ils étaient forcés de travailler dans des conditions inhumaines dans les carrières de granit du camp. Les chambres à gaz y ont été utilisées jusqu'au 28 avril 1945 et les derniers prisonniers exécutés étaient des résistants autrichiens, car, selon l'historien Hans Marsalek, "il ne fallait pas que les alliés trouvent une seule personne déterminée à reconstruire le pays".

 

La Commission Mbeki sur le SIDA: trois question au professeur Montagnier

PRETORIA, 7 mai (AFP) - Le professeur français Luc Montagnier, découvreur du virus du SIDA et participant à la Commission Mbeki sur la maladie, a estimé dimanche dans un entretien avec l'AFP que les scientifiques "dissidents" qui nient le lien entre le virus VIH et le SIDA se trompent. Mais il faut, selon lui, adapter les traitements actuels du SIDA à l'Afrique.

Luc Montagnier

QUESTION: La Commission Mbeki ne risque-elle pas de donner un forum inespéré à des scientifiques dont les thèses sont rejetées par l'immense majorité de la communauté médicale mondiale?

REPONSE: C'est effectivement un danger car ce qui est en jeu, ce sont des décisions qui peuvent influer sur la vie de millions de personnes. Bien sûr, personne ne peut apporter une solution toute faite pour ce problème en Afrique. On ne peut pas le résoudre de la même façon dans les pays où il y a une très faible incidence de cas de SIDA comme l'Europe ou en Amérique du Nord maintenant, et l'Afrique du Sud. Là on a affaire à une catastrophe annoncée, puisqu'il y a dix pour cent de la population qui est infectée par le virus. J'ai compris qu'avant de se lancer dans des décisions importantes de santé publique, le gouvernement sud-africain voulait une dernière fois se rassurer sur les origines et les causes de cette épidémie. Et c'est vrai que le danger, c'est qu'il donne un forum inespéré à quelques "dissidents" ou "révisionnistes" qui depuis des années nient tout.

QUESTION : Est-il possible aujourd'hui de mettre en cause le lien entre le virus - que vous avez découvert avec votre équipe de l'institut Pasteur - et la maladie?

REPONSE : Pour moi non, et pour la majorité des participants ici, il est tout à fait clair que le SIDA est une maladie sexuellement transmissible, causée par un virus qui est le virus VIH. Si l'on voulait encore ajouter des preuves récentes, il y a les effets de la trithérapie basée sur des produits qui ont été spécialement synthétisés pour agir sur le virus. Ces effets de la trithérapie, là où elle peut être utilisée de façon rationnelle, sont spectaculaires, en ce sens qu'ils n'ont pas apporté une guérison, mais qu'ils ont sauvé la vie ou prolongé le vie de millions de personnes. Par exemple en Europe, le taux de mortalité en 1994, qui était de 75 % sans traitement, est tombé à moins de 3% en 1999.

QUESTION : En quoi la commission Mbeki à laquelle vous participez peut-elle faire avancer la lutte contre la maladie?

REPONSE: J'espère que les arguments qui ont été apportés, par l'immense majorité de la communauté scientifique seront écoutés et permettront maintenant au gouvernement sud-africain de prendre les décisions, qui ne sont quand même pas faciles à prendre de toute façon dans l'hypothèse que le virus cause le SIDA. Parce que les trithérapies telles qu'elles existent sont absolument impossibles à appliquer dans un pays qui a dix pour cent de personnes infectées (4,2 millions). Donc il faut trouver des moyens d'adapter ces traitements pour les rendre beaucoup moins coûteux et beaucoup plus accessibles aux patients d'Afrique du Sud. Absolument rien ne doit etre écarté, mais toujours dans le cadre d'une hypothèse où nous avons affaire à une maladie sexuellement transmissible. Je continue de penser que la très grande transmission hétérosexuelle en Afrique est liée à des co-facteurs qui restent à identifier. On connaît beaucoup sur le virus lui-même, mais on ne connait pas tout à fait encore comment le virus cause cette maladie. C'est certainement plus compliqué qu'on ne le croyait il ya quelques années. Il faut donc trouver les co-facteurs de cette transmission beaucoup plus importante dans les pays du Sud que dans les pays du Nord.

 

Le SIDA en Afrique en chiffres

OUAGADOUGOU, 7 mai (AFP) - Les ministres de la Santé de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) participent à partir de dimanche à Ouagadougou à une conférence de deux jours sur le SIDA, premier tueur en Afrique après le paludisme et la guerre.

Sur les 25 pays les plus touchés dans le monde, 24 se situent en Afrique.

22,5 millions d'Africains sont infectés par le HIV qui a tué 11 millions de personnes en une quinzaine d'années.

En 1998, le SIDA a tué 1,83 million de personnes en Afrique, plus que les guerres et le paludisme, selon les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Près de 70% des personnes infectées par le VIH dans le monde sont en Afrique sub-saharienne, selon les chiffres de l'ONUSIDA.

Cette région, qui compte seulement un dixième de la population du globe, regroupe à elle seule 83 % des décès liés à la maladie depuis le début de l'épidémie.

En 1999, on estimait à 570.000 le nombre d'enfants de moins de 14 ans infectés par le VIH. Plus de 90% d'entre eux sont des bébés nés de mères séropositives infectés à la naissance ou par l'allaitement maternel. Près de 90% de ces enfants se trouvent en Afrique subsaharienne.

95% des orphelins du SIDA sont africains.

En Afrique, le SIDA touche essentiellement les populations jeunes de 20 à 40 ans, ce qui constitue un handicap de plus au développement.

Ainsi, au Malawi, plus de 30 % des enseignants sont touchés par le virus.

Une enquête réalisée dans les grandes exploitations agricoles du Kenya a montré que la maladie et la mort avaient déjà remplacé la retraite en tant que cause principale de départ des employés.

 

Un conseil divisé et controversé d'experts du SIDA se réunit à Pretoria

JOHANNESBURG, 5 mai (AFP) - Un conseil de 33 scientifiques de 14 pays se réunit ce week-end à Pretoria, pour débattre des causes, thérapeuthiques et spécificités du SIDA dans le Tiers-Monde, et éclairer Pretoria dans sa quête, controversée, d'une "réponse africaine" à la pandémie.

Le "Conseil présidentiel sur le SIDA", qui débattra à huis clos pendant 48 heures, puis pendant un mois et demi sur Internet avant une nouvelle réunion en juillet, rassemble quelques sommités sur le SIDA, comme le découvreur du virus VIH Luc Montagnier.

Prétoria

Mais le panel a aussi créé une énorme polémique, en Afrique du Sud et dans la communauté médicale mondiale, par l'inclusion d'experts considérés comme "négationnistes", réfûtant le lien de causalité entre virus VIH et SIDA. Les Américains Peter Duesberg et David Rasnick, deux de leurs chefs de file, seront à Pretoria.

Ces "dissidents" défendent l'idée de causes spécifiques, comme pauvreté, malnutrition, manque d'hygiène ou maladies localement dominantes, qui peuvent déterminer l'immunodéficience dans des pays en développement.

Mbeki, qui dans une récente lettre à Bill Clinton a défendu Duesberg, se retrouve sous multiples feux pour sa ligne face au SIDA.

D'une part pour relancer des thèses que l'essentiel de la communauté médicale écarte depuis des années. Simultanément pour son refus continu d'administrer l'AZT aux femmes enceintes séropositives, arguant d'un coût élevé, d'une efficacité non prouvée et d'effets secondaires restant à étudier.

Chaque jour, l'Afrique du Sud compte 1.600 séropositifs de plus, selon les chiffres officiels récents faisant état de 4,2 millions de personnes (une sur dix) infectées.

Le gouvernement se défend aujourd'hui de remettre en cause les acquis scientifiques, mais dit vouloir "provoquer une discussion" pour "remettre dans le contexte" des pays pauvres les découvertes, traitements et stratégies dominantes dans les pays riches.

"Nous devons chercher des solutions pertinentes pour notre contexte social, économique, d'infrastructures médicales... une solution possible en Californie et à New York n'est pas possible ici", plaide le ministre des Sciences, des Arts et de la Culture, Ben Ngubane.

Ngubane cite le cas de femmes séropositives en zones rurales reculées et qui n'ont d'autre choix que de nourrir au sein, car la piètre qualité de l'eau rend l'utilisation d'un substitut trop dangereuse pour le nouveau-né. Le virus se transmettant par le lait maternel, l'utilisation de l'AZT serait "un non-sens absolu" dans leur cas, selon le ministre.

C'est à ce type de problèmes spécifiques et aux "nombreuses, nombreuses questions encore sans réponse" sur VIH et SIDA que Pretoria dit vouloir faire réfléchir le panel.

Aux nombreux scientifiques, sud-africains notamment, qui reprochent au gouvernement de se tromper de guerre, l'opposition joint sa voix et se déchaîne. Elle l'accuse de vouloir "réinventer la roue" au lieu d'appliquer des recettes de bases qui ont marché dans certains pays africains, comme au Sénégal. Dont aucun représentant ne siégera au panel.

Les observateurs n'excluent pas que la ligne Mbeki soit essentiellement politique, dans le cadre d'un bras-de-fer avec les géants pharmaceutiques et gouvernements occidentaux, en vue d'une meilleure "donne", qui mettrait équipements et traitements à la portée de l'Afrique.

Dans la même logique, la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) avait lancé fin 1999 un clair défi. Dénonçant la "force et l'influence excessive des géants pharmaceutiques internationaux", ses 14 pays-membres s'étaient officiellement promis d'explorer toutes les options pour réduire le coût des traitements, y compris les "importations parallèles" hors circuits commerciaux ou les "brevets obligatoires" locaux.

 

Londres élit Ken ''le rouge'' envers et contre Tony Blair

Par Kristin Gazlay

LONDRES (AP) -- Pour la première fois qu'ils votaient pour désigner leur maire, les Londoniens ont infligé un cinglant revers au Premier ministre britannique Tony Blair en élisant le dissident travailliste Ken Livingstone avec 38% des suffrages, selon les résultats officiels publiés vendredi.

Ken Livingstone

''Le peuple de Londres a parlé. Nous acceptons son verdict et nous devons faire en sorte que cela se passe bien'', a déclaré Tony Blair. Ken ''le Rouge'' devance le Conservateur Steve Norris (26,5, et surtout le candidat investi par le Parti travailliste, l'ancien ministre de la Santé Frank Dobson, qui n'a recueilli que 13% des voix, soit un petit point de plus que la libérale-démocrate Susan Kramer.

La nouvelle assemblée de Londres élue en même temps se composera de neuf travaillistes, autant de conservateurs, quatre libéraux-démocrates et trois écologistes.

Ken Livingstone, âgé de 54 ans, dirigeait auparavant le conseil municipal londonien, supprimé en 1986 par le Premier ministre de l'époque, Margaret Thatcher. Le conseil avait interdit le nucléaire dans la capitale, avait eu des paroles aimables pour l'Armée républicaine irlandaise (IRA), avait défendu les droits des homosexuels et réduit drastiquement le prix du métro. Bien qu'il estime avoir été victime d'une ''campagne absolument ignoble'' de ses ex-amis travaillistes, le nouveau maire a promis de collaborer étroitement avec le gouvernement de Tony Blair.

''Les gens disent beaucoup de choses stupides pendant une campagne électorale mais après ils doivent faire avec la réalité sortie des urnes'', a déclaré Ken Livingstone, qui avait été exclu du Parti travailliste parce qu'il se présentait sous l'étiquette indépendante.

La journée était décidément maussade pour les travaillistes qui ont par ailleurs cédé du terrain aux conservateurs dans les élections municipales également organisées jeudi et destinées à renouveler plus de 3.300 sièges dans 152 conseils: les Tories ont en effet raflé 593 sièges à leurs adversaires qui en ont perdu 568.

Les analystes politiques, qui considèrent ce scrutin comme un test national pour le gouvernement Blair, après trois ans de pouvoir, estimaient qu'il suffisait aux Tories d'en remporter 4 à 500 pour se poser en véritable force d'opposition. ''Ce sont des résultats sensationnels'', a d'ailleurs estimé le conservateur William Hague, même si son parti a concédé aux libéraux-démocrates un siège à la chambre des Communes dans une élection spéciale dans son giron du sud de l'Angleterre, à Romsey.

Tony Blair

C'est Tony Blair qui a créé le poste de maire et l'assemblée de 25 membres de Londres, dans son programme de décentralisation. La nouvelle Autorité du Grand Londres remplace un système d'administration qui comprenait 32 arrondissements et plusieurs autorités municipales.

Le maire de Londres représente 7.250.000 Londoniens, gère un budget de 3,3 milliards de livres (39 milliards de FF/5,96 milliards d'euros) et est responsable de la police, des pompiers, des urgences et des transports.