Par Le National
© Roger-Luc Chayer / Le National


"Bêtes de scène" de Christopher Guest

Après Spinal Tap et Waiting for Guffman, Bêtes de scène prolonge le principe du "documenteur" iconoclaste et délirant consistant à filmer face à la caméra, comme dans un reportage télé, une série de personnages. L'idée ici est de suivre en parallèle le parcours de plusieurs fanatiques en course pour le fameux "Salon du Mayflower", un concours qui détermine le plus bel animal domestique de l'année. La première idée de Bêtes de scène est de reléguer au second plan les animaux pour ne se concentrer que sur leurs propriétaires, une galerie de personnages colorés et déjantés dont se détachent un pêcheur à la mouche ventriloque, quelques couples de gentils beaufs en mal de célébrité départementale, des lesbiennes sous UV, un duo d'homosexuels gominés...

Le film ne se complaît jamais dans le cynisme et le jugement moral de ce qu'il fait mine de dénoncer. Ce qui importe ici, à la grande différence des reality-shows parodiques qui ont repris le procédé, n'est pas tant la réalité décrite que le fantasme qu'elle suscite, sa représentation déguisée et purement imaginaire, une sorte de délire aberrant qui ne se départit à aucun instant de compassion, voire d'une certaine tendresse, envers ce qui est filmé. La froideur du système (interviews frontales, montage parallèle, progression mécanique du film) est contrebalancée par un humour de situation moins moqueur que déclencheur d'euphorie, permettant au spectateur de se rapprocher progressivement des personnages.

Représentatif d'une tendance du divertissement de masse hollywoodien actuel (le trivial déréalisé en une sorte de conte de fée décapant), Bêtes de scène montre surtout à quel point Spinal Tap fut un passage essentiel de la comédie américaine contemporaine.

Cote d'amour : 85%

Vincent Malausa

Scénario : Christopher Guest, Eugene Levy
Photo : Robert Schaefer
Musique : Jeffrey C.J. Vanston
Avec : Christopher Guest, Parker Posey, Michael Hitchcock, Eugene Levy

USA, 2001
90 minutes