Par Le National
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Bébés séropositifs: le gouvernement sud-africain sur le banc des accusés

PRETORIA (AFP) - Le gouvernement sud-africain a été accusé lundi devant la Haute Cour de Pretoria de mettre en péril la vie de milliers de nouveaux-nés par son refus de mettre à la disposition du public un médicament limitant la transmission du virus du sida de la mère à l'enfant.

Au premier jour du procès intenté au gouvernement, la TAC (Treatment Action Campaign), a dénoncé ce "vice fatal" de la politique du gouvernement en matière de lutte contre la pandémie, dans le pays le plus touché par le virus VIH dans le monde.

"Ce n'est ni une exagération, ni un effet d'émotion que de dire qu'il s'agit là littéralement d'une question de vie ou de mort (...) celle de savoir si des nouveaux-nés vont vivre ou mourir", a dit M. Gilbert Marcus, avocat de la TAC, la principale ONG sud-africaine d'aide aux malades du sida.

D'après l'avocat, en Afrique du Sud, "environ 100.000 bébés deviennent séropositifs chaque année et la plupart d'entre eux meurent avant l'âge de cinq ans".

D'après les études, l'usage de la Nevirapine, un médicament anti-rétroviral, limite de 50% la transmission de la mère à l'enfant pour un coût minime et une durée de traitement limitée.

Le gouvernement sud-africain a refusé jusqu'à présent de distribuer les médicaments anti-rétroviraux qu'il juge à la fois inefficaces et toxiques. Le président sud-africain Thabo Mbeki a récemment jugé, devant le Parlement, que ces médicaments étaient "aussi dangereux pour la santé que la maladie qu'ils sont censés traiter".

Selon l'avocat de la TAC, cette politique "est arbitraire, déraisonnable et irrationnelle". "Sa conséquence est potentiellement des milliers de morts d'enfants prévisibles alors qu'elles sont évitables". Aussi la TAC demande à la justice sud-africaine d'ordonner que la Nevirapine soit mis à la disposition des établissements publics de santé.

Actuellement, ce médicament n'est disponible que dans le secteur privé et dans quelques centres de recherche pilotes.

M. Marcus a souligné que les femmes pauvres, qui représentent 80% des femmes utilisant les services publics de santé, n'ont accès au médicament que si elles habitent près d'un site de recherche.

Selon l'avocat, la politique du gouvernement viole ainsi les droits constitutionnels à la vie, la dignité et l'égalité.

Le juge Chris Botha a exprimé son propre malaise à la lecture des rapports fournis à l'appui de l'action de la TAC.

"J'ai l'impression que tout est bloqué. Il y a des gens qui veulent aider, mais ils ont l'impression que leurs mains sont liées".

Selon lui, la Nevirapine est "un bon médicament et il semble qu'il devrait être accessible autant qu'il est pratiquement possible".

Plusieurs femmes enceintes portant un tee-shirt "HIV-positive" (séropositive) assistaient à cette première journée du procès devant la Haute Cour de Pretoria.

Des centaines de manifestants qui avaient participé à une veille dans la nuit de dimanche à lundi dans le centre de Pretoria s'étaient rendus lundi matin au tribunal, précédés d'une banderole portant l'inscription: "Donnez un choix à la mère. Donnez une chance aux bébés".

En passant devant le ministère sud-africain de la Santé, les manifestants avaient déposé des petites croix symbolisant les enfants qui meurent du sida.

L'Afrique du Sud est le pays le plus touché par l'épidémie du sida dans le monde avec une estimation officielle de 4,7 millions de séropositifs fin 2000. Selon une étude officielle menée en 2000, 24,5% des femmes enceintes sont séropositives dans ce pays.