Par Le National
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La très catholique Autriche peine à reconnaître les couples homosexuels

VIENNE, 31 août (AFP) - Sans attendre un gouvernement qui hésite à reconnaître l'homosexualité, un juge autrichien a refusé cette semaine de condamner un homosexuel pour relations avec des mineurs.

Alors que l'Allemagne vient d'adopter début août un "contrat de vie commune" pour les couples homosexuels, qui leur reconnaît certains des droits des couples mariés, l'Autriche peine à faire évoluer ses lois vers la reconnaissance de l'homosexualité. La coalition conservatrice au pouvoir est divisée sur la question.

L'Autriche, pays à majorité catholique, est avec le Portugal le seul pays de l'Union européenne où l'âge légal pour avoir des relations sexuelles reste différent pour les hétérosexuels et les homosexuels.

Pour la première fois en Autriche, un juge a déclaré mardi "non coupable" un homme de 37 ans qui avait eu des relations sexuelles avec des garçons mineurs, âgés de 14 à 16 ans. L'homme devra s'acquitter d'une amende de 20.000 schillings (1.453 euros), mais aucune condamnation ne sera portée sur son casier judiciaire.

Une disposition de la loi autrichienne, le "paragraphe 209", fixe pourtant à 18 ans l'âge légal pour avoir des relations homosexuelles, alors qu'entre un homme et une femme il est de 14 ans.

Le juge viennois Thomas Schrammel a justifié sa clémence par le fait que l'accusé n'avait jamais eu de relations sexuelles contre la volonté de ses partenaires, ce qu'a confirmé l'audition des jeunes hommes concernés.

L'accusé a toujours fait ses propositions poliment, "contrairement à certains hommes qui rentrant éméchés chez eux exigent de leur femme qu'elle accomplisse ses ''devoirs conjugaux''", a déclaré le juge pendant le verdict.

Le juge a qualifié le paragraphe 209 de "corps étranger très contestable dans la loi pénale" autrichienne.

Contraint néanmoins de respecter le texte de la loi, il en a fait une interprétation la plus libérale possible, permise lorsque la responsabilité de l'accusé est jugée "minimale".

Ce verdict est cependant contesté par l'avocat général qui a fait appel, et la cour de cassation autrichienne devra se prononcer prochainement.

Quelques jours avant la décision du juge Schrammel, un autre juge avait condamné un homme à 15 mois de prison, dont une partie avec sursis, pour avoir eu des relations homosexuelles avec des mineurs, alors qu'il avait déjà été condamné pour ce motif.

"Si vous voulez avoir des relations avec des mineurs, vous pouvez aller dans les pays étrangers où elles sont autorisées" avait conseillé le juge à l'accusé, selon le journal Der Standard, assimilant ainsi l'homosexualité au "tourisme sexuel" et choquant une partie de son auditoire.

Le ministre de la Justice FPOe (extrême droite), Dieter Boehmdorfer, a critiqué jeudi la clémence de Thomas Schrammel, en estimant qu'elle ne devait pas s'appliquer aux délits sexuels. Il a ajouté qu'il ne voyait aucune raison d'assouplir le paragraphe 209.

Cette disposition, condamnée comme discriminatoire par le Conseil de l'Europe et le Parlement européen, est actuellement examinée par la Cour constitutionnelle autrichienne. Ses conclusions pourraient contraindre M. Boehmdorfer à supprimer ou à modifier profondément le paragraphe 209.

Le FPOe est divisé sur cette question. Contrairement au ministre de la Justice, le vice-chancelier Susanne Riess-Passer s'affirme favorable à une suppression du paragraphe contesté et à la reconnaissance des couples homosexuels.

Le chancelier conservateur Wolfgang Schuessel (conservateur, dont le parti est allié au FPOe dans la coalition au pouvoir) a fait savoir qu'il n'était "pas prêt à sacrifier la protection de la jeunesse et de l'enfance sur l'autel d'une idée à la mode", mais qu'il serait prêt en revanche à discuter d'une élévation de l'âge légal des relations hétérosexuelles. Mais son attitude est contestée dans son propre parti.

Le Parti socialiste et les Verts, dans l'opposition, réclament unanimement l'abandon du paragraphe 209 pour décriminaliser les relations sexuelles volontaires des mineurs.

La pression de l'Europe et la décision indépendante de la Cour constitutionnelle attendue pour l'automne, devraient trancher la controverse politique. Mais le débat sur le mariage homosexuel n'a pas encore commencé...